Jérome Guedj :"Les déçus du Bourget ne deviennent pas nécessairement des mélenchonistes"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Le député de l'Essonne Jérôme Guedj.
Le député de l'Essonne Jérôme Guedj.
©Reuters

Université d'été des Frondeurs

Le 8 septembre, François Hollande donnait un discours aux allures de candidature à l'élection présidentielle de 2017. Il a notamment, durant ce discours, renoué avec des idées de gauche que les frondeurs souhaitent voir au centre du débat politique.

Jérôme Guedj

Jérôme Guedj

Jérôme Guedj est membre du Parti socialiste. Actuellement conseiller général du canton de Massy, il a été président du Président du Conseil général de l'Essonne du 31 mars 2011 au 2 avril 2015. Il a également été député de la 6e circonscription de l'Essonne entre 2012 et 2014, ainsi que Conseiller général de l'Essonne du 22 mars 1998 au 29 mars 2015.

Voir la bio »

Atlantico : Cette semaine, François Hollande a livré un discours salle Wagram que beaucoup considèrent comme une entrée officieuse en campagne. Par ailleurs, il semble que le Président ait fait certains gestes envers la gauche ces derniers temps (critiques envers la droite, geste fiscal qui bénéficiera à 5 millions de ménages en 2017...). Quelle est votre réaction par rapport à cela ?

Jérôme Guedj : Il ne faut pas sur-réagir : je ne suis pas un anti François Hollande primaire. Quand il dit des choses avec lesquelles je suis d'accord, je le souligne. Quand le président de la République mouche Nicolas Sarkozy, les dérives et les fuites en avant chez Les Républicains, il a raison. Quand il rappelle les règles de l'État de droit face à l'État d'exception, quand il dit qu'il ne doit pas y avoir de lois de circonstance, quand il rappelle les fondamentaux du pacte républicain, je suis d'accord avec lui. Il a raison d'être ferme, d'abord parce qu'il est garant des institutions et de l'État de droit. Il a raison de faire ce rappel à ce moment-là.

Ce qui ne m'empêche pas, dans le même temps, de rappeler qu'à un moment donné il a eu lui-même la tentation de franchir la ligne jaune. Et ce y compris avec une loi de circonstance : la déchéance de nationalité. Je préfère ce discours-là à celui qui prévalait au moment des débats sur la déchéance de nationalité. Je n'ai pas d'états d'âme à le dire.

Dans la même logique, je ne me dirais pas mécontent quand il évoque des mesures que nous défendions depuis un long moment. Concrètement, dans les annonces fiscales qui ont été faites, il y a des choses qui me vont très bien. C'est le cas, par exemple, de la transformation en crédit d'impôt de ce qui, jusqu'à présent, n'était qu'une réduction d'impôt pour l'emploi à domicile pour les personnes âgées. Il s'agit donc d'un soutien à l'emploi à domicile par les personnes âgées et les retraités qui n'en bénéficiaient pas encore. J'ai défendu des amendements en ce sens quand j'étais parlementaire. Je ne vais pas subitement dire le contraire aujourd'hui. C'est une mesure à un milliard d'euros qui est pertinente et qui permettra aux retraités de bénéficier d'un crédit d'impôts. Jusqu'à maintenant les retraités qui ne sont pas – ou très peu – imposables n'avaient pas de réduction d'impôts. Des retraités, non imposables, bénéficieront désormais de ce soutien massif.

En parallèle, je ne peux pas applaudir le fait de porter le CICE de 6% à 7%. C'est, je trouve, une persévérance dans une erreur. Nous nous étions opposés à la logique du pacte de responsabilité et du CICE, à l'absence de contrepartie. Je n'oublie pas que François Hollande, quand il annonce le pacte et le CICE, dit "sans contrepartie, il n'y a pas de pacte". Il n'y a pourtant pas eu de contrepartie. Elle n'a pas été établie, elle n'est pas vérifiable. 

Souligner les mesures et les attitudes positives de François Hollande n'exonère pas de la vision d'ensemble.

