Guerilla, le dernier roman d'anticipation subversif de Laurent Obertone : plongée dans une France qui s'embrase<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans cette France dont Obertone trace un nouveau portrait, romancé cette fois, une opération de police pouvait à tout moment dégénérer en "incident". C’est le point de départ. Celui qui fait éclater la colère communautariste.
Dans cette France dont Obertone trace un nouveau portrait, romancé cette fois, une opération de police pouvait à tout moment dégénérer en "incident". C’est le point de départ. Celui qui fait éclater la colère communautariste.
©Reuters

Apocalyptique

A l'heure de la mondialisation, le terrorisme se promet d'être "low cost" pour mieux toucher la masse. Laurent Obertone nous invite dans son dernier ouvrage "Guerilla" à imaginer notre vie au moment où elle est percutée de plein fouet par le chaos. Avis aux lecteurs, aucune cellule de soutien psychologique n'a encore été mise sur pied pour venir en aide à ceux qui voudraient que, cette fois-ci, Laurent Obertone n’ait pas vu juste.

Dominique Dumont

Dominique Dumont

Dominique Dumont est une journaliste belge.

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Laurent Obertone

Laurent Obertone

Laurent Obertone est journaliste diplômé de l’ESJ de Lille. Après avoir travaillé pour un hebdomadaire français, il s'est consacré à l'écriture de "La France orange mécanique" (2013, Editions Ring). Il est l'auteur de "La France Big Brother" (2015, Editions Ring). Son dernier livre s'intitule Guerilla (2016, Editions Ring). 

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Guerilla, le dernier ouvrage de Laurent Obertone publié aux Editions RING est sorti ce 22 septembre en librairie. Depuis lors, et malgré le boycott absolu des grands médias, il se maintient en tête des ventes sur Amazon dans la catégorie "Littérature française". Après La France orange mécaniqueUtøya et La France Big Brother, la plume de Laurent Obertone ne faiblit pas. Le ton est toujours aussi acerbe et l'auteur continue d'appuyer là où ça faisait déjà très mal. 

C’est un roman d'anticipation subversif. Celui d’une France qui s’embrase. Mais pas comme lors des émeutes de 2005. Car c’était sans compter avec Charlie, le Bataclan, la jungle de Calais, Nuit Debout, le djihadisme et le zadisme. Plus de dix ans se sont écoulés. Taubira est parvenue à implémenter sa politique de l’excuse. Cela passait par le bannissement de la case prison. Tous les éléments de la démonstration que l’auteur fait dans la France orange mécanique alimentent désormais l’univers dans lequel évolue l’action de Guerilla.

Dans cette France dont Obertone trace un nouveau portrait, romancé cette fois, une opération de police pouvait à tout moment dégénérer en "incident". C’est le point de départ. Celui qui fait éclater la colère communautariste renforcée par l’indignation agissante d’une jeunesse autochtone éduquée dans la détestation de soi. Non sans cynisme, l’auteur lui glisse un mot, son mot d’ordre : "Remplacez-nous !". Quant à l’étouffoir médiatique il ne parvient plus à contenir l’incendie.

Ce jour là, le jour où démarre Guerilla, la question ne se posait donc plus. Paris brûlait. Quelques heures avant d’être lynché, son insignifiant président prenait son bain et "(…) tweetait son soutien à l’association des Ivoiriens de Paris victimes de trichomoniase, tout en se malaxant les testicules (…)". (p. 41) 

Le climat est apocalyptique. Le sort des protagonistes va basculer en révélant toute la plasticité de la nature humaine et ses formidables capacités d’adaptation. Jeunes, vieux, enfants, honnêtes, fourbes, innocents, filles ou garçons, "petits blancs des champs", "petits blancs des villes", rien ne pouvait prédire lesquels étaient les moins mal placés dans cette loterie à la gloire de la grande faucheuse. Dans Guerilla, les personnages ont des comptes à rendre.

Zoé, qui tenait un blog influent, "Le devoir de savoir sous titré le Le nombril de Zoé (…),passait son temps à s’y lamenter du malheur des autres. Ses écrits reflétaient une sorte de naïveté péremptoire, une bonté simple et grandiloquente, une insouciance très sûre d’elle, qui plaisait beaucoup à ses 'lecteur-rice-s'. (…) Elle se laissait pousser les poils, pour se réapproprier son corps, échapper au diktat des hommes et au marché des cosmétiques" (p. 29 sq.). Grâce à Laurent Obertone, Zoé peut pleinement mesurer la rencontre avec l’ "Autre" et en tirer toutes les conséquences.

Et Jawad ? Terroriste accompli, tout étonné de ne pas avoir déjà atteint le paradis, parviendrait-il à surmonter son overdose de violence ? "Il lui fallait une photo de revendication. (…) Jawad se plaça devant le cadavre du vigile. Il cadra au plus large. Mais quelle pose prendre ? (…) Il se décida pour la sobriété, prit une série de clichés et retourna l’écran. (…). Il essaya d’envoyer la photo, plusieurs fois, mais n’y arriva pas. Pas de réseau." (p. 224 sq.)

Dépassés par les événements, "Quraych Al-Islam, (…) un leader d’opinion talentueux, qui propageait son islam avec suffisamment de modération pour tranquilliser la ménagère (…) [et] Bruno Fourier, le bel activiste au catogan (…)" (p. 68 sq.), étaient quant à eux sur le point de rencontrer des hommes dépourvus de tout sens de la pondération.

