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Poutine prépare les nouveaux espions satellites de l'espace
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THE DAILY BEAST

La Russie travaille sur de nouveaux satellites de surveillance, plus perfectionnés. Mais les Américains ont une longueur d’avance, et même plus

David Axe

David Axe

David Axe est journaliste pour The Daily Beast.

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The Daily Beast - David Axe

L’armée russe se prépare visiblement à lancer une nouvelle génération d’astronefs espions high-tech.

Cela pourrait aider Moscou à atteindre la résolution jusqu’ici inégalée des "yeux sur orbites" américains. Mais la force spatiale américaine ne se repose pas sur ses lauriers. Tandis que la Russie se précipite pour rattraper les Etats-Unis sur un aspect particulier de la reconnaissance orbitale – l’imagerie de précision – les Etats-Unis préparent une sorte de "pas-de-côté" technologique qui pourrait conforter leur avance sur leurs rivaux dans la course à l’espionnage depuis l’espace.

Moscou prévoirait de lancer trois des nouveaux satellites Hrazdan – respectivement en 2019, 2022 et 2024. Télescopes orbitaux orientés vers la Terre, les Hrazdan remplaceront les deux satellites Persona russes actuellement en service.

Moscou a fini par beaucoup se reposer sur sa flotte spatiale pour soutenir ses déploiements militaires à l'étranger. Ses satellites espions, parmi lesquels les Persona, ont joué un rôle de premier plan dans l’intervention russe en Syrie, en aidant à repérer les cibles des bombardiers et des missiles de croisière russes.

Les Hrazdans sont construits autour d’énormes objectifs savamment élaborés. Alors que les Persona possèdent des objectifs de 1,5 mètre de diamètre, ceux des Hrazdans sont d’un diamètre supérieur à deux mètres, selon le journal russe Kommersant.

Les Persona suivent des orbites circulaires autour de la Terre à une altitude de 700 kilomètres. A cette altitude, les objectifs des vieux satellites leur offrent une résolution de 31 centimètres, a expliqué au Daily Beast Ted Molczan, un observateur amateur de satellites devenu expert spatial indépendant. En d’autres termes, chaque pixel de l’image représente une surface de 31 centimètres sur 31 centimètres.

A lire également sur notre site : Vous pensiez à la Syrie? La 3ème guerre mondiale pourrait plutôt commencer dans la Baltique (et on y entend justement de plus en plus de bruits de bottes)

A la même altitude, les Hrazdans surclasseraient de façon significative les Personas. Leur résolution pourrait atteindre 24 centimètres, selon Ted Molczan.

"C’est une amélioration importante des capacités russes", a déclaré au Daily Beast Brian Weeden, expert spatial à la Fondation Secure World dans le Colorado.

Mais tandis que la Russie investit dans l’amélioration de la résolution de ses satellites espions, les Etats-Unis travaillent dur pour optimiser leur propre flotte spatiale – et combiner leurs engins spatiaux avec des satellites commerciaux, en sous-traitance... C’est un tournant majeur pour l’armée américaine et le milieu du renseignement. Le Bureau national de reconnaissance des Etats-Unis (National Reconnaissance Office ou NRO), qui pilote les principaux satellites espion américains pour le compte de l’armée et des services de renseignement, peut obtenir des résolutions allant jusqu’à 7 centimètres avec ses satellites espions KH-11 Keyhole, dont les objectifs de 2,4 mètres de diamètre constituaient la base du fameux télescope Hubble de la Nasa.

Mais il y a un "loup". Les KH-11 suivent traditionnellement des orbites elliptiques qui plongent à 260 kilomètres et grimpent à 1000 kilomètres. A leur altitude maximale, la résolution des Keyholes tombe à 28 centimètres, détaille M. Molczan. C’est seulement au point le plus bas que les satellites américains peuvent prétendre à une résolution de 7 centimètres.

Les orbites elliptiques ne sont pas choisies par hasard. Elles permettent aux satellites d’alterner entre des vues d’immenses pans de la Terre en basse résolution et de plus petites zones en haute résolution. En coordonnant les orbites des KH-11 – il y en a quatre en service – le NRO peut maintenir une surveillance simultanée à différentes échelles.

Mais le NRO a manifestement un nouveau plan en tête, qu’il juge clairement meilleur. Il pourrait largement améliorer les capacités de reconnaissance spatiale des Etats-Unis, qui ne se contenteront plus de compter sur la fabrication d’objectifs toujours plus grands pour les générations successives de satellites espions.

Le NRO est en train de déplacer ses KH-11 sur des orbites plus basses, plus circulaires – il semble parti pour poursuivre ce plan de développement lors du lancement de la nouvelle génération de Keyholes en 2018. "Plusieurs éléments laissent à penser que la nouvelle génération de KH-11 pourrait adopter une orbite de 260 kilomètres par 500 kilomètres, qui permettrait de conserver la résolution maximale actuelle de 7 centimètres, tout en améliorant de façon appréciable la résolution globale tout autour de l’orbite", a précisé Molczan.

Cette nouvelle organisation créerait des failles dans la surveillance à grande échelle par rapport au schéma traditionnel. Mais le NRO a un plan, selon M. Molczan : "le travail de couverture de larges zones en basse résolution sera transféré à des satellites commerciaux".

Les entreprises privées telles que DigitalGlobe commercialisent de l’imagerie spatiale dont la résolution peut atteindre 30 centimètres, plafond actuel imposé par la loi américaine. D’après les informations fournies par Weeden au Daily Beast, ces entreprises possèdent aujourd’hui la technologie permettant de collecter des images satellites d’une résolution de 25 centimètres, sans pouvoir légalement les vendre aux particuliers.

Les satellites de DigitalGlobe orbitent à 770 kilomètres, non loin du pic d’altitude des H-11. Le NRO pourrait donc déléguer à DigitalGlobe - ou d’autres sociétés - les clichés basse résolution (25 à 30 centimètres) jusqu’ici générés par les Keyhole, et ainsi libérer les KH-11 pour les dédier à ce qu’ils font le mieux : prendre des clichés détaillés à très, très haute résolution.

En parallèle, le NRO perfectionne son infrastructure de communications satellite. Les satellites espions ne sont finalement rien d’autre que de simples appareils photo télécommandés. Pour utiliser leur imagerie, les analystes au sol doivent télécharger les clichés.

De façon directe, c’est uniquement possible lorsque l’engin spatial a dans sa ligne de mire une station au sol et peut lui transmettre un fichier digital. Mais, indirectement, le satellite espion peut aussi diffuser ses données à une constellation de satellites relais de très haute altitude – des "systèmes de données satellitaires" qui restent en contact permanent avec les contrôleurs au sol.

Les Etats-Unis font figure de leader mondial en matière de satellites relais – et pourraient être sur le point de faire une percée qui creuserait leur avance sur leurs rivaux. "Les Etats-Unis semblent investir bien davantage dans ce domaine que les Russes ou tout autre pays", note M Weeden. Le NRO ne divulgue généralement pas publiquement la nature exacte de ses lancements de satellites, mais Weeden et Molczan croient tous deux savoir que le dernier lancement, le 28 juillet, concernait un nouveau satellite relais.

Donc oui, les Russes développent de nouveaux satellites espions. Et ils semblent plutôt sophistiqués. Mais cela ne signifie pas que la Russie serait en train de doubler les Etats-Unis dans le champ de la reconnaissance spatiale. "D’après mes informations, les Etats-Unis disposent toujours d'un avantage assez conséquent au moins qualitativement, si ce n’est quantitativement", résume M. Weeden.

Cet article a été traduit par Julie Mangematin

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