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Bientôt orphelins ? À quoi se préparent électeurs et élus de la droite-vraiment-de-droite face à une victoire d'Alain Juppé
©Reuters

Futur incertain

Alors que l'écart ne cesse de se creuser dans les sondages entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, et ce en faveur du maire de Bordeaux, la question de l'avenir des partisans de la droite "dure", pouvant être associée à Nicolas Sarkozy, est d'ores et déjà posée.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Au lendemain du débat de la primaire de la droite et du centre, un sondage Sofres pour LCI, Le Figaro, et Public Sénat donnait Alain Juppé vainqueur du débat de la primaire de la droite et du centre à 36% contre 22% pour Nicolas Sarkozy. Jeudi, c'est un sondage Opinionway pour Atlantico qui créditait Alain Juppé de 42% d'intentions de vote lors du 1er tour de la primaire contre 28% pour Nicolas Sarkozy (voir ici). Ces chiffres laissent de plus en plus présager de la victoire d'Alain Juppé à cette primaire. Dans ce cas, qu'adviendrait-il des partisans de la droite "dure", pouvant notamment être associée à Nicolas Sarkozy, aussi bien du côté des électeurs que de celui des élus ? 

Bruno CautrèsIl y aura bien sûr après les résultats de la primaire un temps de digestion de ceux-ci pour les électeurs et les élus proches de Nicolas Sarkozy si Alain Juppé gagne. Le score réalisé par Nicolas Sarkozy, dans ce cas de figure, jouera un rôle majeur sur la climat de l’après primaire : si Nicolas Sarkozy sort en tête du premier tour et qu’il est battu au second tour par une coalition du ‘tout sauf Sarkozy’ les dommages créés par la primaire seront plus délicats à réparer que si Nicolas Sarkozy sort second du premier tour et avec un écart significatif avec Alain Juppé. Les partisans de la ‘droite dure’, en fonction de ces deux hypothèses, n’auront pas le même poids et la même capacité à peser sur le programme et la campagne présidentielle d’Alain Juppé. Mais les choses dépendront aussi de l’attitude d’Alain Juppé s’il gagne la primaire et du climat de celle-ci : les tensions avant l’élection et l’attitude du vainqueur (rassembleuse ou non) joueront un rôle important.

De fortes tensions avant et une attitude non-rassembleuse après l’élection seraient de nature à créer des divisions ultérieures dans une droite qui en a déjà connu beaucoup depuis 2012. Les attitudes politiques et les demandes des partisans de la ‘droite dure’ ne disparaitront pas avec l’éventuelle victoire d’Alain Juppé à la primaire. Les questions de tolérance culturelle, d’identité (‘heureuse’ ou pas), continueront également de créer des clivages internes à la droite qui, même en cas de victoire à la présidentielle, continuera d’être sous la pression des scores du FN lors des élections intermédiaires du mandat présidentiel 2017-2022. Il s’agit là de clivages assez lourds et assez structurés qui s’inscrivent dans un temps plus long que celui de la primaire et qui sont liés aux effets perturbateurs de l’intégration économique européenne et globale sur les partis et les électeurs en France. 

Malgré une tendance à l'unité que l'on pourrait observer dans les rangs des Républicains à l'issue de la primaire, et ce quelle que soit le résultat entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, n'y aurait-il tout de même pas, à l'instar de Laurent Wauquiez, des élus LR qui n'auraient rien à perdre à ne pas suivre Alain Juppé malgré son élection à l'issue de la primaire ? 

Si les élus les plus engagés en faveur de Nicolas Sarkozy et les plus proches de ses thèmes de prédilection auront un peu de mal avec une candidature Juppé à la présidentielle, je ne crois pas à l’hypothèse d’une dissidence clairement assumée. D’une part, Nicolas Sarkozy, comme tous les participants à la primaire, s’est engagé à soutenir le candidat finalement choisi. D’autre part, la dissidence se ferait payer très cher ultérieurement même si, dans le cas de Laurent Wauquiez, certains soutiens de Nicolas Sarkozy sont solidement installés dans le paysage politique et disposent de mandats locaux ou nationaux leur permettant de voir venir. Enfin, la dynamique donnée au vainqueur de la primaire par le résultat de celle-ci semblera difficile à vouloir contrecarrer : comment justifier auprès des électeurs de la droite que l’on ne suit pas cette dynamique ? Je pencherais plutôt sur l’idée que ce serait après l’élection et notamment si le programme de réformes s’avérait plus compliqué et long à mettre en œuvre que prévu que les partisans de la ligne Sarkozy se rappelleraient au bon souvenir d’Alain Juppé. 

Certaines personnalités à la droite de l'échiquier politique français, comme Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan ou Henri Guaino, pourraient-elles profiter tout particulièrement de la défaite de Nicolas Sarkozy, et ainsi d'un report de voix d'électeurs et de soutiens d'élus se réclamant de la droite dure ? Quel rapport de forces cela instaurerait-il à droite ? Quelles pourraient en être les conséquences pour l'élection présidentielle de 2017 ?

Une défaite de Nicolas Sarkozy à la primaire priverait de son candidat la frange des électeurs de droite les plus sensibles aux thèmes mis en avant par Nicolas Sarkozy durant sa campagne, ceux de l’identité et de la protection des frontières nationales. Si les enquêtes d’intentions de votes ne testent pas pour le moment l’hypothèse d’une candidature de Henri Guaino à la présidentielle, on peut néanmoins voir que Marine Le Pen et plus encore Nicolas Dupont-Aignan bénéficieraient de l’absence de l’ancien chef de l’Etat de la présidentielle.

Grâce à la très grande enquête électorale du CEVIPOF qui est en cours, on peut analyser les reports de voix entre la primaire et la présidentielle. Dans la dernière vague de cette enquête (vague 6, septembre 2016), si l’on ne retient que ceux qui se déclarent certains d’aller voter à la primaire et que l’on fait varier la sûreté de leur choix, on obtient les résultats suivants : parmi ceux qui se déclarent certains d’aller voter à la primaire et sûrs de leur choix en faveur de Nicolas Sarkozy au premier tour, 53.6% ont l’intention de voter Alain Juppé au premier tour de la présidentielle si c’est lui le candidat de la droite ; parmi ceux qui se déclarent certains d’aller voter et sûrs de leur choix en faveur de Nicolas Sarkozy au second tour de la primaire, les chiffres sont à peu près les mêmes pour leur report de voix en faveur d’Alain Juppé à la présidentielle. Ces chiffres sont à comparer aux intentions de vote en faveur d’Alain Juppé à la présidentielle, en moyenne : 33.9%.

On voit donc qu’un peu plus de la moitié, seulement, des électeurs sarkozystes de la primaire se reportent sur le candidat Juppé à la présidentielle, ce qui n’est pas si élevé que cela. Leurs reports de voix en faveur de Marine Le Pen à la présidentielle sont à un niveau au-dessus du score moyen d’intentions de vote pour la présidente du FN : alors qu’elle obtient 30.2% d’intentions de vote en moyenne, de l’ordre de 35 à 36% de ceux qui sont certains de voter et sûrs de leur choix en faveur de Nicolas Sarkozy au premier ou second tour de la primaire souhaitent voter en sa faveur. Mais le grand bénéficiaire d’une non-candidature de Nicolas Sarkozy à la présidentielle semble être encore davantage Nicolas Dupont Aignan. Alors qu’un peu moins de 5% ont l’intention de voter pour lui à la présidentielle en moyenne, ils sont 10.1% et 10.5% parmi ceux qui sont sûr de voter à la primaire et certains de voter Sarkozy au premier ou second tour. Ils sont même 11.3% parmi sont dont le choix en faveur de Nicolas Sarkozy peut encore changer à la primaire (second tour). 

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