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CGT, FO, CFDT… qui sont les gagnants et les perdants de la mobilisation contre la loi Travail : les indications des premiers résultats des élections professionnelles
©Reuters

Rude combat

Alors que la campagne pour les élections syndicales dans les très petites entreprises a commencé, la CGT et FO ont remis le couvert ce jeudi 15 septembre en manifestant à nouveau contre la loi Travail.

Hubert Landier

Hubert Landier

Hubert Landier est expert indépendant, vice-président de l’Institut international de l’audit social et professeur émérite à l’Académie du travail et de relations sociales (Moscou).

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Ce jeudi 15 septembre, la CGT et FO ont remis le couvert et manifesté à nouveau contre la loi Travail. Les syndicats sont en période électorale, et certaines élections partielles ont déjà eu lieu... Ce contexte pourrait-il expliquer l'ardeur de la CGT par exemple ? Que donnent les résultats aux élections partielles ?

Eric Verhaeghe : La campagne pour les élections dans les très petites entreprises a commencé. Ces élections auront lieu du 28 novembre au 12 décembre. Pendant ce temps, vous avez raison de le souligner, les élections continuent dans les autres entreprises selon les échéances légales. Les élections dans les TPE obéissent à des principes spéciaux. Ce ne sont pas des élections internes, mais des scrutins sur sigle syndical, comme on dit, dont l'utilité est contestable et contestée. Les précédentes élections avaient eu lieu en 2012 et avaient marqué, sans surprise d'ailleurs, une victoire de la CGT, relativement puissante dans les très petites entreprises (c'est-à-dire les moins de 10 salariés). Dans la pratique, ce scrutin sert surtout à permettre une consolidation nationale des résultats, en les agrégeant aux grandes entreprises. Le résultat final permet de dresser le portrait de la représentativité syndicale en France. Bien entendu, ces résultats sont là encore très contestables, dans la mesure où le taux de participation au scrutin dans les TPE atteint péniblement les 10%. Il n'en reste pas moins que la CGT représente grosso modo 1/3 des voix, quand la CFDT en représente 1/5.

Hubert Landier : La CGT, depuis l’effondrement du communisme, est traversée par des courants divergents, sinon parfois contradictoires. Les "modernistes" ont d’abord paru l’emporter avec Bernard Thibault et tous ceux qui pensaient que la CGT devait revenir à ses traditions démocratiques et à sa capacité de négociation. Mais il aura également fallu compter sur les conservateurs, ceux qui continuent à se référer à un modèle fondé sur la confrontation. Et ceux-ci s’appuient sur l’influence croissante qu’exercent dans la centrale les militants du parti de gauche ou d’extrême-gauche.

Or, ceux-ci se trouvent confortés par un contexte où le gouvernement peine à jouer un rôle de modérateur et par une multiplication des situations de confrontation, que l’on perçoit, au sein de la CGT comme autant de provocations. Si le gouvernement avait davantage consacré de temps à discuter avec la CGT avant de présenter son projet de loi sur le travail, elle n’en serait peut-être pas venue aux manifestations à répétition de ces derniers mois.

Sur le terrain, les sections syndicales CGT, avec le discours tonitruant de la confédération, ont le sentiment d’être soutenues, notamment celles qui se recommandent d’une tradition d’affrontement. Mais rien ne dit que ce sera payant pour elles sur le plan électoral. Il faudra attendre quelques mois avant de le savoir.

La CGT a fait le choix de l'opposition plutôt que de la conciliation, à l'inverse de la CFDT. Quelle stratégie semble la plus payante aujourd'hui ? Qui dispose du plus de chances de remporter le trône de premier syndicat de France ?