A la campagne, elle aussi gagnée par le désordre, "Justin Létang pleurait, couché sur la carcasse de sa bête. Elle avait encore son odeur, mais elle était déjà froide. C’était une prim’holstein. La Mignonne, sa préférée. (…) En pleine nuit, la voiture avait fracassé la barrière du pré, pour foncer sur les vaches (…)." (p. 379) Le bonheur n’était plus dans le pré.

Pour garder l’église au milieu du village, il restait encore le vaillant colonel Fourreau, officier à la retraite, que l’on imagine sans peine nostalgique d’une France où, place Beauvau ce sont les rires de Pasqua qui font encore autorité. Mais quel avenir pour cet homme du passé, démobilisé ?

Dans ce récit fellinien, le gore rattrape les personnages où qu’ils soient. A l’intérieur d’un zoo, sur une sortie d’autoroute, à l’entrée d’un port ou terré à l’hôpital, dans un faux plafond, le danger est partout. Dans Guerilla, la rencontre entre l’antifa niais et le daechien ne se solde pas sans ses morceaux de tripes à l’air, ni sa dose d’humour noir. Dans ce livre, les rebelles de salon baissent pavillon plus vite encore que le pantalon et la vérité explose avec autant d’éclat que la cervelle d’un suicidé. Tout ce que l’on redoutait depuis si longtemps finit par se produire.

A vrai dire, s’il fallait rapprocher l’œuvre de Laurent Obertone du cinéma, ce serait certainement du côté de David Lynch qu’il faudrait regarder pour retrouver ces cruels tours de passe-passe entre le réel et l’imaginaire ainsi qu’une continuité dans un travail dont chaque fragment est interconnecté.

Guerilla fait défiler au cours des pages une parade macabre qui traverse Paris comme un tableau de James Ensor. Ramenez les éléphants dans leur enclos, faites planer l’Airbus, déplacez légèrement le curseur de la désobéissance et vous aurez un pays assez ressemblant à celui dans lequel vous vivez. Celui où la police vient tendre un voile pudique devant la tête décapitée d’un mécréant, victime de l’un des premiers déséquilibrés à être passé à l’action. C'était en Isère, à Saint-Quentin-Fallavier.  

Le livre est rapide. Dès les premières lignes, il génère le sentiment d’une chute libre. L’accélération est tellement brusque qu’elle peut provoquer la nausée. Son auteur maîtrise parfaitement les codes d’une époque qu’il n’a pourtant cesse de dénoncer. Le récit prend la forme d’une fresque hyperréaliste sur fond de drapeau noir. Il livre l’image à l’instant "T" d’une foule en pagaille dont sont extraits les destins de quelques uns pour figurer celui de l’humanité toute entière. Guerilla est doté d’un pouvoir addictif comparable à celui d’un jeu vidéo et se lit d’une traite.

Le caractère universel du récit est renforcé par l’importance accordée aux citations qui introduisent chacun des cinquante-sept chapitres que compte le livre. A l’image d’un agenda de la Pléiade, dans Guerilla, les jours s’écrivent sous la supervision de l’histoire et des classiques. Ovide, Platon, Léonard de Vinci, Balzac, Cioran, Shakespeare, Catulle, la sagesse populaire et même un François Mitterrand, qui dit au sommet de sa lucidité et à la page 41 du livre : "L’habitude, ce confort mortel", viennent définir le cadre dans lequel évoluent les personnages du roman.

Atlantico : Quelle est la part de Breivik dans le personnage de Vincent Gite, l’un des principaux protagonistes de Guerilla  ?

Laurent Obertone : Ils sont faits du même bois, de la même haine. L’un et l’autre sont des "loups solitaires", des individus inconnus de la justice, totalement radicalisés qui préparent leur coup, tout seuls, avec une détermination sans faille. C’est une forme de terrorisme inversé. Ce qui différencie ces deux types de violence extrême tient principalement au degré de complexité de la pensée qui anime un Breivik ou un Gite. Ils inscrivent leur action dans un projet préparé avec minutie, dans un cadre extrêmement pensé, contrairement aux terroristes du 13 novembre qui perdent en puissance par manque de connaissance. Dans le roman, on a du mal à comprendre le sens de l’action de Vincent Gite. Alors qu’on arrive justement au moment où tout est sur le point changer, lui, il s’acharne sur l’ancien monde. Sa soif de vengeance est plus forte que la raison et que la logique. Son intransigeance est absolue. Dans le monde anglo-saxon, on appelle cela un "Violent True Believer". Chez lui, le fanatisme oblitère toute faculté d’adaptation au réel. Ces profils cherchent à susciter la fascination, à se faire vénérer, quitte à incarner le diable. Breivik a totalement perturbé la société norvégienne qui se demande encore aujourd’hui comment elle a pu engendrer une telle monstruosité. Des cas comme celui-là ne concernent pas encore vraiment la France. Pourtant, je pense qu’ils ont une belle marge de croissance dans une société qui n’offre finalement que très peu de perspectives à une jeunesse baignée dans l’ultra violence.

Dans votre récit, les attaques terroristes sont décrites avec beaucoup de précision. D’où vous vient-elle et ne craignez-vous pas qu’elle inspire le modus operandi de prochaines attaques?

Les policiers, les agents des services de renseignements et les experts qui travaillent sur le terrorisme ont le sentiment d'être du mauvais côté des choses. L'augmentation du nombre d'individus radicalisés qui appellent un suivi spécifique est vertigineuse et dans le même temps, les scénarios qui arrivent aujourd'hui reposent sur des modes opératoires de plus en plus simples à mettre en oeuvre et cela avec des moyens de moins en moins importants. Des éléments qui relevaient encore de la fiction lorsque j'ai entamé mon livre ont basculé dans le réel avant que je ne le termine...

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