Rentrée du gouvernement à Colomiers : quand la gauche persiste à agiter le chiffon rouge de la menace "ultra-libérale" en croyant éviter les questions identitaires<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Rentrée du gouvernement à Colomiers : quand la gauche persiste à agiter le chiffon rouge de la menace "ultra-libérale" en croyant éviter les questions identitaires
©Reuters

Erreur d'analyse

Nettement moins à l'aise que la droite sur les questions identitaires, la gauche gouvernementale a souhaité faire de son séminaire de Colomiers l'occasion de mettre en avant les questions sociales... sans en réaliser l'erreur d'analyse.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Atlantico : Ce lundi 29 août se tenait le séminaire de rentrée du Parti Socialiste, au cours duquel l'objectif était d'avancer la thématique du modèle social comme objet de campagne. Dans quelle mesure s'agit-il d'un enjeu pour le PS ? La rhétorique de la droite ultralibérale est-elle encore suffisante pour rassembler l'électorat de gauche ?

Eric Verhaeghe : Le réveil du PS est un peu tardif et, de mon point de vue, purement tactique. Le PS ne s'intéresse pas spontanément aux questions sociales, mais a compris que ce sujet le différenciait ou allait le différencier de l'offre républicaine, quel que soit le candidat, et tout spécialement si ce candidat s'appelle Sarkozy. Ce me semble être un discours de deuxième tour, qui parie sur le fait que Hollande y sera. Et dans ce cas de figure, le PS a tout intérêt à actionner le sujet. En effet, soit Hollande se trouvera face à Sarkozy, et le discours actuel du PS souligne la droitisation de Sarkozy, autant qu'il s'adresse à tous ceux qui le rejetteront : aux électeurs de François Bayrou, qui sera sans doute candidat si Sarkozy sort vainqueur de la primaire, aux juppéistes ou à certains d'entre eux, mais aussi aux électeurs de Front National qui pourraient se sentir plus proches des thématiques sociales de gauche que des thématiques économiques de droite. Pour tous ces gens-là, la gauche affûte et ses arguments et leur donne de bonnes raisons de voter pour elle. Mais, nous en sommes bien d'accord, cela suppose que Hollande soit au deuxième tour, ce qui est loin d'être gagné.

Jusqu'où l'électorat de gauche est-il divisé aujourd'hui ? Quelle est la part de ceux qui veulent tout changer (qu'il s'agisse d'un virage à gauche toute ou d'un changement plus Vallsiste) et quelle est celle de ceux qui préfèrent le statu quo au changement ?

Il apparaît clairement que même à gauche personne ne se satisfait du quinquennat de Hollande, dont le fil est difficile à suivre pour tout le monde. En revanche, il est évident que les fractures à gauche se sont ouvertes de façon béante avec la montée du terrorisme, même si le quinquennat de Hollande les avait bien entamées. Par exemple, le couac sur le meilleur ennemi "la finance" a révélé un malaise profond au sein du PS sur l'orientation idéologique générale du parti. Hollande peut se féliciter d'avoir compté si peu de frondeurs après ses revirements, car il est probable que le déport vers la gauche dans l'opinion a été plus grand qu'à l'Assemblée Nationale. Reste qu'environ 60 députés aujourd'hui obligent le gouvernement à des artifices de procédure pour faire passer les textes et que Hollande n'est pas prêt de retrouver une majorité sur les thèmes vallsiens. Plus à gauche encore, rien n'exclut que Mélenchon ne crée la surprise en rassemblant autour de lui le pôle antilibéral du PS. Cette hypothèse est d'autant plus réaliste que la primaire risque de vitrifier la gauche et de décevoir ceux qui sont partisans d'une nouvelle donne sociale. Ceux-là pourraient rejoindre le Front de Gauche dans des proportions inconnues, probablement grossies par le sentiment que ces vases communicants constitueront un avertissement pour Hollande sans le mettre en péril. Et l'erreur de calcul pourrait être là. Satisfaction pour Hollande, en revanche: il a dynamité les écologistes, dont il ne reste rien.

Qu'est-ce que cette scission de l'électorat de la gauche traduit-elle, notamment d'un point de vue présidentiel ? Comment envisager la campagne des primaires, d'une part, et celle de 2017 ?

Beaucoup d'eau va couler sous les ponts avant cette échéance, et il est encore trop tôt pour comprendre les contraintes qui vont peser sur les différents scrutins. Celui-ci sera particulièrement sensible aux fluctuations économiques. Soit le troisième trimestre est bon en termes de croissance, et la gauche pourra desserrer l'étau budgétaire sans s'exposer à la critique de laxisme. Soit il est mauvais, ce qui est probable, et la situation sera compliquée pour Hollande qui devra se positionner sur les sujets qui fâchent : la rigueur budgétaire, la probable remontée du chômage, la morosité ambiante. Selon les scénarios, la physionomie de la campagne sera très différente. De mon point de vue, la présidentielle se jouera quand même et quoiqu'il arrive, sur le sujet identitaire, comme Nicolas Sarkozy l'a très bien senti. Sur ce point, le PS n'a pas compris que la conscience identitaire de la communauté musulmane est d'abord une conscience politique, une sorte de prise de conscience du prolétariat contemporain. En occultant la dimension politique de la question islamique aujourd'hui, le PS passe à côté de l'un des sujets majeurs de l'électorat, l'une de ses préoccupations essentielles. Si le PS n'apporte pas de réponse à ce sujet, il sera probablement balayé dès le premier tour. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !