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La rentrée de l'épargnant : mais quelles sont les vraies conséquences de la baisse des taux sur votre assurance vie (...et sur votre assureur) ?
©flickr / pasukaru76

Taux bas

Selon Standard & Poor's, les taux bas sont responsable des pertes de rentabilité (1 à 1,15% par an) des compagnies d'assurance vie.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Selon Standard and Poor's, la rentabilité des assureurs pourrait être particulièrement mise à mal par la politique européenne des taux-bas. Dans un tel contexte, les détenteurs de contrats d'assurance vie doivent-ils s'attendre à une chute des rendements de leurs placements ? Dans quelles proportions ?

Philippe Crevel : Qu’est-ce qu’un contrat d’assurance-vie en France, c’est une enveloppe d’épargne bénéficiant d’un régime fiscal attractif. En effet, en plaçant de l’argent sur un tel contrat, l’épargnant déroge aux règles en vigueur en ce qui concerne l’imposition des revenus et les droits de succession. Un contrat d’assurance-vie peut être mono-support en ne comprenant qu’un fonds euros avec une garantie en capital ou multi-supports. Dans ce dernier cas, l’épargnant peut dispatcher son argent entre un fonds euros et des unités de compte représentant des parts d’actions, d’obligations, de organismes de placements collectifs, de SCPI., etc.

Avec des taux d’intérêt très bas voire négatifs, il est logique que le rendement des fonds euros des contrats d’assurance-vie baisse. En effet, de manière prudentielle, l’épargne collectée sur ces fonds est placée en obligations d’Etat. L’assureur doit avoir des placements relativement liquides et dont les cours sont prévisibles. L’épargnant pouvant effectuer des rachats à tout moment sur un contrat d’assurance-vie, la compagnie d’assurance doit pouvoir faire face à ses engagements. Le rendement des fonds euros est assuré par les intérêts perçus sur les obligations d’Etat et celles des entreprises. Afin d’améliorer l’ordinaire, les compagnies d’assurance peuvent diversifier légèrement leurs placements en prenant de l’immobilier ou des actions. Mais le gros des fonds euros, ce sont les obligations.

En 2007, le rendement de l’obligation de l’Etat français était de 4,30 %. Au mois d’août 2016, il était inférieur à 0,2 %. L’Etat allemand emprunte fréquemment à 10 ans à des taux d’intérêt négatif. La Suisse peut faire de même sur des durées de plus de 20 ans.

Dans ces conditions, le rendement des fonds euros ne peuvent que baisser dans les prochaines années. Il y a un effet retard par rapport à la situation actuelle car les fonds euros sont de véritables tankers. Il y a une inertie. Les fonds euros qui pèsent plus de 1300 milliards d’euros disposent d’un stock d’obligations achetées par les compagnies d’assurance il y a plusieurs années au moment où les taux étaient supérieurs à 2 %. Mais au fur et à mesure que ces obligations arrivent à échéance, elles sont remplacées par des obligations à très bas taux ce qui fait baisser le rendement des fonds euros. Compte tenu du fait que la BCE s’est engagée à maintenir les taux bas au moins jusqu’en 2017, à court terme voire à moyen terme, les fonds euros devraient connaître une érosion de leur rendement. Le rendement moyen de 2015 était de 2,25 % ; il devrait se situer autour de 1,8 à 2 % pour 2016 pour s’orienter vers 1,5 % d’ici 2018 contre 4,10 % en 2007. Il convient que cette diminution accompagne une baisse de l’inflation. La contraction du rendement des fonds euros en réel est assez limitée. De 2007 à 2015, le rendement réel est passé de 2,6 à 2,1 %.

Alors que de nombreux commentateurs indiquent que cette situation de taux bas devrait durer dans le temps, peut-on dire que le contrat d'assurance vie, dans sa forme "générale" perd largement de son intérêt ? Quelles sont les alternatives ? 

Les atouts fiscaux de l’assurance-vie demeurent malgré la baisse des taux de rendement des fonds euros. Les revenus issus de l’assurance-vie sont imposés quand le contrat a plus de 8 ans au taux de 7,5 % (35 % pour les contrats de moins de 4 ans, 15 % pour ceux ayant entre 4 et 8 ans, sachant que le contribuable peut également choisir pour le barème de l’impôt sur le revenu). Le souscripteur bénéficie, par ailleurs, d’un abattement fixé à 4 600 euros pour un célibataire ou à 9 200 euros pour un couple.