Eric Verhaeghe : La CGT fait la course en tête, mais nul ne sait pour combien de temps. La CFDT la talonne, et la stratégie de la CFDT vise précisément à prendre le leadership national. Facialement, la CGT et la CFDT jouent à front retourné. La CGT est dans l'opposition et le combat, la CFDT dans la conciliation et la négociation. Cette stratégie est plutôt payante pour la CFDT qui améliore ses scores. Toutefois, il faut nuancer cette approche monolithique en distinguant bien deux CGT. La CGT nationale adore le conflit et les grandes grèves politiques qui font vivre le mythe de la lutte des classes. La CGT dans les entreprises est beaucoup plus conciliante et n'hésite pas à signer des accords. Pour bien comprendre cette nuance, il faut se souvenir que la CGT est, avec FO, le premier syndicat de la fonction publique. La gouvernance de la CGT est dominée par les fonctionnaires. Ceux-ci n'hésitent pas à faire le coup de force et ne manquent pas d'appeler à la grève. Ce réflexe se vérifie beaucoup moins parmi les salariés du privé où la culture de la négociation est bien ancrée. Autrement dit, une grande partie de la conflictualité sociale en France est le fait des fonctionnaires, alors que la CGT, dans les entreprises, peut prendre des positions beaucoup plus modérées. 

Hubert Landier : Chacune des deux organisations a des atouts dans son jeu. La CGT a une image de pugnacité, qu’elle a renforcée au cours de ces derniers mois, et qui la servent dans un contexte où les salariés ont de nombreuses raisons de se plaindre : baisse de pouvoir d’achat, remise en cause des "avantages acquis", crainte du "dumping social", crainte du chômage, politique du gouvernement faisant l’objet de réactions de rejet. Par contre, elle est surtout implantée en milieu ouvrier ; or, les ouvriers sont de moins en  moins nombreux par rapport, notamment, aux techniciens et aux agents de maîtrise, où la CFDT, ainsi que la CFE-CGC, jouissent souvent d’une meilleure implantation. D’où ses déboires, par exemple, à EDF ou chez Renault.

Quant à la CFDT, elle représente le choix du compromis et de la "co-construction", ce qui correspond aux attentes des salariés les plus modérés ; mais pour pratiquer le compromis, encore faut-il être deux et le patronat ne lui facilite pas toujours la vie. Par ailleurs, sa modération risque de la faire paraître trop proche d’un gouvernement dont la popularité est très faible. C’est une attitude difficile à tenir.

Au-delà de cette place de premier syndicat de France, quelles pourraient être les conséquences -sur le plan financier par exemple- de résultats aux élections professionnelles décevants ? 

Eric Verhaeghe : Pour les syndicats, il existe un vrai risque de perdre leur représentativité. Dans ce cas, les syndicats sortent des fonds paritaires et doivent vivre de leurs propres cotisations. Mais rappelons que la perte de représentativité pour la CGT n'arrivera pas demain. Certes, on observe une lente érosion des voix en faveur de la CGT, mais celle-ci demeure le premier syndicat de France et le restera encore quelques années (même si la CFDT s'emploie à grignoter ses voix). Financièrement, l'impact est complexe, car la répartition des fonds paritaires n'est pas directement liée aux résultats aux élections. Il n'en demeure pas moins que gagner les élections vaut mieux que les perdre.

Hubert Landier : L’organisation financière des centrales syndicales est très complexe et n’est que faiblement liée aux résultats électoraux, sans quoi la CFTC, par exemple, aurait depuis longtemps disparu. Il y a les cotisations, dont le produit est réparti entre le syndicat et les structures professionnelles, territoriales et interprofessionnelles ; mais il y a aussi les subventions et les indemnités dont bénéficient les organisations syndicales (et patronales) ; certaines sont assurées par le budget de l’Etat et dans une moindre mesure par les collectivités locales ; il y a aussi ce qu’on appelle "le financement du paritarisme", c’est-à-dire les indemnités versées par les organismes paritaires, de protection sociale, notamment, aux organisations qui siègent à leur conseil d’administration.

A cela s’ajoute enfin l’aide matérielle de certaines grandes entreprises qui considèrent qu’elles ont tout intérêt à avoir affaire à un syndicalisme compétent et influent. Au total, les résultats aux élections professionnelles n’ont pas un effet direct et mécanique sur le budget des organisations syndicales, qui ont de multiples autres sources de financement. Le seul problème est la perte de représentativité d’un syndicat dans une entreprise, autrement dit quand il passe au-dessous de la barre des 10% de suffrages exprimés, parce qu’il perd alors la plupart des droits liés à la représentativité. C’est souvent un enjeu très important des élections professionnelles qui, depuis la réforme de 2008, sont aussi des élections de représentativité.

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