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Pauvre langue française pourtant si riche : hommes politiques et journalistes, rois des formulations qui ne veulent plus rien dire...
©www.flickr.com/photos/124247024@N07/14089974985

Bonnes feuilles

Fautes d’accord, de conjugaison, de genre, pléonasmes, pataquès, anglicismes, barbarismes, solécismes polluent quotidiennement la langue de Molière, de Chateaubriand, de l’olympisme et des droits de l’Homme ! Notre belle langue française est chaque jour un peu plus défigurée par ces fautes commises bien involontairement par des élites (journalistes, politiques…) de moins en moins regardantes ! Extrait de "Langue française - Le massacre continue", de Jean Maillet, aux éditions de l'Opportun 1/2

Jean Maillet

Jean Maillet

Grammairien et lexicographe passionné, Jean Maillet est l’auteur de plusieurs livres sur la langue française dont Donner de la confiture aux cochons et Langue française : arrêtez le massacre ! aux Éditions de l’Opportun.

 

 

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Janotismes médiatiques

Hommes politiques et présentateurs de journaux télévisés donnent fréquemment mais involontairement dans ces constructions à double sens. On peut au moins leur savoir gré de nous faire rire. Voici quelques exemples de janotismes et amphibologies récemment colportés sur les ondes hertziennes. J’ose les assortir de quelques commentaires satiriques – mais explicatifs – que les épinglés voudront bien me pardonner.

« Quand vous avez des policiers qui arrêtent des délinquants et qu’ensuite ils ne sont pas condamnés par la justice, c’est tout le moral de la police qui est sapé. »

(Laurent Wauquiez, France 2, Télématin du 14 octobre 2015, Les 4 vérités)

L’esprit de justice plus fort que le corporatisme ? À moins que celui qui fut le plus jeune député français n’ait pas précisément dit ce qu’il pensait, par confusion syntaxique; en effet, qui sont donc ceux dont le vice-président de l’UMP regrette qu’ils ne soient pas condamnés par la justice : les policiers ou les délinquants ? Ainsi énoncée, la phrase ne le précise pas et «ils» peut faire référence aux uns comme aux autres.

Monsieur Wauquiez semble d’ailleurs plutôt réfractaire à la concordance sujet-verbe comme le montre cette autre citation relevée sur son site Internet :

« Marié à Charlotte, et père de deux enfants, Baptiste et Louise, ma famille vit en Haute-Loire où habite aussi ma mère. »

Le sujet implicite du verbe au participe passé (en l’occurrence, « marié ») doit être le même que celui du verbe conjugué de la proposition principale (ici, « vit »). Jouons les naïfs : qui donc est marié à Charlotte ? La famille de Laurent Wauquiez. C’est du moins ce que nous laisse entendre la phrase ainsi (mal) tournée, même si «marié» est orthographié sans « e » final. Cette même famille endosse ipso facto la paternité de Baptiste et Louise. Incohérent !

Le 5 janvier 2016, plusieurs plaques commémoratives furent dévoilées à Paris pour honorer les victimes des attentats dits de Charlie Hebdo.

Celle du boulevard Richard-Lenoir est ainsi libellée :

« À la mémoire du policier Ahmed Merabet assassiné en ce lieu le 7 janvier 2015 victime du terrorisme dans l’accomplissement de son devoir. »

Qui donc a accompli son devoir ? Le policier assassiné ou le terrorisme assassin ? Quelques virgules judicieusement placées – au moins une après « terrorisme » – auraient pu éviter cette bien malencontreuse amphibologie.

« Ce sont des collègues qui l’accompagnent matin et soir pour se rendre à son travail. »

(13h de France 2, reportage sur l’autisme réalisé par Lætitia Legendre et diffusé le 2 avril 2015.)

D’un point de vue strictement syntaxique, « accompagnent » et « se rendre » ont le même sujet : « des collègues », ce qui donne à la phrase un aspect totalement absurde, l’adjectif possessif « son » (3e personne du singulier), ne pouvant d’ailleurs pas se rapporter à « collè- gues » (3e personne du pluriel). Toute équivoque aurait été évitée si la phrase avait été ainsi exprimée :

> « Ce sont des collègues qui l’accompagnent matin et soir pour qu’il se rende à son travail » ou « quand il se rend à son travail ».

On passera sur le fait que, le soir, l’intéressé ne se rend probablement pas à son travail : il en revient plutôt.

Même faute, même punition pour Frank Mazoyer qui, commentant un reportage sur l’option « surf » du bac, nous dit, dans cette même édition du 13h de France 2 :

« Ce candidat est venu avec son père surfeur pour l’aider à affronter l’océan. »

Ainsi énoncée, la phrase nous apprend que c’est le fils qui aide son père et non l’inverse. Monsieur le journaliste me copiera cent fois : « Je dois veiller à bien identifier le sujet des verbes que j’emploie. »

Le commentaire doit être ainsi corrigé :

> Ce candidat est venu avec son père surfeur pour que celui-ci (ce dernier) l’aide à affronter l’océan.

Extrait de "Langue française - Le massacre continue", de Jean Maillet, publié aux éditions de l'Opportun, août 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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