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L'émission politique : Nicolas Sarkozy a changé mais en pareil (et c'est pour ça qu'il reste efficace)
©France 2

Le retour de "Nico ce héros"

Ce jeudi soir, Nicolas Sarkozy était le premier invité de la nouvelle émission politique de France 2.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Même si, avec son style inimitable, Nicolas Sarkozy a rejeté l’expression de Karim Rissouli à la toute fin de l’émission, "vous avez surtout parlé aux personnes de votre camp", la remarque du journaliste de France 2 était parfaitement pertinente. Nicolas Sarkozy est un acteur méthodique qui sait parfaitement hiérarchiser les priorités. Depuis qu’il est entré officiellement dans la campagne des primaires de la droite et du centre, il "blinde" son discours et multiplie les signaux forts à destination des sympathisants les plus marqués à droite. Sa prestation de ce jeudi soir sur le plateau de"L’Emission politique" est exactement sur cette ligne. Les chiffres donnés en fin d’émission montrent que cette stratégie a payé. Si on veut bien considérer comme fiables scientifiquement les pourcentages présentés par Harris Interactive, pour les trois indicateurs choisis, les sympathisants LR ont répondu qu’ils ont été convaincus pour 75% à 86% d’entre eux. Soit une proportion, dans cette frange de l’électorat, plus de deux fois supérieure à celle mesurée pour l’ensemble des Français (entre 32% et 35%). Mais ceux-là ne sont pas encore au centre de la préoccupation de Nicolas Sarkozy. À chaque élection suffit sa peine : sa cible est celle du premier tour de la primaire, le 20 novembre prochain.

Fort d’un autre sondage publié ce matin, dans la perspective de l’émission de ce soir, le créditant de 37% au 1er tour (à égalité avec Alain Juppé… ce qui est une spectaculaire remontée) et le donnant battu (mais de peu) au second tour (48% contre 52% au maire de Bordeaux), Nicolas Sarkozy est convaincu que sa ligne de campagne des primaires est la bonne et il n’a pas tort. Apparaître comme intransigeant, "dur", non plus seulement pragmatique mais totalement adepte désormais de choix "radicaux", c’est une manière de se différencier d’Alain Juppé et c’est surtout interpréter une musique aimable aux électeurs les plus convaincus, les plus décomplexés de la droite : ceux qui viendront voter aux primaires parce qu’ils assument leur vote à droite, parce qu’ils n’ont pas peur d’être "fichés" (non pas "S" mais "LR") et qu’ils retrouvent le Sarkozy qu’ils aiment  et apprécient : hyperactif ; agité ; ironique et agressif avec les journalistes ; victime d’un acharnement judiciaire incroyable, etc…

Ce jeudi soir, incontestablement, Nicolas Sarkozy a marqué des points sur ses rivaux de la primaire. N’hésitant pas à rappeler, à la toute fin de l’émission, qu’il ira jusqu’au bout et que dans 8 mois "il en reparlera avec les journalistes s’il est battu", il est apparu comme sûr de sa qualification au soir du second tour des primaires. À moins qu’il n’ait signifié ici que bien que battu aux primaires il se présenterait quand même à la présidentielle…

Les Français ont retrouvé ce jeudi soir le formidable combattant politique qu’ils ont connu entre 2004 et 2007 : pugnace ; d’une mauvaise foi à faire damner un couvent entier de Carmélites ; plus caricaturiste et caricaturant que sa propre caricature ; "explosant" à plusieurs reprises une Léa Salamé qu’on aurait aimé entendre dire : "Non mais vous plaisantez…" comme elle a pu le dire à François Hollande. Le petit jeu de séduction avec Léa Salamé ("Les yeux dans les yeux avec vous peut-être oui Madame") qui aurait mérité une franche et nette remise en place. Les clins d’œil vaguement complices avec David Pujadas : "J’ai vieilli depuis 2007 hein… mais d’autres aussi hein ?..." ou alors "Nous aurons encore de nombreuses occasions de nous retrouver hein Monsieur Pujadasssse" après les menaces à peine voilées : "J’ai passé 12 heures à être interrogé par un juge d’instruction,  je n’ai pas l’intention de répondre aux questions du juge Pujadasssse".  Tout cela participe à renforcer l’idée que Nicolas Sarkozy ne craint rien ni personne. Il a toujours entretenu avec les journalistes une relation "amour-haine" que ces derniers ont eux-mêmes contribué à forger. Ce jeudi soir il était au mieux de sa forme : parcouru de tics ; secoué de tremblements d’émotion en parlant de son rapport à la France ; totalement bonimenteur en parlant de lui et de ses changements. Tel que les Français l’ont connu en 2007 et l’ont rejeté en 2012, ils le retrouvent en 2017.

Peu importe que la "ficelle Sarko" soit aussi grosse qu’une élingue du remorqueur Abeille-Flandres ; peu importe qu’en s’adressant au maire de Grande-Synthe, Damien Carême (EELV élu en 2001), l’ancien président de la République ait multiplié les contre-vérités (sur le Traité du Touquet par exemple qu’il a signé lui-même le 4 février 2003 en tant que ministre de l’Intérieur avec son homologue travailliste David Bunkett) ; peu importe enfin qu’il ait littéralement scotché par sa mauvaise fois l’imam d’Ivry : ce qui comptait ce jeudi soir c’était d’être, pour l’électorat potentiel des primaires, "l’homme de la situation", "la solution d’avenir" et surtout celui à même de résister à tout : aux méchants journalistes ; au petit patron mariniste ; à la prof (qui n’est déjà plus au travail à 16h28...) martiniquaise et syndicaliste…

"Nico ce héros" est de retour. Plus sûr que jamais de son talent de marchand de foire et même désormais spécialiste du climat (ou plutôt du "petit âge glaciaire"…). Si les circonstances actuelles, pour lui, concernent sa victoire aux primaires alors oui, incontestablement, il a répondu aux attentes qu’elle suscitent. Si les circonstances actuelles sont celles que connaissent la France et les Français, alors, à l’inverse, il n’a répondu à rien. Mais ce n’est absolument pas gênant pour lui. Ce n’est pas ce registre-là qui sera inscrit à l’agenda de la primaire des 20 et 27 novembre prochains.

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