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De la mélancolie au burn-out : comment notre approche de la "fatigue mentale" a évolué au travers des âges
©Pixabay

Les Grecs le traitaient déjà

Le burn out tel qu'on le conçoit aujourd'hui, à savoir un épuisement avant tout mental et émotionnel, n'est pas le même que celui que nos ancêtres pouvait ressentir. Mais il tire tout de même de profonds liens avec la mélancolie et l’épuisement professionnel liés au quotidien éreintant de nos ancêtres.

François Baumann

François Baumann

François Baumann est médecin généraliste, fondateur de la Société de Formation Thérapeutique du médecin Généraliste (SFTG). Intéressé par toutes les dimensions des Sciences Humaines et Sociales qui participent à une meilleure santé des hommes, il a publié de nombreux ouvrages sur ces thèmes. Il est également enseignant à l'Université Paris V et membre du comité Scientifique International de l'UNESCO (département de Bioéthique).

Il est auteur de Burn Out : quand le travail rend malade, L'après burn-out et Le Bore-out, quand l'ennui au travail rend malade aux éditions Josette Lyon. 

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Atlantico : En quoi le "burn-out" est-il une maladie "moderne", qui serait exclusivement due aux aspects anxiogènes de nos sociétés actuelles ?

François Baumann : Le burn-out est selon moi une maladie moderne en rapport avec les aspects anxiogènes de notre société et de notre mode de vie économique et sociale. Cela correspond à une définition et à des syndromes très précis qui s'appellent le "trépied du burn-out". C'est-à-dire un épuisement psychique, physique, émotionnel et une déshumanisation de nos relations et un désinvestissement de soi. Et c'est en ça qu'elle est décrite comme une maladie moderne, car décrite avec des éléments récents.

Par exemple, la notion d'épuisement émotionnelle est quelque chose de moderne. Cela est dû à des sociétés qui ont beaucoup moins d'activités physiques que n'en n'avaient les autres auparavant. Notre société sollicite d'avantage le cérébral et le mental que les sociétés d'il y a cent ou deux cents ans. 

Quand le burn-out a-t-il commencé à devenir le problème de santé tel que nous le définissons aujourd'hui ?

C'est devenu un problème de santé aux Etats-Unis dans les années 70. Le burn-out a été décrit dans des circonstances très précises et était généralement mis en lien avec des personnes "aidants", comme des aides-soignants pour des enfants en fin de vie ou en lien avec des choses terribles. Ces personnes présentaient des symptômes particuliers que l'on ne retrouvait pas ailleurs.

Comment les sentiments d'épuisement professionnel étaient-ils perçus et "traités" auparavant au regard des différentes théories de l'époque sur le sujet ? A quoi ce phénomène pouvait-il être du ?

Le burn-out est particulier et ne peux pas se produire à toutes les époques comme je l'ai expliqué. Cela est possible mais nous n'y sommes attentifs que maintenant.

Certains individus souffraient d'épuisement professionnel dans la mesure où leurs métiers étaient beaucoup plus physiques. Mais les cas d'épuisement mentaux/intellectuels sont très peu documentés. Il n'y a donc pas ce trépied moderne de l'épuisement mental et de la déshumanisation comme on le constate aujourd'hui.

On mentionnait la mélancolie - la théorie des humeurs - chez Hipocrate, ou plus récemment dans la littérature, ce qui a donné un synonyme de la dépression. Je pense qu'on la traitait comme on traitait les maladies avant l'avènement de la médecine scientifique, qui est très récente.

Il existait par exemple des formes de psychothérapie en Grèce qui étaient basées sur la parole et la communication. On faisait raconter les rêves du patient qui souffrait.

Il y avait véritablement un effort de réflexion et je pense que cela était surtout basé sur la relation avec l'autre.

Enfin, comprendre ce phénomène aux travers de la fatigue physique et mental de nos ancêtres peut-il nous aider à mieux l'appréhender tel qu'il apparaît aujourd'hui ?

Le burn-out, autrement dit l'épuisement mental et physique, est très particulier car il est en rapport avec notre société et son évolution. On ne retrouvait pas, par exemple, des causes informatiques, de surmenage par le rendement ou le surmenage intellectuel il y a une centaine d'année. L'individualisme n'était également pas aussi  important que maintenant.

La seule utilité que l'on peut avoir dans la comparaison, c'est de voir qu'elle était la mentalité des différentes époques et leur rapport au travail et à la communauté. Cela permet de remettre en perspective des notions, comme la compétition ou l'individualisme, qui sont relativement récentes et favorisent l'épuisement d'un individu car elles se superposent les unes aux autres.  

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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