Comment l'Allemagne a littéralement euthanasié l'industrie européenne (y compris la sienne !)<!-- --> | Atlantico.fr
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Entreprise de sidérurgie allemande.
Entreprise de sidérurgie allemande.
©Reuters

Kamikaze

En restreignant son marché intérieur pour aller chercher sa croissance à l'exportation, entre autres par des importations massives de produits intermédiaires provenant de pays émergents, l'Allemagne a détruit son industrie. Elle est ainsi devenue plus compétitive avec ses produits finaux, mais au prix de la disparition de ses emplois industriels. Elle n'est donc pas un modèle à suivre pour sauver ceux de l'Europe...

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Face aux pays émergents, tous les pays de la zone euro perdent des emplois industriels et l’Allemagne, en partant d’un niveau d’emplois industriels plus élevé, perd tout autant d’emplois industriels que la France.

Certes l’Allemagne exporte plus que la France, mais ses excédents d’exportation sont faits essentiellement dans l’Union européenne (86% en 2009) ; l’Allemagne est déficitaire dans son commerce avec la Chine quasiment du même montant que la France (19 milliards de déficits avec la Chine pour 22 milliards pour la France en 2009) ; elle est également déficitaire par rapport à tous les pays émergents et même par rapport au Japon de plus de 7 milliards.

Donc, ne nous trompons pas ! L'Allemagne n’est pas un modèle pour tenir les emplois industriels face aux pays émergents, pays dont la part dans le commerce mondial est passée de 23% en 1999 à 39% en 2011. Certes, elle suit la croissance du commerce mondial tirée par ces pays, elle vend ainsi plus à la Chine que la France, mais en important également plus. Elle devient ainsi plus compétitive dans ses produits finaux made by Germany, avec des productions intermédiaires chinoises, mais pour mieux prendre des parts de marché dans l’Union européenne… L’Allemagne n’est donc ni un modèle pour tenir ses emplois industriels face aux pays émergents, ni un modèle pour tenir les emplois industriels européens.

En effet, si tous les pays européens suivaient le modèle allemand de restriction de leur marché intérieur pour aller chercher leur croissance à l’exportation, entre autres par des importations plus massives des émergents pour prendre ainsi des parts de marché dans les autres pays européens, le marché intérieur de la zone euro diminuerait et serait encore plus ouvert aux produits industriels émergents. Il en résulterait un jeu à somme négative ; une récession que nous sommes d’ailleurs en train d’organiser à vouloir suivre les exigences allemandes mais également une destruction de notre industrie encore plus importante pour deux raisons.

Première raison, la plupart de nos entreprises ayant leur marché d’abord au niveau national et européen ; la diminution de la demande européenne les fragilisera encore plus ; elles verront leurs débouchés diminuer ce qui aggravera donc leur rentabilité et poussera un grand nombre à la fermeture, avec la récession. Deuxième raison, la poursuite du modèle allemand d’importations massives des pays émergents pour gagner des parts de marché sur le voisin européen amplifiera évidemment ce processus de destruction pour les entreprises industrielles subsistantes.

Le modèle allemand conduit donc à la destruction industrielle de l’Europe sans même sauver l’Allemagne qui verra elle-même le marché européen, où elle fait ses excédents, se restreindre et fermer à ses productions pour cause de déficits commerciaux excessifs de ses partenaires ; l’Allemagne se retrouvera ainsi bientôt seule, par destruction du marché européen, seule face à la Chine et aux autres pays émergents où elle fait des déficits. Tout vainqueur finit par être vaincu…

Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut sortir du modèle allemand. C’est un modèle de ‘’guerre économique’’ conduisant à la tutelle des plus puissants et à la fin de la démocratie exprimée désormais clairement : refus du droit de vote du pays assujetti au Conseil européen, négation de sa souveraineté par le droit du plus fort…

Comment ? Les excédents des pays du Nord de l’Europe doivent être investis, par l’Allemagne appuyant une initiative française, italienne et espagnole de relance par l’investissement rentable, pour créer de nouvelles richesses dans les pays du Sud, dont la France. Il s’agit de satisfaire par de nouvelles productions locales la demande intérieure des pays dont le commerce extérieur est déficitaire et de renforcer également les exportations des entreprises performantes. Le savoir-faire industriel allemand contribuera à construire des usines performantes au Sud de l’Europe dans le cadre de fonds d’investissement, l’excédent d’épargne du Nord s’investira pour diminuer les déficits du Sud, et les industries performantes des pays déficitaires et les grands travaux rentables soutiendront la croissance. Il s’agit ainsi d’aboutir au développement économique harmonieux et durable de la zone euro et de l’Europe.

Nous retrouverons ainsi l’esprit de la Charte de la Havane, et l’esprit de coopération qui a conduit à la construction européenne juste après-guerre. La charte de Havane, approuvée par 53 pays mais non ratifiée à cause des États-Unis, dit qu’aucun pays ne doit être en situation de déficit ou d’excédent structurel de sa balance des paiements, car cette situation ne rend pas le commerce durable. Les excédents comme les déficits doivent être pénalisés. S’il s’agit de prendre des sanctions, l’Allemagne se verrait alors sanctionnée et mis au ban de l’Europe comme la Grèce, en même temps que la Grèce ; ce qui à mon avis devrait tempérerait l’esprit de domination pour retrouver l’esprit de coopération…

Tableau montrant que l’emploi manufacturier a baissé en Allemagne et en France de manière parallèle, la France perdant plus d’emplois à partir de 2008

Tableau montrant que les pays du Nord et du Sud de la zone euro se désindustrialisent de manière parallèle, les pays du Nord partant d’un niveau plus élevé

Tableau montrant que l’Allemagne suit la progression du commerce mondial en termes d'exportations. La France se situe elle sous l’Espagne

Extraits des statistiques officielles d’Allemagne de 2010, p 478 sur le commerce extérieur : importation et exportation de l’Allemagne des différents pays. Dans le dernier tableau, on voit que le solde est négatif pour la Chine, les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), le Japon… On y voit aussi que l’excédent le plus important vient de la France.

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