Les produits sont également soumis aux prélèvements sociaux au taux de15,5 %.

En matière de succession, le souscripteur peut déroger au droit commun et choisir, dans certaines limites, les bénéficiaires. Par ailleurs, en cas de versements réalisés avant 70 ans, les sommes reçues par les héritiers sont exonérées de droits de succession à hauteur de 152 000 euros. Au-delà de ce montant, elles sont taxées à 20 % dans la limite d’un plafond fixé à 700 000 euros. Au-delà, elles sont taxées à 31,25 %. Ces taux sont inférieurs au barème des droits de succession.

En cas de versements effectués après 70 ans par le souscripteur, les sommes reçues par les héritiers sont imposées. Si les produits capitalisés sont exonérés, le montant qui correspond aux primes est soumis aux droits de succession dans les conditions normales après application d’un abattement de 30 500 euros.

Dans ce cadre fiscal attractif, l’assurance-vie permet via les unités de compte d’accéder à tous les types de placements. Le souscripteur peut placer dans le cadre de son contrat des parts d’organismes de placements collectifs, des actions en direct, des part de SCPI, des fonds obligataires… Il n’y a en la matière quasiment aucune limite. Avec des contrats luxembourgeois, il peut même gérer plusieurs devises.

Le rendement moyen des unités a été depuis 2012 en moyenne de plus de 7 % par an ce qui fait que l’assurance-vie comporte encore des marges de croissance même si cela passe par une modification des habitudes des épargnants qui ont ces dernières années opté pour la garantie en capital des fonds euros.

La meilleure alternative à l’assurance-vie reste, aussi étrange soit-il, l’assurance-vie. Les comptes titres sont très taxés, le PEA ne permet pas d’accéder à une aussi large gamme de produits que l’assurance-vie, les livrets ne rapportent plus rien et l’immobilier est cher et n’est pas à l’abri d’un retournement…

Quelles sont les conséquences directes des taux-bas sur les compagnies d'assurance ? Faut-il craindre un déséquilibre trop conséquent du secteur ? Quels en seraient les enjeux et comment pourrait-il éventuellement se réinventer ?

Les compagnies d’assurances doivent à tout moment être solvables et faire face aux rachats éventuels en provenance des souscripteurs de contrats. Cela signifie qu’elles doivent progressivement réduire le taux de rendement des fonds euros. Les pouvoirs publics les incitent à procéder aux ajustements nécessaires pour éviter d’être à terme en situation d’insolvabilité voire de non liquidité. Au Japon ou en Allemagne, les compagnies ont été mises en difficulté du fait de taux garantie trop élevés et déconnectés du marché. En France, le système des taux de rendement annuel est moins dangereux même si dans un marché très concurrentiel, les compagnies peuvent être tentées de retarder l’ajustement. Le problème ne provient pas exclusivement des taux bas. En effet, le plus dur pourrait intervenir au moment du retournement des taux. Dans ce cas, la valeur des obligations acquises par les compagnies baisserait fortement ce qui compliquerait l’équilibre actif/passif. Il convient de souligner que les compagnies d’assurance se doivent de respecter des règles prudentielles strictes visant à garantir qu’à tout moment ils puissent faire face à leurs engagements (Solvency II). Elles doivent posséder des fonds propres suffisants et peu sensibles permettant le financement des engagements qu’elles ont vis-à-vis de leurs clients. Sur ce point des crash test sont réalisés régulièrement par l’autorité de contrôle.

Il n’en demeure pas moins que l’assurance-vie après 30 ans de success story se doit de se réinventer. L’enveloppe fiscale demeure, la souplesse du produit aussi mais il ne fait pas beaucoup de doute que la répartition 80 % fonds euros 20 % unités de compte n’est pas tenable pour les épargnants à la recherche de rendement. La diffusion de la gestion par les robots advisers et des techniques aujourd’hui réservées aux traders devraient modifier le paysage de l’assurance-vie dans les prochains mois. L’assurance-vie est une source d’innovations importantes pour le secteur financier. Premier placement en volume et de loin, elle devrait conserver cette place pour longtemps au sein du paysage financier français.  

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