Deuxième chose importante à dire sur ce discours de pré-candidature : François Hollande est bien évidemment le mieux placé pour défendre son bilan. C'est lui le président de la République et c'est lui qui était aux manettes. Cependant, s'il souhaite briguer sa succession à la présidentielle, le meilleur endroit et le meilleur moment pour défendre son bilan c'est bien la primaire de la gauche qui a été décidée par Jean-Christophe Cambadélis et le PS. Si François Hollande est candidat, il est d'abord candidat à cette primaire de la gauche qui sera le seul moment utile et pertinent pour rassembler toute la gauche. Autrement, elle se divise au premier tour de l'élection présidentielle. Il aura à dire et à défendre son bilan, à raconter ce qu'il préconise pour l'avenir à l'occasion de cette primaire. En acceptant la règle inhérente à la primaire : s'il est défait, le Parti Socialiste – et éventuellement lui-même – soutiendront le candidat victorieux.  Si c'est un discours de pré-candidature de François Hollande, cela doit être l'annonce de sa participation à la primaire de la gauche.

Les enquêtes d'opinion semblent révéler que les Français critiquent l'action de François Hollande davantage pour son inefficacité que pour son positionnement politique. Ainsi, une personnalité comme Jean-Luc Mélenchon, située à la gauche du Président, ne semble pas avoir récupéré tout le capital confiance que François Hollande a perdu auprès des électeurs de gauche. Comment comptez-vous remédier à cela ?

La primaire doit être la plus large possible. Elle permet d'exercer le droit d'inventaire sur ce quinquennat. Je préfère un droit d'inventaire avant une défaite pour mieux l'éviter, plutôt qu'un droit d'inventaire après cette défaite comme on l'a fait en 2002. Je préfère que nous ayons ce regard lucide, implacable – sans être un tribunal populaire avec le goudron et les plumes – qui permettra de départager ce qui marche de ce qui ne marche pas. Qui permet également de s'interroger sur pourquoi François Hollande n'est pas le candidat naturel de la gauche. Preuve en est, et lui-même le reconnait, il accepte de participer à une primaire. Nous en sommes arrivés là parce que tout au long du quinquennat a persisté une défiance qui n'est pas celle des appareils de la gauche mais bien celle des électeurs de gauche. Ils ne se sont pas reconnus dans la politique de François Hollande. Ils ont perçu le décalage entre les raisons de sa victoire, qui n'était pas uniquement due à l'anti-sarkozysme (bien que cela ait été un moteur) mais aussi à un programme de gauche, et les décisions qui ont suivi sur des sujets centraux comme l'économie et le social. 

La primaire permet de mettre tout cela sur la table. Si François Hollande est capable de défendre son bilan, ce dont je doute, il sortira victorieux de la primaire. S'il ne l'est pas, le candidat qui sortira victorieux sera légitimé et on aura pu solder ce que nous aurons sanctionné et ce que nous aurons jugé responsable de cette division à gauche. Le seul moyen de mettre fin au désarroi du peuple de gauche c'est une primaire la plus large possible, la plus populaire, qui réunit le plus de monde, n'élude aucun sujet et, surtout, pose les jalons du rassemblement de la gauche. La primaire de la gauche, ce n'est pas désigner un vainqueur qui a raison tout seul. C'est obliger tout le monde à retravailler ensemble. C'est pour cela que je souhaite la pluralité des candidatures, et le rassemblement pour être le plus efficace, ainsi que viennent participer les verts – et pourquoi pas Jean-Luc Mélenchon. Derrière cela, l'objectif ce n'est pas de régler nos comptes au sein du PS ou chez les électeurs déçus de la gauche. La question c'est de savoir si nous sommes capables d'avoir un candidat qui passe le cap du premier tour. En l'état actuel toutes les enquêtes d'opinion soulignent que si la gauche est divisée, ne serait-ce qu'en présentant deux candidats à l'élection présidentielle, elle est assurée de ne pas être présente au deuxième tour.

