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Edouard Philippe : “C'est bien beau d'évoquer l'identité française, mais il faut la définir, et se poser la question de savoir ce que nous voulons construire.”
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Entretien politique

Pour le député-maire du Havre, "l'identité heureuse" défendue par Alain Juppé ne doit pas être considérée comme un constat naïf mais plutôt comme un projet, un objectif collectif.

Édouard Philippe

Édouard Philippe

Édouard Philippe est un homme politique membre du parti Les Républicains. Il est député de la 7e circonscription de la Seine-Maritime, maire du Havre, président de la communauté de l'agglomération havraise et porte-parole d'Alain Juppé.

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Atlantico : Alain Juppé organise sa rentrée politique samedi 27 août à Chatou dans les Yvelines, où il a déclaré vouloir "donner le ton". A quoi serviront les semaines qui nous séparent de la campagne officielle de la primaire de la droite, qui aura lieu le 21 septembre prochain ? Le maire de Bordeaux se sent-il d'ores et déjà prêt ? Que lui reste-t-il à faire ?

Edouard Philippe : Dans une campagne électorale, il reste généralement des choses à faire jusqu'à la veille du vote, jusqu'à la fin. Il va continuer à expliquer, à rencontrer les Français et à les convaincre. Un travail d'explication donc, un travail de mobilisation dans le but de gagner une élection capitale pour l’avenir de notre pays.

Beaucoup a déjà été fait. Quand il a décidé de s'engager dans cette campagne en 2014, Alain Juppé n’avait ni structure, ni équipes. Or le travail qui a été fait depuis est impressionnant : nous nous sommes organisés et nous avons travaillé. Alain Juppé, de son côté, a sillonné la France, se rendant partout, en métropole comme en outremer, rencontrant entrepreneurs, commerçants, artisans, agriculteurs, enseignants, acteurs sociaux, militants associatifs… Travail peu spectaculaire, sans doute ? Moins médiatique que d’autres formes d’actions, certainement. Mais travail essentiel, pour comprendre les attentes des Français, les maux dont souffre le pays et faire émerger les solutions.

Il reste trois mois avant l'issue de la primaire. Nous abordons cette phase nouvelle avec beaucoup de détermination et de concentration. Et puis beaucoup d'enthousiasme aussi parce que nous avons envie de convaincre les Français, et de gagner.

A lire aussi sur notre site : " Pourquoi Alain Juppé persiste à parler d' "identité heureuse" "

L'été a été particulièrement mouvementé, entre l'attentat de Nice, le débat sur le burkini... Comment Alain Juppé a-t-il perçu ces événements ? Après le drame de Nice, il avait donné une conférence de presse où il avait annoncé qu'il fallait "changer de braquet" en matière de lutte contre le terrorisme. Se sent-il conforté dans ses positions ou a-t-il dû concéder à des ajustements ?

L’été n’a pas été "mouvementé", non : il a été dramatique et meurtrier. Dès juillet, Alain Juppé a proposé les mesures qui lui semblaient indispensables en matière de sécurité. Elles étaient d’ailleurs déjà largement présentes dans son livre Pour un Etat fort paru dès janvier. Je rappelle d’ailleurs que certains commentateurs s’étaient étonnés de la grande fermeté de ses positions à l'époque. Ce qui s’est passé cet été montre qu’il avait raison. Alain Juppé n’a pas changé de ligne en fonction des évènements ou des circonstances, aussi dramatiques soient-ils. Il a une claire conscience des menaces pesant sur la sécurité des Français et ce, depuis longtemps.

Nicolas Sarkozy a publié un livre mercredi dernier dans lequel il annonce sa candidature à la primaire. Comment avez-vous reçu cette nouvelle ? Celle-ci vous a-t-elle gêné dans votre propre campagne ?

Personne en France n'a été surpris de la candidature de Nicolas Sarkozy, candidature dont il avait lui-même dit qu’il l’officialiserait au mois d’août. Et je constate que personne n’est vraiment surpris, non plus, par les thèmes et par la tonalité qu’il a choisi de donner à sa campagne. Ils étaient déjà ceux de 2012 et, assez largement, de 2007.

Il s’agit d’un non évènement, qui présente en même temps la caractéristique paradoxale d’être très médiatique.

En tout cas cette confirmation de candidature est une bonne chose : elle permet de clarifier la situation.

Selon Nicolas Sarkozy, "la grande question de la présidentielle, [sera] : est-ce que la France existera toujours?". Que pensez-vous de cette hypothèse ? Alain Juppé serait-il à l'aise sur le thème de l'identité du pays si elle occupait effectivement largement l'espace des débats ?

Je ne sais pas si ce sera la grande question de la présidentielle. Beaucoup d’autres seront déterminantes pour notre peuple et notre pays : comment lutter contre le chômage, comment réformer l'éducation et faire en sorte de former tous les ans des jeunes Français adaptés au monde moderne, critiques, fiers d'être français.. Un sujet considérable. Je pense que l'on répond mieux à l'inquiétude des Français, aux enjeux du pays en s'attaquant aux problèmes et en les traitant sérieusement plutôt qu'en se posant des questions générales avec de belles formules qui n'apportent pas de réelles solutions. 

Alain Juppé sera donc très à l'aise sur ces questions, car il en parlera sérieusement. 

Avant même le début de la campagne, la tension est montée d'un cran entre les candidats. Le maire de Bordeaux avait ,par exemple, regretté la "confusion regrettable entre Nicolas Sarkozy, président de parti, et Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire". Par ailleurs, il avait fait un parallèle entre l'ex-chef de l'Etat et les "prophètes de malheur" dans un tweet... Comment interpréter ce tweet du maire de Bordeaux ?

Je ne partage absolument pas votre interprétation. Les attaques personnelles sont justement ce que nous voulons tous éviter pour que cette primaire soit digne et qu’elle rencontre l’adhésion des Français. Qu’il y ait des différences entre les candidats, en revanche, c’est indéniable. Prenons l’exemple du débat sur "l’identité heureuse". Certains voudraient faire croire qu’Alain Juppé se satisfait ainsi de la situation actuelle, par naïveté ou par inconscience des problèmes. C’est évidemment tout le contraire de ce qu’il pense.

Ce qui intéresse Alain Juppé, c'est de construire, pas de prophétiser. Il souhaite une France forte, où le bonheur collectif et les libertés individuelles sont respectés. On peut feindre de croire qu'il parle de l'identité heureuse comme d'un constat, alors qu'il suffit de l'écouter pour comprendre qu'il s'agit d'un projet collectif, à construire, et urgemment. Bien sûr aujourd'hui, les choses vont mal. Mais quelles sont les propositions alternatives à ce projet ? Une identité malheureuse ? Une identité pure ? Quelles sont les autres propositions ? C'est bien beau d'évoquer l'identité française, mais il faut la définir, et se poser la question de savoir ce que nous voulons construire.

Je lis par exemple dans le livre de Nicolas Sarkozy, qu’il propose une loi visant à interdire les menus de substitution à l'école. Je ne connais pas de ville confrontée à ces problèmes qui n’en propose pas. Peut-être même à Neuilly d’ailleurs ?

Pensez-vous que le bon modèle en France serait celui dans lequel les élèves musulmans n'iraient que dans des écoles musulmanes ? Ce choix du communautarisme n’est pas celui d’Alain Juppé.

Par ailleurs, plusieurs piques ont été recensées entre les candidats à la primaire, avant même que la campagne n'ait officiellement commencé. Les témoignages et enquêtes montrent que la crainte d'une guerre entre les ténors de la droite est prégnante chez les sympathisants de droite, qui se rappellent de celle entre Jean-François Copé et François Fillon. Le risque d'une guerre des chefs à l'issue de la primaire vous semble-t-il contenu ? Qu'est-ce qui, dans l'équipe de campagne d'Alain Juppé par exemple, sera ou ne sera pas permis ?

Il y aura une opposition, des personnalités différentes, peut-être des lieutenants qui se montreront plus agressifs qu'il ne le faudrait, mais tout le monde a pris l'engagement de respecter les règles de la primaire. Je suis convaincu, je le redis, que si nous gagnons, les autres nous suivront et nous soutiendront. Pour le reste, il suffit de lire la presse ou d’écouter les interventions des uns et des autres : je n’ai pas l’impression que les plus "belliqueux" soient du côté des soutiens d’Alain Juppé…

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que les militants représentent 300 000 personnes. C'est beaucoup et ils sont très respectables, et j'en fais d'ailleurs partie. Mais nous attendons 3 millions de personnes. Si c'est le cas, vous voyez bien qu'il représente 10% du corps électoral. Peut-être un peu moins. Moi je suis confiant dans l'idée que l'on peut défendre des propositions très fermement. Et d'ailleurs, si Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ne sont pas d'accord sur tout, ils s'estiment et se respectent. Il suffira d’appliquer les règles qu'ils ont eux-mêmes décidé de s'appliquer entre eux. 

François Bayrou a déclaré à plusieurs reprises qu'il soutiendrait Alain Juppé en cas de victoire de celui-ci, mais qu'il se présenterait si un autre candidat emportait le second tour. Si tel était le cas, quelle serait la position du camp "Juppé" face à Bayrou, proche de nombre de vos idées ?

Je ne souhaite pas commenter des hypothèses. La question ne se pose en tout cas pas pour moi, car ce que je m’emploie à faire, c’est de faire gagner Alain Juppé.

Propos recueillis par Alexis Franco

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