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Présidentielle de 2017 : François Hollande, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen... les scénarios qui pourraient empêcher un remake de l'élection de 2012
©Reuters

Retour vers le futur

S'il est clairement rejeté par une majorité de Français, le scénario de l'élection présidentielle de 2012 qui avait vu François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen jouer les premiers rôles pourrait bien se reproduire en 2017. A moins que quelques grains de sable ne viennent enrayer les mécaniques mises en place.

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'Ifop et directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise.

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Xavier Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

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Atlantico : Alors que plusieurs sondages montrent depuis des mois que les Français ne souhaitent pas vivre lors de la présidentielle de 2017 un remake de l'élection de 2012, la probabilité de voir François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen jouer les premiers rôles est aujourd'hui non négligeable. Pour ce qui est de la gauche, quels sont les scénarios envisageables pour que François Hollande ne soit pas la tête d'affiche de ce camp en 2017 ?

Frédéric Dabi : Tout d'abord, je partage entièrement le constat qui est fait : les Français ne veulent pas d'un remake de 2012. Pourquoi ? Ce n'est pas entièrement dû aux personnalités de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Il y a en effet un constat partagé par beaucoup de Français selon lequel le quinquennat de Nicolas Sarkozy n'a pas été un quinquennat "utile", et le quinquennat de François Hollande n'a pas été aussi probant, voire pire selon les électeurs de droite. On voit donc ici un puissant levier de vote Front national comme alternative à un vote "UMPS" et à deux quinquennats ratés.

Une fois dit cela, votre question relève un peu de la politique-fiction, puisque personne ne sait encore quelle sera l'offre. Pour la gauche, il est vrai qu'il existe une logique institutionnelle et consubstantielle à la Vème République selon laquelle le Président sortant se représente assurément à l'issue de son premier mandat. On a ainsi retrouvé récemment des lettres de Georges Pompidou qui disait, alors qu'il se savait malade, qu'il ne serait pas candidat à la présidentielle de 1976 sauf si François Mitterrand était en position de gagner. Cela fait donc partie de la logique des choses.

Maintenant, la question du scénario à gauche se pose en effet. Nous avons une primaire qui a été officialisée il y a quelques mois par Jean-Christophe Cambadélis et à laquelle François Hollande pourrait se plier, mais il faut rester prudent au vu du caractère totalement inédit de la situation. Une primaire de confirmation politique pour un Président sortant serait un objet politique non identifié qui demande beaucoup de prudence quelques mois avant.

Deuxièmement, la question d'une non-participation de François Hollande à la présidentielle se pose aussi car il peut très bien ne pas être candidat compte tenu de son impopularité historique et de sa rupture avec la gauche. Le fait majeur de ces derniers mois, c'est que François Hollande est aujourd'hui minoritaire à gauche. Dans toutes les enquêtes de popularité, il a environ un tiers de soutiens à gauche et 50% au PS, ce qui explique son taux de popularité extrêmement bas à huit mois de la fin de son mandat.

S'il y a une primaire à gauche et que François Hollande est candidat, sera-t-il devancé par Arnaud Montebourg, comme le montre l'un de mes confrères ? Je n'en sais rien. Aujourd'hui, les Français sont certes une très forte majorité à ne pas souhaiter une candidature de François Hollande (80% selon un sondage Ifop/JDD d'avril 2016), mais ils ont intériorisé le fait que la logique de la Vème République voudrait qu'il se représente. Quand on leur demande leur pronostic et non plus leur opinion, ils sont environ 75% à penser qu'il va se représenter.

Toutefois, notons que ces résultats ont été obtenus avant l'annonce de la primaire de la gauche et la séquence terroriste de cet été avec les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, qui a fait du mal à François Hollande en lui faisant perdre de la crédibilité sur le régalien.

Pour conclure, l'idée d'une candidature automatique de François Hollande selon la logique de la Vème République fait moins sens aujourd'hui, même si elle reste probable.

Xavier Chinaud :François Hollande est le seul candidat "à gauche" qui puisse encore espérer gagner en 2017, la probabilité est vue aujourd’hui comme l’équivalent d’un trou de (petite) souris, mais un alignement des planètes peut nourrir ce faible espoir : l’amélioration sur le front de l’emploi, un ticket avec Emmanuel Macron, une réforme institutionnelle profonde et… la victoire de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite et du centre.

Le président de la République a choisi prudemment d’attendre décembre et donc la primaire de l’opposition pour se prononcer sur une candidature qu’il souhaite et à laquelle il se prépare. Si les sondages alors ne lui donnaient aucune chance, le renoncement serait possible et ouvrirait la voie à autant de candidatures qu’il y a de segments dans la majorité d’aujourd’hui : un candidat social-démocrate (Emmanuel Macron, Manuel Valls ?), un candidat se disant du socialisme historique (Arnaud Montebourg) un candidat écologiste, un candidat communiste… Et l’incontournable Jean-Luc Mélenchon.

Sans renoncement à être candidat, aucun de ses concurrents ne serait assuré de remporter la primaire socialiste face à lui.

La décision lui appartient, il sait qu’il y aura d’autres candidats de gauche, probablement aucun en mesure de le battre, mais assurément plusieurs susceptibles d’accentuer sa défaite. Il sait aussi qu’Alain Juppé est pour lui le pire des adversaires…

En ce qui concerne la droite, Nicolas Sarkozy semble avoir aujourd'hui le vent en poupe, mais reste devancé par Alain Juppé dans les sondages pour la primaire de la droite. Est-il envisageable de voir l'ancien Président ne pas être sur la ligne de départ en 2017 ? Qu'en est-il de François Bayrou ? Peut-il jouer les trouble-fêtes pour Nicolas Sarkozy ?

Xavier Chinaud : Je n’imagine pas qu’un Nicolas Sarkozy battu à la primaire se présente quand même en mai devant les Français, donc oui il est parfaitement envisageable qu’il ne soit pas candidat en 2017.

La donne au sein des droites et des centres peut se résumer ainsi : le vainqueur de la primaire a toutes les chances de gagner la présidentielle, excepté peut-être Nicolas Sarkozy. Le rejet de près des trois quarts des Français de voir se rééditer le match Hollande/Sarkozy entraînerait, si le premier décidait d’être candidat et le second remportait la primaire dans son camp, un séisme politique. En 2012, François Hollande n’a rassemblé pour être élu que 18 millions de voix au 2ème tour de la présidentielle sur 37 millions de votants et sur 46 millions d’inscrits… Si la même offre était présentée aux Français en 2017, le chaos est plus qu’une hypothèse.

Dans ce scénario, la donne changerait totalement et rapidement les sondages confirmeraient ce rejet conduisant à ceci : seules deux personnalités apparaîtraient alors susceptibles de gagner la présidentielle, François Bayrou ou Marine le Pen.

François Bayrou est le premier des soutiens d’Alain Juppé et peut contribuer à sa victoire à la primaire comme à la présidentielle. Si Nicolas Sarkozy l’emportait en novembre, le maire de Pau ne serait pas un "trouble-fête" mais bien un "prétendant".

Marine Le Pen serait une impasse et assurément pas un rempart ni au chaos ni au déclin.

Frédéric Dabi : On retrouve ici une logique similaire, quoiqu'un peu différente. Selon plusieurs sondages Ifop ou autres, une très nette majorité de Français ne souhaitent pas que Nicolas Sarkozy soit candidat et revienne à l'Élysée dix ans après sa victoire de mai 2007. Mais la primaire de la droite se joue sur un corps électoral restreint au sein duquel les perceptions de Nicolas Sarkozy sont nettement plus bienveillantes. Je ne parlerais peut-être pas de "vent en poupe", mais d'entrée en campagne plutôt réussie. Nicolas Sarkozy est certes devancé par Alain Juppé, mais il a réduit l'écart ces derniers mois, et fait même jeu égal avec lui auprès du cœur de cible (les sympathisants Les Républicains).