Je pense que c'est le positionnement politique de François Hollande, la perception d'un virage social-libéral qui a déstabilisé les électeurs de gauche plus que l'inefficacité de son action. Les électeurs ont parfaitement compris que pour réaliser le pacte de responsabilité et mener une politique de l'offre il a fallu prendre des décisions. Ces décisions étaient contraires à tout ce que nous disions par le passé sur le soutien à l'investissement, à la consommation, l'augmentation des impôts pour les classes moyennes, l'augmentation de la TVA, qui devaient financer des baisses de cotisations et d'impôts pour les entreprises. Cela a évidemment désarçonné les électeurs. Quand le Medef soutient la politique du gouvernement sur le droit du travail et que les syndicats sont opposés, c'est clairement un problème de positionnement. Cela déstabilise les électeurs de gauche.

Les déçus du Bourget, rappelons-le, ne deviennent pas nécessairement des mélenchonistes. Ce sont toujours des déçus du Bourget, qui estimaient du Bourget qu'il était le point d'équilibre. Ils n'ont pas retrouvé ce point d'équilibre, présent dans le discours du Bourget, mais cela ne les a pas poussés à donner un grand coup de barre à gauche. L'espace de reconquête se situe dans cet espace que constituait le discours du Bourget.

Ce week-end, le mouvement "A gauche pour gagner", regroupant notamment les frondeurs socialistes, se rassemble à La Rochelle, lieu où se tiennent d'habitude les universités d'été du PS. Quel sera le thème, l'objectif et les enjeux de cette rencontre ?

Nous sommes un courant organisé du Parti Socialiste et nous défendons toutes les positions que je viens de rappeler. Elles ont pu, parfois, imprimer dans le débat public. Nous continuons à penser que ces thèmes-là seront présents dans la séquence qui s'ouvre, qu'il s'agisse des primaires ou de la présidentielle. Il s'agit donc d'élaborer une plateforme, contribuer à la préparation de l'élection présidentielle de 2017. Nous y avons travaillé avant l'été, à l'occasion notamment d'un séminaire au mois de Juin. Nous avons continué durant l'été et nous affinons nos travaux à l'occasion de cette rencontre. Nous participons à l'élaboration d'un programme qui doit être un programme de rassemblement de la gauche. 

Il doit également, dans un deuxième temps, nourrir en contenu les primaires et la présidentielle. Il faut réussir ces primaires. Rappelons qu'il y a un an, au moment du congrès du PS de Poitiers, nous étions la seule motion à proposer l'organisation de primaire. La motion de Jean-Christophe Cambadélis n'en parlait pas et, à l'inverse, on nous répondait souvent "une primaire, alors que nous avons un président sortant ? Vous n'y pensez pas !" Il ne s'agit évidemment pas d'une recherche en paternité, mais nous souhaitons la réussite de cette primaire. Si nous avons été d'ores et déjà un peu rassurés par Jean-Christophe Cambadélis, nous rappellerons et nous vérifierons le 2 octobre que les règles de la primaire permettent qu'elle soit, sincère, efficace, loyale, notamment en matière de conditions de parrainage, de nombre de bureau de vote, et cætera.  

Surtout, nous souhaitons un appel le plus large possible pour que cette primaire soit la primaire de toute la gauche, au nom du risque d'élimination de la gauche au premier tour de l'élection présidentielle. Ce serait dramatiser l'enjeu, dans le bon sens du terme, sans pour autant appeler au vote utile. Nous ne sommes pas comme certains à gauche qui pensent que quoi qu'il arrive, l'élection présidentielle est perdue. La préparation ne vise pas seulement à poser les jalons de la reconstruction de la gauche. Je ne me résigne pas, nous ne nous résignons pas, à la victoire de la droite ou de l'extrême-droite à l'élection présidentielle. 

Le rendez-vous de La Rochelle accueillera également les candidats déjà exprimés à la primaire. Je travaille avec Marie-Noëlle Lienemann et je la soutiens dans cette primaire. Pour autant, je suis également au service d'un rassemblement plus large. Benoit Hamon et Arnaud Montebourg seront aussi présents. Il est important de montrer, lors de ce rassemblement, que nous pouvons avoir une pluralité de candidatures issues de nos propres rangs sans que cela ne soit un aveu de faiblesse ou de difficulté à choisir. Nous balayons un large spectre électoral.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !