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Et en dehors du terrorisme, quelles sont les autres causes qui participent à la chute du tourisme en France ? (et quelles sont les actions à mettre en oeuvre pour y remédier)
©Reuters

Arbre qui cache la forêt ?

Au-delà de la menace terroriste, les causes de la diminution du tourisme en France sont nombreuses : blocages et grèves à répétition, sécurité et qualité de l'accueil laissant parfois à désirer, mauvaise communication... S'il est impossible de garantir le risque zéro en matière d'attentats, des mesures peuvent être prises pour revaloriser la destination France aux yeux des voyageurs étrangers.

Didier Arino

Didier Arino

Didier Arino est directeur de Protourisme, cabinet d'études et de conseil en tourisme.

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Atlantico : Au-delà des inquiétudes liées à la menace terroriste en France, quelles sont les autres causes de la diminution du tourisme dans l'Hexagone ? À quelles destinations cela profite-t-il ? 

Didier Arino : Les dramatiques attentats à intervalles réguliers ont certes fait fuir les touristes mais les images négatives de la destination liées aux grèves multiples parfois violentes, aux blocages des raffineries avec son corollaire la pénurie de carburant au printemps, les incidents entre taxis et vtc, les touristes asiatiques détroussés, ont contribué à fortement dégrader l'image touristique de la France. Cette défiance des clientèles est bien plus forte pour les clientèles lointaines asiatiques et américaines mais elle a également dans une moindre mesure touché les plus fidèles clientèles européennes. La crise économique de certains pays comme la Russie ou le Brésil ne nous a pas aidé. 

Ce climat d'insécurité sous ses différents aspects a pour conséquence un recul de 7% des clientèles étrangères depuis le début de l'année alors que dans le même temps nos concurrents européens profitent d'une croissance entre 5 et 12%. Les clientèles que nous avons perdues, nous les retrouvons en Espagne, au Portugal, dans le sud de l'Europe en général mais aussi en Angleterre qui bénéficie de surcroît de la baisse de la livre sterling post Brexit. 

Si la France reste la première destination touristique mondiale, peut-on considérer qu'elle se "repose sur ses lauriers" ? Dans quelle mesure une qualité d'accueil laissant à désirer ou des prix parfois exorbitants dans les zones touristiques ont-ils pu entraîner la désaffection de certains voyageurs ? Le climat actuel, lié au terrorisme, ne conduit-il pas à masquer d'autres causes, moins avouables, de cette crise ?

Le chiffre de 84 millions de touristes est un alibi car nous comptons tous ceux qui traversent notre pays sans réellement y séjourner. Cela masque une réalité, la perte de parts de marché de la France depuis de nombreuses années. En nombre de nuitées marchandes et de recettes, nous sommes largement distancés par les Etats-Unis, l'Espagne et la Chine et de nombreux pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni qui n'ont pas nos atouts nous rattrapent voire nous devancent sur de nombreuses filières. Notre croissance ces dernières années est environ deux fois inférieure à celle de nos concurrents, quant à cette année nous sommes les seuls à régresser fortement !  

Quelles sont les mesures permettant de relancer la destination France aux yeux des touristes étrangers ?

Les mesures à prendre pour relancer la destination sont avant tout structurelles car n'oublions pas : dans le secteur touristique c'est l'offre qui crée la demande. Il faut un grand plan d'investissement, de mise à niveau de notre offre d'hébergement et de création d'infrastructures adaptées et sécurisées pour favoriser l'expérience client, revoir notre organisation institutionnelle pour la rendre plus efficace, repenser la formation, aider les start-up dans le domaine du numérique pour sortir de la dépendance absolue aux plateformes et autres applications numériques, réguler cette concurrence déloyale d'acteurs destructeurs de recettes fiscales et sociales, baisser les charges sur le travail, sortir de normes rigides et contreproductives pour les rendre plus efficientes d'un point de vue social et environnemental, drainer l'épargne vers les projets touristiques créateurs de richesse et d'emplois.

Un certain nombre de mesures conjoncturelles doivent être prises avec la création immédiate d'une police touristique pour éloigner la petite délinquance des lieux touristiques, repenser notre communication en privilégiant les réseaux sociaux et les prescripteurs pour faire de nos visiteurs des ambassadeurs à l'instar de l'intelligente campagne post attentat  mise en place par le CRT Riviera ces derniers jours. En résumé, sortir des discours creux "le tourisme priorité nationale" pour passer aux actes et à un autre échelon que le bricolage budgétaire. Pour donner une idée des échelles : quand le gouvernement parle d'un plan de soutien aux investissements pour aboutir à 1 milliard d'euros sur plusieurs années, la Chine a investi plus de 100 fois plus sur le seul premier semestre 2016 ! 

Les prix pratiqués en France sont certes parfois -mais pas toujours- plus élevés que chez nos concurrents mais le problème est plus un problème de rapport qualité-prix car nos charges et nos contraintes nous interdisent de pratiquer des prix bas. La productivité et la compétence des salariés français n'a rien à envier à nos concurrents mais nous péchons souvent par manque de service, d'empathie et de maîtrise des langues.

Si le gouvernement ne prend pas la mesure des difficultés du secteur et de ce qui se joue dans ce secteur, ce sont des milliers d'emplois qui seront détruits et bien au delà une part de notre exception culturelle qui s'amenuisera avec pour conséquence des investisseurs étrangers qui accélérerons le rachat de nos fleurons. Nos principaux groupes sont déjà rachetés, avec une prise de participation étrangère ou dans la ligne de mire des fonds de pension anglo-saxons ou autres investisseurs chinois liés au pouvoir politique. Peu réjouissant et que disent nos multiples politiques candidats aux primaires ? Rien car ils n'ont pas d'idées sur le sujet au delà des poncifs habituels. Vivement un salutaire débat sur ces sujets.

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