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L'incroyable récit de l'écrivain américain qui révéla la vérité sur Hiroshima
©Reuters

Œuvre majeure

Quand John Hersey se rend au Japon fin 1945, il ne se sait pas encore que son récit de correspondant de guerre va retentir dans le monde entier.

Le titre de l'article était pourtant plus que lapidaire. Hiroshima de John Hersey est sorti le 31 août 1946, un an après le bombardement de la ville japonaise, marquant la capitulation du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale. Un texte relativement court et sans photos. Mais ces 31000 signes écrits par un des premiers journalistes étrangers à se rendre sur les lieux du drame ont changé à jamais la perception de cet évènement dans l'imaginaire collectif.

Hersey est né en Chine, de parents américains missionnaires protestants. S'il apprend à parler le chinois avant l'anglais, il retourne aux Etats-Unis à l'âge de 10 ans et étudie en outre à Yale et Cambridge. Il devient correspondant pour le Times en Asie, ainsi que pour le New Yorker. Il mène en parallèle une carrière d'écrivain. En 1944, son roman Une cloche pour Adano remporte d'ailleurs le prix Pulitzer.

Durant l'hiver 1945, le New Yorker l'envoie à Hiroshima et lui commande un article classique sur les immeubles détruits de la ville nippone. Mais le périple d'Hersey prend un tour inattendu. Au cours du voyage, il tombe malade et lit le livre Le Pont du roi Saint-Louis. Cet ouvrage de Thonrton Wilder dépeint de manière originale une tragédie au Pérou, sous forme d'histoires personnelles.

Hersey a une révélation : c'est comme ça qu'il devra écrire son article. Point de bâtiments éventrés, d'écoles en ruines et de chiffres dans tous les sens : juste des histoires sur la population locale. En se rendant dans les environs du bombardement, il découvre aussi le récit d'un prêtre jésuite et va lui rendre visite. Ce dernier va lui présenter alors plusieurs personnes. L'écrivain-journaliste propose à son éditeur un récit retraçant le destin de six survivants : le prêtre jésuite, un diacre, une veuve brodeuse; deux médecins, et une jeune employée d'usine.

Les rédacteurs en chef du journal se rendent comptent qu'ils tiennent de l'or entre les mains. A l'origine, Hiroshima devait être un feuilleton en quatre parties mais sera finalement condensé en un seule. L'article est peaufiné dans le plus grand secret et occupe toute la place dans le magazine : un honneur qui n'avait été jamais accordé, et qu'il ne l'a plus jamais été depuis. Quelques heures avant la publication, la direction du New Yorker effectue un coup de maître : une copie de l'article est envoyée à tous les grands quotidiens du pays. Conséquence : tous les éditorialistes en parleront dans leurs papiers du lendemain.

Quand le magazine sort, rien ne laisse présager de son contenu. Il n'y a rien de particulier sur la couverture, juste un dessin représentant des gens en train de profiter du soleil. Mais à l'intérieur, pas de rumeurs de la ville, de dessins ou de critiques. L'article débute rapidement. Au bas de la page, la rédaction ajoute une courte note ;

"A NOS LECTEURS. Le New Yorker accorde cette semaine tout son espace éditorial à un article traitant de l'anéantissement presque total d'une ville par une bombe atomique, et de ce qui devint des habitants de cette ville. Nous agissons ainsi avec la conviction que peu d'entre nous ont déjà compris le pouvoir incroyable de cette arme, et pour que chacun puisse réfléchir sur les terribles retombées de son utilisation". 

Les 300000 exemplaires se sont vendus à la vitesse de l'éclair, et l'article a été maintes et maintes fois republié. Albert Einstein aurait même souhaité en acheter 1000 copies pour ses collègues scientifiques. A l'époque on ne parlait pas encore de "buzz", "d'article viral", ou de Google Analytics. Mais le récit d'Hersey va avoir l'effet d'un ouragan. Peu à peu, dans le monde entier, il va être lu, commenté, analysé, débattu.

John Hersey n'a jamais oublié les personnages bien réels de son œuvre. En 1985, il est retourné au Japon pour écrire un récit sur le sort des survivants. Deux étaient morts, probablement des conséquences des radiations. Et pour beaucoup, ce papier est à l'origine du "Nouveau journalisme", en combinant la percussion du récit d'un correspondant de guerre et le style et le lyrisme du romancier. Avec cette oeuvre, le monde entier a sans doute effleuré la mesure de ce que l'arme atomique signifie, la puissance et les conséquences gigantesques du nucléaire. 

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