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L’Europe empêtrée dans la stratégie de la poule mouillée
©wikimini

Cot-cot-codéc

Tafta, migrants, etc. : autant de sujets importants sur lesquels les partenaires européens ne parviennent pas à trouver un terrain d'entente comme cela a été mis en évidence lors du sommet de Bratislava sur l'avenir de l'Europe le 16 septembre dernier. Une situation qui met davantage en péril le projet européen.

Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Des policiers belges qui font passer en douce treize migrants sur le territoire français : l’Europe s’enlise chaque jour davantage dans la crise, sinon dans le ridicule. Depuis le Brexit, la désagrégation européenne n’en finit plus.  Chacun pour soi, Dieu pour tous ? Pas même de référence à Dieu : chacun pour soi suffit. Sur les migrants, sur les accords de libre-échange avec les Etats-Unis et le Canda, sur la fiscalité, sur la croissance, sur tout, la chienlit s’accentue.

Dernière tentative de retrouver un semblant de cohésion, le 16 septembre dernier, à Bratislava, Slovaquie. 31° Celsius, journée ensoleillée, vent 51 km/h : une bonne nouvelle pour les vingt-sept dirigeants européens réunis pour sauver l’Europe, en "situation critique" dit Angela Merkel, en danger de "dislocation" surenchérit François Hollande. Avec une telle météo, ils purent gambader autour du château et profiter de leur croisière sur le Danube pas très bleu. Au moins, ils n’auront pas totalement perdu leur journée et on est contents pour eux. Surtout pour le couple franco-allemand, incapable de gérer le départ du Royaume-Uni et sussurrant à l’oreille des nations européennes une  vague "feuille de route" et des "pistes" ouvertes. Et découvrant qu’il n’y a bien qu’une seule stratégie, celle de la poule mouillée.

Flux migratoires, protection des frontières, sécurité, islamisme radical : entre la crainte de déplaire au politiquement correct de l’Europe du Sud, et celle de voir l’Europe de l’Est décréter la sécession, il fut décidé de ne rien décider.  Résultat : la dislocation a continué.

Sur ces questions d’immigration et de sécurité, à gauche, les pays du "Club Med", plutôt socialisants : Grèce, Italie, Portugal, Chypre et Malte, l’Espagne s’étant retirée. Depuis leur "déclaration d’Athènes", ils persistent à ne pas vouloir porter seuls le poids de l’afflux des réfugiés. Oui, au mécanisme de solidarité disent-ils, qui prévoit des "quotas" de réfugiés pour chaque État. Avec un corps européen de garde-frontières, des contrôles, un fichier antiterroriste, un dispositif d'informations pour filtrer les terroristes, c’est jouable dit François Hollande qui les soutient. Et le politiquement correct d’applaudir.

A droite, non au "diktat de la Commission européenne" répliquent la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, pays dit "du groupe de Visegrad". Le terrorisme n’est pas le seul problème disent-ils, les migrants arrivent avec une identité forte. En face : le multiculturalisme. "L’Union européenne est actuellement riche et faible, la pire des combinaisons" pour des migrants qui viennent d’abord à cause du niveau de vie , rappelle le hongrois Viktor Orbán. Ils pourront donc ne pas assimiler ces identités culturelles faibles.

Idée d’extrême-droite ? De bon sens seulement. Le président tchèque, Milos Zeman, socialiste pourtant, ne pense pas différemment. Il reproche à l’Allemagne une "politique dénuée de sens". Tous ces pays arrêtent le regroupement familial, ferment leurs frontières, rappellent leurs références chrétiennes, refusent le fédéralisme. Et ils ont le soutien de leur population quand Merkel et les pays du "Club Med" connaissent une crise de légitimité. La Hongrie organise même un référendum dont nul ne doute de l’issue, le 2 octobre : "Voulez-vous que l'Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie sans l'approbation du Parlement hongrois ?".

Face aux poules mouillées, la théorie des jeux le montre : le courage paie. La Commission a dû accepter la "solidarité flexible", cette autorisation de refuser les quotas. Et le courage est contagieux. L'Autriche, les pays baltes et la Roumanie ne craignent plus de dire "non". "La question des migrants ne doit pas se résumer à un nombre à répartir, ils doivent pouvoir s’intégrer dans la culture et la société des pays d’accueil", rappelle le premier ministre centriste Dacian Ciolos. Le Danemark même a lâché l’Allemagne : le pays doit être "protégé" contre cet "énorme flux de réfugiés qui défie l’Europe et exerce des pressions sur notre société et sa cohésion", déclare le Premier ministre libéral, Lars Loekke Rasmussen.

Le pire est devant nous. A Bratislava, l’Europe s’étripe à présent sur le Tafta, accords de libre-échange avec les Etats-Unis, et le Ceta, mêmes accords - ou peu s’en faut - avec le Canada. Les pays du "Club Med" ont explosé, le groupe de Visegrad aussi. La France, la Hongrie, la Slovaquie et bien d’autres pays exigent la fin des négociations de la Commission européenne avec les Etats-Unis, mais celle-ci veut les poursuivre avec l’appui de la Tchéquie, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et j’en passe;  sur le Ceta, douze pays sont pour, les autres sont contre ou exigent que cet accord - comme d’ailleurs le Tafta - soit ratifié par les Parlements.  Une bataille de boutiquiers pour savoir si ces accords sont "mixtes", c’est-à-dire s’ils concernent aussi les domaines des Etats, ou non mixtes, ce qui permettrait à la Commission de se moquer des avis des populations  et de poursuivre seule son petit bonhomme de chemin.

La crise est devant nous je vous dis. Et avec les élections qui se profilent, en Allemagne, en France, en Autriche, les référendums en Italie et en Hongrie, rien ne sera décidé. Aux Etats-Unis même, que va-t-il se passer pour le Tafta ? Trump est plutôt contre, Hilary Clinton plutôt pour, mais Nancy Pelosi, leader démocrate à la Chambre des représentants est contre, et le Parti républicain est plutôt pour.

L’Europe va donc continuer cette stratégie de la poule mouillée qui lui va si bien au teint, cette poule, comme le disait Henri IV, que les populations finissent par mettre au pot le dimanche, celui des élections.

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