Enfant prodigue : un ralliement d’Emmanuel Macron suffirait-il à sauver François Hollande ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Enfant prodigue : un ralliement d’Emmanuel Macron suffirait-il à sauver François Hollande ?
©Reuters

Cas désespéré

Tandis qu'Emmanuel Macron remporte ses premiers succès sondagiers, François Hollande poursuit sa chute. L'un comme l'autre disposent cependant d'atouts susceptibles d'intéresser l'autre : la dynamique pour Macron, le soutien du parti pour Hollande.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
Voir la bio »

Atlantico : Selon un récent sondage IFOP pour le JDD, seuls 14% des Français souhaitent que François Hollande soit candidat en 2017. Ce chiffre vient confirmer une série d'autres analyses témoignant du rejet dont souffre aujourd'hui le chef de l'État. En parallèle, pourtant, Emmanuel Macron semble accumuler les succès sondagiers, sans pouvoir les concrétiser dans les urnes faute de parti, entre autres. Dans quelle mesure un ralliement d'Emmanuel Macron à François Hollande pourrait-il profiter, électoralement et auprès de l'opinion, aux deux hommes ? Quelles pourraient être les conséquences politiques d'un telle réunion, notamment auprès de l'opinion ?

Yves-Marie Cann : Le rejet dont pâtit aujourd’hui François Hollande atteint des niveaux inédits pour un président de la République à quelques mois de la fin de son premier mandat. Ce rejet atteint de tels niveaux que c’est désormais une majorité de sympathisants socialistes qui déclarent ne pas souhaiter qu’il se représente en 2017. Face à une telle situation, les spéculations vont bon train et les ambitions présidentielles de ses adversaires s’aiguisent. Emmanuel Macron bénéficie quant à lui d’une opinion publique jusqu’ici bienveillante, réussissant d’ailleurs l’exploit, en tant qu’ancien ministre de l’Economie, d’échapper au discrédit qui frappe aujourd’hui le bilan économique de l’exécutif faute de croissance dynamique et d’inversion tangible de la courbe du chômage.

L’hypothèse d’un ralliement d’Emmanuel Macron à François Hollande me semble par conséquent hautement improbable. D’abord, parce qu’il l’a affirmé publiquement à plusieurs reprises, l’ancien ministre n’a pas vocation à être le "rabatteur de voix" de François Hollande. Ensuite, parce qu’il est désormais allé trop loin dans son autonomisation pour faire marche arrière. Enfin, parce que François Hollande est trop faible politiquement pour imposer quoi que ce soit à son ancien protégé.

Partant de ce constat, aucun des deux hommes ne profiterait d’un éventuel ralliement. Les soutiens d’Emmanuel Macron attendent du renouvellement et se portent sur lui par opposition à François Hollande, du fait des déceptions et des mécontentements suscités par son quinquennat. Nul n’étant propriétaire de ses voix (potentielles en l’occurrence, rappelons-le), il y a fort à parier que très peu se porteraient au final sur François Hollande et chercheraient plutôt à se reporter sur un candidat du centre, voire de la droite modérée. Surtout, un tel ralliement équivaudrait à un renoncement pour Emmanuel Macron et signerait sans doute la fin de sa carrière politique. Plutôt qu’un ralliement, on pourrait toutefois envisager un rapprochement, notamment dans l’hypothèse où le président de la République renoncerait à briguer un nouveau mandat.

Du point de vue de l'ancien ministre de l'Economie, quels seraient les avantages et les inconvénients d'un tel rapprochement, entre les infrastructures que peut offrir un parti comme le Parti socialiste et l'éventuelle vision de "renoncement" qu'il offrirait ainsi à l'opinion ? Du côté de François Hollande, ne s'agirait-il pas d'une grande victoire lui permettant de se remettre en selle ?

Même si son audience auprès des Français s’avère nettement plus faible qu’il y a cinq ans, même si les effectifs militants ont sensiblement diminué par rapport à 2012, le Parti socialiste s’avère toujours un atout non négligeable, si ce n’est indispensable pour une campagne présidentielle. Son appareil militant, ses cadres et ses élus, ainsi que son quadrillage territorial offrent une puissance de frappe importante. Le mythe de la rencontre entre un homme et un peuple propre à l’élection présidentielle en France ne peut d’ailleurs se concrétiser qu’avec l’appui de puissants relais sur le terrain, ce que permet le Parti socialiste. C’est ce qui manque aujourd’hui à Emmanuel Macron, mais c’est aussi ce qu’il cherche à compenser avec la mise en place et la structuration de son mouvement politique, En Marche !. La stratégie de l’ancien ministre de l’Economie est une stratégie hors-PS, même s’il cherche à rallier à lui des cadres et des élus estampillés socialistes.

Pour François Hollande, les gains à espérer d’un tel rapprochement s’avèrent faibles, si ce n’est quasiment nuls. Pour les raisons déjà évoquées précédemment mais aussi parce que son image est aujourd’hui tout à fait cristallisée, si ce n’est figée par plus de quatre années de mandat présidentiel. Il est illusoire de croire qu’il serait possible de reconquérir en quelques mois le terrain perdu depuis 2012. Bien sûr, il est possible de remonter dans les intentions de vote et de regagner quelques points dans les baromètres de popularité. Mais, à ce stade, la qualification de François Hollande pour le second tour de l’élection présidentielle viendrait avant tout d’un effondrement de Marine Le Pen ou du représentant de la droite issu de la primaire des 20 et 27 novembre. Nous n’en sommes pas là.

D'un point de vue politique, quels sont les freins à un tel rapprochement ? Si François Hollande parvenait à capitaliser sur un Emmanuel Macron en vitrine de sa campagne présidentielle, quelles seraient les défections, ou inversement les ralliements, auxquels le chef de l'Etat serait confronté ?

Le principal frein est l’état de faiblesse politique dans lequel se trouve François Hollande. Comme je l’ai déjà dit, aucun président de la République avant lui n’avait atteint d’aussi bas niveaux de popularité à quelques mois de la fin de son premier mandat. Pis, jamais un président de la République n’a été autant contesté en fin de premier mandat jusqu’au sein de sa propre famille politique. La question aujourd’hui n’est pas de tant savoir si François Hollande peut gagner la présidentielle mais plutôt s’il peut être candidat, sachant qu’il devra passer par la case primaire qui lui a été imposée par les frondeurs.

Par ailleurs, un tel rapprochement n’aurait rien d’évident compte-tenu des tensions qui parcourent aujourd’hui le Parti socialiste entre les tenants d’une ligne sociale-démocrate affirmée, tendance Valls ou Hollande, et les frondeurs qui appellent à une ligne politique davantage marquée à gauche, notamment sur le plan économique. Ceci étant dit, cela offrirait peut-être une réelle opportunité de clarification politique, mais à quel prix ? Sans doute celui d’une explosion du Parti socialiste et donc, à terme, d’une recomposition politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !