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Conseil d'Etat sur le burkini : l'arrêt co-signé par l'auteur d'un rapport sur l'intégration à la lecture très "instructive"
©Reuters

La justice de monsieur Tuot

Le vendredi 26 août, le Conseil d'Etat a rendu sa décision au sujet des arrêtés anti-Burkini en suspendant l'arrêté de Villeneuve-Loubet. Une décision qui pourrait bien faire jurisprudence.

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, et dirigeant d'entreprise. Il est notamment l'auteur de Le GIEC est mort, vive la science ! (Texquis, 2010), La réalité augmentée (Texquis, 2011) et De la violence de genre à la négation du droit (Texquis, 2013).

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En février 2013, le Conseiller d'Etat Thierry Tuot remettait au gouvernement socialiste français, qui le lui avait demandé, un rapport sur la question de l'intégration, sous le titre "La grande nation : pour une société inclusive".

Monsieur Tuot est l’un des trois signataires de l’arrêt que vient de rendre le Conseil d’Etat sur la question du "burkini".

Puisqu’il faut éviter de parler de ce que l’on ne connaît que par des sources secondaires, il m'a paru intéressant de lire intégralement le rapport de Monsieur Tuot.

Gardons-nous d'ironiser sur l’orthographe et le style pompier du Conseiller d'Etat, qui forge des expressions telles que "péter de trouille" (sic) et taxe ses adversaires idéologiques de "haïssables", pour en venir directement au fond.

Le projet de Monsieur Tuot consiste à refonder "la base idéologique" de la politique de l'intégration (page 10). La veine idéologique dans laquelle s’inscrit le rapport de Monsieur Tuot — il n'y a rien de choquant à ce que ce rapport soit politique, c'était ce qui lui était demandé — est celle qui, de Terra Nova au Parti socialiste, en passant par les écologistes, domine la gauche et l'extrême gauche françaises depuis trente ans. La thèse, en rien méprisable, est que l’islam est une religion comme une autre, et que le devoir de la société française est de dépasser la stigmatisation et la discrimination pour inclure chacun dans une société rénovée. 

Bien entendu, cette thèse est fausse : l’islam est plus qu’une religion, il définit un projet politique et une code normatif complet (le fiqh, d’où la Sharia) qui se veut immuable, car enraciné dans la parole de Dieu (Coran) et les faits et gestes du prophète (la Sunnah). Méconnaître cette différence ontologique entre christianisme et islam n’est pas une question d’opinion, c’est une erreur intellectuelle. (*)

Toutefois, le problème n’est pas là. Il réside dans le fait que l’auteur d’un rapport idéologique sur l’islam rende un arrêt de droit — qui plus est au contentieux objectif de la légalité — sur le même sujet. Comme le résume parfaitement l’aphorisme anglo-saxon : "Not only must Justice be done ; it must also be seen to be done.” (La justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit aussi en avoir l’apparence). Ce qui signifie qu’un conflit d’intérêts vicie nécessairement une décision de justice, quel qu’en soit le contenu. Ayant pris parti sur le plan idéologique, la justice exigeait de Monsieur Tuot qu'il s’abstienne de juger.

(*) Voir mon bref essai La trahison des clercs — Lettre à un combattant de l'islam, Texquis, 2016.

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