Après la semaine noire de Nicolas Sarkozy, la semaine clé d'Alain Juppé<!-- --> | Atlantico.fr
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La semaine à venir s'annonce crucial pour le favori des sondages à la primaire de la droite et du centre.
La semaine à venir s'annonce crucial pour le favori des sondages à la primaire de la droite et du centre.
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Crucial

Alain Juppé, favori des sondages jusqu'à présent, entame une semaine importante pour sa campagne : après une interview chez le JDD, un documentaire en prime time lui est consacré ce 03 octobre sur France 3, avant de rejoindre l'émission politique de France 2 le 6 octobre.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Cette semaine du 3 au 9 octobre semble particulièrement importante pour Alain Juppé : après une interview dans le JDD, un documentaire en prime time lui est dédié lundi, et il doit retrouver Léa Salamé ainsi que David Pujadas dans le cadre de l'émission politique de France 2 jeudi. Dans quelle mesure l'incapacité d'Alain Juppé à générer l'adhésion sur ce qu'il incarne, malgré sa position de favori des sondages, pourrait-elle représenter un frein réel à sa stratégie et à ses chances de remporter la primaire de la droite ? Peut-il tenir sur le simple fait qu'il n'est pas Nicolas Sarkozy ?

Bruno Cautrès : On dispose, grâce à la grande enquête électorale que réalise depuis plusieurs mois le CEVIPOF, d’un bilan d’image permettant la comparaison entre les qualités attribuées par les électeurs à Alain Juppé ainsi qu’à Nicolas Sarkozy. La première conclusion que l’on peut en tirer est qu’Alain Juppé fait jeu égal et même devance très légèrement Nicolas Sarkozy sur tous les traits d’image dans l’ensemble de la population. Ces deux points forts sont notamment qu’il est crédité d’avoir l’étoffe d’un président de la République (sur une échelle de 0 à 10 il obtient en moyenne une note de 6.3) et qu’il ne suscite pas l’inquiétude (note moyenne de 3.0). On peut même souligner que contrairement à l’image d’un Alain Juppé froid, technocrate, les électeurs lui attribuent une note de sympathie un peu au-dessus de la moyenne de notre échelle de mesure (note 5.5). De même, on peut voir que le temps a gommé en partie l’image des années 1995-97 puisque il obtient un score tout à fait honorable sur l’échelle qui mesure la capacité à avoir déjà prouvé son efficacité (note moyenne de 5.5). Ce premier peut apparaître assez flatteur pour Alain Juppé.

Mais lorsqu’on regarde les choses de plus près, on aperçoit que parmi le cœur de cible d’un candidat qui s’est toujours défini comme « un homme de droite », l’adhésion à Alain Juppé n’est pas à la hauteur de sa popularité sondagière : parmi les sympathisants LR les qualités prêtées à Alain Juppé sont juste au même niveau, ou très légèrement au-dessus, que parmi l’ensemble des électeurs interrogés par le CEVIPOF. Ainsi alors qu’en moyenne de notre échantillon d’électeurs Alain Juppé obtient la note de 6.3 (sur une échelle de 0 à 10) sur un trait d’image essentiel comme le fait d’avoir l’étoffe d’un Président la république, parmi les sympathisants LR il obtient seulement la note de 6.5, ce qui est même un peu dessous du score que lui attribuent…les sympathisants socialistes (6.6). Alain Juppé obtient en fait ses meilleurs scores parmi les sympathisants centristes (Modem, UDI). Plus inquiétant pour lui semble être la faiblesse avec laquelle il est perçu parmi les sympathisants LR comme voulant « vraiment changer les choses » : il n’obtient qu’une note de 5.5.  On voit donc assez clairement qu’en dehors des électeurs centristes, Alain Juppé a du mal à susciter l’engouement ou l’adhésion forte. Mais il est néanmoins solide sur ses positions car il ne suscite pas de rejet fort non plus.  Cette position en équilibre lui permettra d’aborder la primaire en assez bonne position mais la campagne et les débats de cette primaire pourrait lui coûter s’il apparait aux yeux des électeurs de la droite qu’il n’est pas suffisamment l’un des leurs. 

Comment expliquer la propension de son principal rival, Nicolas Sarkozy, à récolter beaucoup plus d'adhésion, notamment auprès de son cœur de cible et de l'électorat de droite ? Qu'est-ce que cela traduit, éventuellement, des attentes des Français en matière de profils politiques, entre le vieux sage et l'homme d'action ?

