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Hollande Sarkozy, le match des bilans fiscaux : qui a le plus forcé sur les impôts (évitables) ?
©Pixabay

Versus

En augmentant massivement les impôts au moment où la croissance ralentissait, François Hollande a accentué la stagnation de l'économie française. Nicolas Sarkozy a mieux réagi en abaissant les impôts au moment de la grande récession et en resserrant un peu la vis au moment où l'économie repartait.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier est Avocat, fondateur & coordinateur pédagogique du diplôme Start-up Santé (bac+5) à l'Université Paris Cité. Il est également Président de l'UNPI 95, une association de propriétaires qui intervient dans le Val d'Oise. Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : En tenant cormpte des différences de contexte économique, afin de dresser un bilan objectif, qui de Nicolas Sarkozy ou François Hollande a le mieux géré la situation fiscale de la France ? Quelles ont été les différences de stratégie entre les deux ? D'un point de vue général, lequel des deux a le plus usé de l'arme fiscale ?

Philippe Crevel : Les circonstances économiques ont fortement pesé sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy du fait de la grande récession de 2008-2009 tandis que François Hollande a hérité de la fin de la crise européenne de 2011-2012. Ainsi, le quinquennat de Nicolas Sarkozy est un quinquennat sur fond de crise économique centenaire quand celui de François Hollande est post-crise. 

Au niveau fiscal, les deux présidents ont agi différemment. Dans un premier temps, Nicolas Sarkozy a plutôt voulu réduire la fiscalité à travers notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, la réduction des droits de succession et de donation et à travers des mesures de relance par la fiscalité. A l'inverse, François Hollande a alourdi fortement les impôts au début de son quinquennat : hausse de l'impôt sur le revenu, hausse de la TVA, hausse des cotisations retraite, imposition du capital selon les mêmes règles que le travail. Ce choc fiscal a été majeur -plus d'une trentaine de milliards d'euros sur les ménages-.

Les secondes parties de quinquennat diffèrent également. Nicolas Sarkozy a été contraint d'augmenter les impôts à partir de 2010 pour assainir la situation : augmentations de cotisations sociales, alourdissement du prélèvement social sur les revenus financiers. François Hollande a plutôt fait l'inverse : face à la montée de la grogne, il a très légèrement diminué les prélèvements –en passant d'un maximum de 44,8% du PIB à 44,7%- et a légèrement baissé les impôts sur le revenu de six milliards d'euros quand les ménage ont supporté des hausses de plus de 30 milliards d'euros au cours des premières années.

Thomas Carbonnier : Une gardienne d’immeuble âgée de 50 ans me déclarait : "Le propriétaire de mon immeuble a tout vendu à la découpe. Les nouveaux copropriétaires n’ont pas les moyens de maintenir mon emploi, ils m’ont licencié. Le propriétaire quitte la France à cause de la pression fiscale... Qui va désormais me donner de l’emploi... ?".

Passé 50 ans et sans diplôme, je vous laisse deviner la réponse… Malheureusement, plutôt que de faire preuve de pédagogie vis-à-vis du peuple français et au nom d’une idéologie, les élus politiques ont oublié que les contribuables les plus aisés sont également ceux qui procurent de l’emploi dans notre pays. La Belgique et le Luxembourg l’ont d’ailleurs bien compris depuis longtemps et accueillent bien volontiers les contribuables qui souhaitent favoriser le développement économique du pays !  

Au-delà des aspects de techniques fiscales, les politiques fiscales par les deux Présidents ont été radicalement opposées : Nicolas Sarkozy a tenté de faire revenir les contribuables les plus aisés en France (bouclier fiscal) alors que François Hollande a tout fait pour les faire fuir (taxe à 75%) !

Le Président Sarkozy avait instauré le fameux bouclier qui se fissura avant de céder définitivement sous les assauts idéologiques des socialistes. Ce recul sous la pression politique a contribué à un sentiment de défiance chez les exilés fiscaux. Il avait également permis à beaucoup de salariés d’effectuer des heures supplémentaires exonérées de fiscalité. Beaucoup de salariés ont ainsi pu augmenter leur pouvoir d’achat et investir le produit de leurs efforts dans l’économie réelle (achat à crédit d’un logement, travaux de rénovation dans le logement, paiement d’études de qualité à leurs enfants, etc).

Dans la seconde partie de son mandat, Nicolas Sarkozy avait relevé les taux de l’IR, de TVA, de mutations à titre gratuit et onéreux (droits de donation, successions et vente). Les grandes fortunes bâties sur des empires industriels et commerciaux avaient largement optimisé leur imposition. Seuls les grands propriétaires immobiliers restaient dans l’incapacité d’échapper à la fiscalité confiscatoire française.

Le Président Hollande avait promis d’être un Président normal. Sous sa présidence, au-delà des histoires de fesses (quel charmeur ce Président, nom d’une pipe !), la France n’a cessé d’innover pour plomber son économie : taxe à 75%, taxe sur la cabane de jardin, hausse de la TVA, surtaxe sur les résidences secondaires, fin de la déductibilité partielle de la CSG, taxation de l’excédent brut d’exploitation des entreprises, gel du barème de l’IR, taxation des CDD et tant d’autres taxes que l’on oublie de lister !

Contrairement à son prédécesseur qui assumait clairement les conséquences de ses erreurs devant le peuple (n’était-ce pas là sa véritable erreur ?), François Hollande n’a cessé de mentir de manière effrontée et flagrante.

Les Français reprochaient à Nicolas Sarkozy d’avoir fait des cadeaux aux riches via sa politique fiscale. Ils reprochent désormais à François Hollande les mensonges et le matraquage fiscal sans limite. A ce titre, on se souvient de la taxe de 75% qui ne s’appliquait sur les salaires et non l’ensemble des revenus (la taxe ne s’appliquait pas aux revenus du patrimoine).   

Le Président actuel a très largement accru le risque de contagion de l'exil fiscal dans le haut de la classe moyenne.

Quelles ont été sous chacun des deux présidents les catégories sociales les plus pressurisées par la politique fiscale et à l'inverse quelles sont celles qui ont été les plus favorisées ? ​​

Philippe Crevel : Sous François Hollande, ce sont avant tout les ménages qui ont été pénalisés avec 35 milliards d'impôts d'augmentation. Et au sein des ménages, ce sont en particulier les classes moyennes et aisées qui ont été pressurisées en raison de l'augmentation de l'impôt sur le revenu via le plafonnement du quotient familial et via l'assujettissement des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, François Hollande a également, à travers la hausse de la TVA, frappé l'ensemble des Français -modestes et pas modestes-. En outre, l'augmentation des cotisations retraite et la cotisation de solidarité sur l'autonomie appliquée aux retraité ont également frappé tous les retraités et tous les Français. Ainsi, tout le monde a été frappé sous François Hollande mais avec une dose supplémentaire sur les classes moyennes et aisées.

Sous Nicolas Sarkozy, il y a eu des allers-retours. Si dans un premier temps il a favorisé les classes moyennes supérieures et les classes aisées à travers le bouclier fiscal et l'allègement des droits de succession et de donation, au fur et à mesure, il est revenu sur une grande partie de ses mesures. Il y a donc eu un effet de balancier. En revanche, il a allégé la facture fiscale pour les plus modestes en exonérant les heures supplémentaires.

Thomas Carbonnier : Manuel Valls avait annoncé le 8 juillet dernier que "la loi de finances pour 2015 organisera une baisse de l'impôt sur le revenu des classes moyennes". Si l'on regarde dans le détail la liste des catégories auxquelles il est demandé le plus d'efforts pour l'année à venir, la promesse du Premier ministre est largement contredite.

Une fois de plus, les classes moyennes et supérieures ont été mises à contribution. Non seulement elles ont subi la crise économique (gel de salaire, perte d’emploi voire d’indemnisation chômage) mais, en plus, elles doivent payer plus d’impôt sur leur revenu !

Le système éducatif français peine à tirer vers le haut bon nombre d’enfants et adolescents au point que les parents doivent très souvent dépenser des fortunes dans des cours à domicile…

Une fois diplômés, ceux-ci doivent souvent affronter un marché du travail fort difficile à pénétrer. A l’âge de 20 ans, les actifs sont vus comme trop jeunes et n’ont pas de diplôme. A 30 ans, ils manquent d’expérience. A 45 ans, ils sont trop vieux… et à 65 ans, ils n’ont pas assez travaillé pour prendre leur retraite. En définitive, les classes les plus modestes et moyennes subissent donc une véritable double peine. 

Par ailleurs, le changement du seuil de revenus pour bénéficier de la CSG à taux réduit pour les retraités va faire basculer 460 000 retraités dans la tranche à 6,6% (au lieu de 3,8%). Dans le même temps, 700 000 contribuables ayant eu une baisse de leur imposition en 2014 vont avoir droit à un taux réduit de CSG.

Le gouvernement a opéré une pseudo-redistribution des richesses des retraités, dont les revenus sont pourtant fragiles, au profit des contribuables en activité. Seules les années permettront de mesurer quel est le réel impact sur les classes populaires.

Les rapports entre les Français et les élus politiques sont comparables à ceux du potier et l’argile. Nos élus politiques veulent modeler la France telle une matière première et fondent la politique fiscale sur des utopies sociales qui ne servent pas les intérêts de l'économie. 

En prenant l'ensemble des deux quinquennats, quelles ont été les erreurs commises ?  Dans quelle mesure ces erreurs devraient-elles inspirer le futur chef d'Etat ?

Philippe Crevel : François Hollande a commis l'erreur d'augmenter massivement les impôts au moment où l'économie française ralentissait. Il a ainsi accentué la stagnation de l'économie française. Il a pénalisé au départ l'offre et éteint la demande. En revanche, il a été obligé à travers le CICE et le pacte de stabilité de revenir en arrière. Mais cela a été trop tardif et s'est produit au moment où la situation économique commençait à s'améliorer. Il aurait fallu qu'il fasse l'inverse.

Nicolas Sarkozy a mieux réagi en abaissant les impôts au moment de la grande récession et en resserrant un peu la vis au moment où l'économie repartait.

L'un et l'autre ont comme défaut commun d'avoir pris beaucoup de "mesurettes", d'avoir peu simplifié le système fiscal, d'avoir accumulé beaucoup de dispositifs temporaires et dérogatoires qui ont rendu la lisibilité fiscale française relativement faible pour des personnes non averties.

Le problème majeur, c'est l'offre et l'investissement : le prochain chef d'Etat devra poursuivre la politique en faveur de l'offre et de l'investissement initiée tardivement mais à juste titre par François Hollande. Il faut par ailleurs arrêter l'accumulation de mesures dérogatoires temporaires. Enfin, il ne peut y avoir de diminution d'impôt que concomitamment à une réforme des structures publiques afin d'alléger les dépenses publiques. Car si problème il y a, c'est le niveau des dépenses publiques (57% du PIB) qui entraîne un niveau excessif de prélèvements obligatoires (44,7% du PIB). 

Thomas Carbonnier : Il y a désormais lieu de considérer que le vol c’est la propriété : la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui est qualifiée de vol par le Code pénal, sauf lorsque l’auteur est une banque à l’égard d’un de ses clients ayant plus de 100 000 euros de dépôt sur son compte bancaire ! Les banques en ont rêvé, François Hollande l’a fait ! Les projets du gouvernement actuel se portent désormais sur des mesures comparables vis-à-vis des contrats d’assurance-vie.

Le futur chef d’Etat devrait tenir un discours de vérité et remettre à plat tout le système fiscal en faisant abstraction des utopies sociales.

La cécité des deux Présidents face aux problèmes sociaux ayant débouché sur l’égorgement d’un prêtre chrétien en plein rituel religieux témoigne d’une absence totale de sécurité en France. Après les attaques à l’encontre des juifs de France, ce sont désormais les chrétiens de France qui sont visés. Ce sujet sera certainement très explosif. Si le prochain chef de l’Etat n’y remédie pas de manière urgente, le ou la candidat(e) du Front National finira certainement par être élu.

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