Nicolas Sarkozy se soumet à une élection ouverte, il peut donc bien sûr être battu. C'est ce que donnent les enquêtes d'opinion pour l'instant, avec un certain TSS ("Tout Sauf Sarkozy") pour le second tour de la primaire. Dans toutes les enquêtes Ifop/Fiducial de janvier à juin 2016, il est battu sur un score d'environ 60-40%.

Il a quand même des chances de l'emporter : il est deuxième pour l'instant, et le climat actuel de menace terroriste et de crainte pour l'identité – très fortement exprimé par les sympathisants de droite – pourrait lui permettre de rattraper son retard. En comparaison avec François Hollande, Nicolas Sarkozy est dans une situation nettement plus favorable pour une éventuelle candidature à l'élection présidentielle.

Pour ce qui est de François Bayrou, la situation est un petit peu différente. Il soutient Alain Juppé et ne sera pas candidat à la présidentielle, sauf si Nicolas Sarkozy ou un autre candidat remporte la primaire de la droite. Il a été candidat à trois reprises à l'élection présidentielle, série en cours. Il peut espérer refaire le coup de 2007, c'est-à-dire profiter du rejet d'un candidat socialiste usé par son bilan et par l'exercice du pouvoir, et d'un Nicolas Sarkozy dont beaucoup d'électeurs de droite modérés ne voudront pas.

À droite comme à gauche, quels sont les thèmes de campagne qui pourraient faciliter un renouvellement de cette offre politique ?

Frédéric Dabi : Il me paraît difficile d'associer thèmes de campagnes et renouvellement d'offre politique. Les thèmes de campagne sont aussi indexés sur un contexte, en témoigne le sondage Ifop/Atlantico du mois de juillet qui révèle que le thème qui compte le plus actuellement est – de très loin – le terrorisme. Les candidats, a fortiori ceux de la primaire de la droite, seront donc soumis à une sorte de passage obligé sur ces thèmes sociétaux liés à l'identité (islam, immigration, insécurité, etc.). Ils ont l'obligation de ne pas négliger ces sujets. Voyez comme Alain Juppé est aujourd'hui soupçonné d'être dans une stratégie d'évitement sur ces sujets…

La primaire de la droite étant aujourd'hui dans une logique de distinction entre différents candidats, il pourrait être pertinent pour tel ou tel candidat d'imposer un thème. Souvenez-vous en 2011 d'Arnaud Montebourg et de la démondialisation, qui a débouché un peu plus tard sur le made in France : c'était une manière de se distinguer par rapport à Martine Aubry, François Hollande, Ségolène Royal, Manuel Valls, etc. Peut-être qu'un Bruno Le Maire ou un François Fillon pourrait s'en inspirer. On se souvient aussi de François Bayrou qui avait imposé le thème de la dette en 2007. Cela peut moins renouveler l'offre qu'opérer une stratégie de distinction entre des candidats qui auront peut-être des positions assez proches sur beaucoup de sujets.

Xavier Chinaud : Que seront les thèmes de campagne entre décembre et mai ? Quel sera le contexte international et terroriste ? Nul ne le sait et ne peut en affirmer l’impact aujourd’hui. La justice s’invitera-t-elle dans la primaire ? Elevons le débat…

L’hystérisation de celui sur le burkini (comme déjà à deux reprises ces dernières années sur le voile) démontre une fois encore la médiocrité d’une partie de la classe politique. Le piège est énorme et pourtant nombre s’y font prendre. Bien d’autres sujets devraient trouver place dans ce grand débat qu’est l’élection présidentielle, on ne peut choisir un Président sur de simples postures alors que celui-ci décidera de la politique intérieure comme extérieure, qu’il sera co-responsable du devenir de l’Europe et acteur sur la scène mondiale, qu’il sera chef des armées et garant de notre identité comme de notre vivre-ensemble.

Le renouvellement nécessaire n’est pas tant celui des personnes que celui de l’offre juste de gouvernance, celui qui saura remettre à plat le contrat entre les Français et leurs élus, défendre et faire partager une vision pour le pays, rassembler et non opposer. Celui-là, quelle que soit son appartenance partisane aujourd’hui, a vocation à être élu demain, la France en a un impérieux besoin. Davantage que de ceux qui jouent sur les peurs et les ressentiments.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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