Si l’on reprend la même batterie de traits d’images, issue de l’enquête du CEVIPOF, on voit qu’en dehors de la dimension d’inquiétude (dimension sur laquelle il a toujours suscité chez les électeurs un sentiment assez fort, notamment au centre et à gauche), Nicolas Sarkozy fait en moyenne jeu égal avec Alain Juppé. Ses points forts sont sa stature d’ancien Président tout d’abord : la première qualité que les électeurs lui reconnaissent c’est son étoffe de Président de la république (note de 6.1 sur 10, presque égale à la note de 6.3 d’Alain Juppé), suivie par le fait qu’il « veut vraiment changer les choses » (note de 5.5, contre 5.6 pour Alain Juppé). Ses points faibles sont les dimensions plus personnelles de son profil : l’inquiétude qu’il suscite (note de 4.3 contre 3.0 pour Alain Juppé) et la sympathie que les électeurs éprouvent à son égard (note de 4.8 contre 5.5 pour Alain Juppé).

Ce bilan d’image plus contrasté que pour Alain Juppé cache néanmoins une vraie différence entre les deux candidats dans leur cœur de cible, celui des sympathisants LR. Parmi ceux-ci, Nicolas Sarkozy devance Alain Juppé très nettement et sur l’ensemble des traits d’image : étoffe de Président de la république, capacité à comprendre les problèmes des gens, sympathie, efficacité. Ce sont notamment deux qualités qui suscitent chez les sympathisants LR l’adhésion pour Nicolas Sarkozy : sa capacité à vouloir « vraiment changer les choses » (note de 7.2 contre 5.8 pour Alain Juppé chez les sympathisants LR) et son efficacité (note de 6.9 contre 5.7 pour Alain Juppé). L’autre point essentiel pour Nicolas Sarkozy est qu’il est nettement mieux perçu qu’Alain Juppé comme étant proche des idées des sympathisants LR. 

On peut enfin noter que Nicolas Sarkozy est toujours perçu plus positivement parmi les sympathisants FN qu’Alain Juppé et que ce dernier est toujours perçu plus positivement que l’ancien chef de l’Etat parmi les sympathisants PS. 

Faut-il voir en la candidature d'Alain Juppé et en ce qu'il incarne une répétition de la candidature Hollande de 2012, qui ne générait pas non plus d'adhésion et qui a, finalement, en grande partie été élu par défaut ? En admettant qu'Alain Juppé parvienne à l'emporter malgré les obstacles évoqués précédemment, ne ferait-il pas très vite face à une déception croissante et une désillusion totale de ses électeurs ? A quel point serait-il pieds et poings liés, finalement ?

Le parallèle est en effet tentant. Quel que soit le vainqueur de 2017, il devra ne pas se tromper sur le sens de sa victoire. Alain Juppé a détaillé hier, dans son interview au JDD son calendrier et sa méthode pour réformer. Il part de l’idée qu’en ayant dit précisément aux Français le contenu et le rythme de ses réformes, il disposerait d’une solide légitimité pour agir, y compris sur des points essentiels par ordonnances. Mais cette belle construction rencontrera deux problèmes essentiels néanmoins, si Alain Juppé est élu président de la République : d’une part, l’adhésion forte ne semble pas au rendez-vous pour le moment dans l’électorat ; d’autre part Alain Juppé, comme tous les candidats commet une erreur fatale : la « vérité des prix » sur le nombre de français qui adhèrent aux programmes des candidats, c’est le premier tour de la présidentielle. Si Alain Juppé réalisait au premier tour de la présidentielle 30% des votes exprimés, avec une participation autour de 80%, cela voudrait dire qu’il aurait le soutien de …24% des inscrits.

Le second tour répond à une autre logique et notamment dans une configuration comme celle de 2017. Imaginons qu’en 2017 le second tour oppose le futur vainqueur (Alain Juppé ? même problème si c’est Nicolas Sarkozy ou François Hollande) à Marine Le Pen. Des électeurs de gauche, voire d’extrême gauche, viendront voter Juppé au titre du "front républicain".  Alain Juppé a tenté d’anticiper le problème en présentant l’image d’un réformateur "sage". Mais son programme contient des éléments essentiels à un programme de droite (très forte réduction des dépenses publiques, suppression des 35 heures et de l’ISF par exemple), et tout à fait opposés aux choix de politiques publiques des électeurs de gauche.

Cela serait le début d’une spirale d’impopularité, les électeurs de gauche considérant que la promesse d’une réforme "en douceur" de la France n’est pas respecté et l’électorat de droite considérant qu’il y a erreur de casting….c’est à dire que le réformateur ne réforme pas assez loin…

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