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Bourdin réprimandé pour les propos d’une ministre : le CSA ou la nouvelle police de la pensée
©Reuters

Censeurs

Le CSA a demandé à Jean-Jacques Bourdin de contrôler la parole de ses invités après la bourde de la ministre des Familles Laurence Rossignol qui avait parlé de "nègres" à la télévision. On peut se demander à quoi sert un organisme qui demande de mettre en place une censure dans une démocratie.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Atlantico : Le CSA vient de demander à Jean-Jacques Bourdin, à la suite de la déclaration polémique de Laurence Rossignol sur certains "nègres" qui étaient pour l'esclavage, de "maîtriser son antenne". Ne s'agit-il pas d'une grossière bévue de la part de l'organisme, qui semble se muer en police de la pensée plutôt qu'en défenseur de la liberté d'expression ?

Christian Combaz : Le CSA est un organisme d'attribution des fréquences, d'orientation du service public et de contrôle des contenus qui ne remplit pratiquement que la première de ses missions, et encore, on se demande toujours sur quels critères, à part un coup de fil bien placé. Il n'oriente rien du tout, et au lieu de contrôler le contenu moral des programmes pour éviter de heurter la foule en laissant diffuser de la violence, ou des émissions sordides, ou des jeux orientés vers le voyeurisme ou la cupidité, il se mêle de réformer l'usage du langage. L'exemple que vous citez est particulièrement grotesque puisqu'à l'époque de l'esclavage  les livres, les journaux, les auteurs de théâtre et de chansons employaient le mot nègre. Et qu'en se référant à cette époque-là Mme Rossignol, certes de manière un peu irréfléchie, ne fait pratiquement que de l'histoire, et son vocabulaire ne reflète évidemment aucun préjugé racial. Oui mais on va me dire, on craint qu'elle ne les éveille par cette maladresse et c'est pourquoi on a demandé au présentateur qui la recevait de contrôler le vocabulaire de ses invités. Donc si je traduis bien le CSA joue le même rôle que le pion dépassé par un chahut dans un collège, il dit si ça continue, je vais punir le délégué des élèves, le tout évidemment pour une faute extrêmement vénielle à côté des séries violentes comme Disparue qu'il laisse diffuser à 20 heures 30. Donc une fois de plus il s'agit pour cet organisme grotesque, sur-payé, nommé par copinage et totalement incompétent, de plaire, ou plutôt de ne pas déplaire, à ceux qui l'ont nommé, et non de protéger la morale publique, la civilité, l'humanisme, dont il se fiche totalement. Plus il défend le politiquement correct, plus on peut être sûr qu'il est moralement douteux. Si vous cherchez dans internet les aventures de Françoise Laborde au pays de la morale personnelle, par exemple, vous verrez à quel point nous sommes dans le haut-de-gamme.

Vous avez été candidat à un poste au CSA que vous n'avez pas obtenu. Vous aviez la moindre chance ?

Aucune évidemment,  mais je suis allé voir les présidents du Sénat et de l'Assemblée (le troisième pilier était la Présidence de la république, qui nomme le président du CSA et un tiers des membres, et qui s'est fendue d'une lettre). Dans mon propre courrier dont j'ai adressé copie à l'AFP qui n'en a tiré évidemment aucun communiqué même de deux lignes, j'expliquais que ma candidature se voulait une protestation contre des nominations politiques gouvernées par des choix qui n'avaient rien à voir avec la compétence, par exemple je tiens du président du Sénat que je n'avais aucune chance "puisqu'il fallait une femme". En outre je réclamais exactement la moitié du salaire d'un membre ordinaire du CSA pour montrer que les 11 000 euros mensuels étaient un outrage au bon goût dans un pays en crise. A part Atlantico, aucun écho dans la presse, ne fut-ce que sur cet aspect salarial qui me paraissait pourtant un excellent sujet de débat. Mais sur ces questions-là le courage des journalistes est assez rare.

Qu'est-ce qui légitime encore l'existence du CSA aujourd'hui ? Ont-ils un quelconque pouvoir ? Sont-ils seulement écoutés par ceux qu'ils réprimandent régulièrement ?

Ils n'ont aucun pouvoir, à part celui de servir les groupes de télédiffusion selon les recommandations du ministre. Ils sont écoutés, je veux dire surveillés, par ceux qui les ont nommés, à qui ils doivent de justifier la faveur qui leur a été faite, en jouant les béni-oui-oui sur les questions de société, le sexisme, le racisme réel ou supposé, etc. Comme ils ne peuvent pas s'inventer une compétence intellectuelle qu'ils n'ont pas (je ne cite pas de noms mais il suffit de lire leurs tweets pour être édifié sur la pauvreté de leur expression), ils se rattrapent sur la conformité idéologique, à défaut de sens de la morale ou  d'élégance dans le verbe. Le commerce gouverne la plupart des choix du service public, les sociétés de production du style de celle qu'avait fondée le défunt Delarue, ou celle qui dirige le destin de Ruquier s'enrichissent sur l'argent du contribuable, on ne demande jamais leur avis aux gens sur ce qu'ils souhaitent . A part quelques parlementaires en commission on ne voit personne se pencher sérieusement sur la question des contenus. On nous dit (Matthieu Gallet président de Radio France encore récemment) que le service public a pour mission de contenir les extrémismes. Mais dans l'esprit de ce genre de personnages l'extrémisme c'est quand on écrit que la cruauté est un outrage inadmissible sur le service public et qu'il y a trop de productions violentes. Ils disent que ça fait réactionnaire. Du coup ce sont les défenseurs de la bonté et de l'humanisme qui passent pour des extrémistes. Je vous rappelle que faute de mieux il y a deux ans le CSA s'est attaqué aux plaisanteries de Candeloro sur le tutu des patineuses - alors qu'on voit saigner des gens en prime time.

Je préconise une augmentation des membres de moitié , et la diminution de leur salaire des deux tiers. Si vous comptez bien, on économise, et on rend la décision plus collégiale. Vous allez me dire: mais qui siègerait dans cet organisme pour trois mille euros par mois ? 

Moi par exemple et si vous me chargez du recrutement à la place de Bartolone (encore une sommité morale) je vous en trouve dix-huit en une semaine.

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