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Top départ pour Nicolas Sarkozy : la stratégie du "Blast" suffira-t-elle pour faire de l'ancien Président le candidat victorieux de la primaire ?
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Blitzkrieg médiatique

Alors que l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite et du centre devrait intervenir cette semaine, ses équipes entretiennent savamment un story telling maîtrisé du bout des ongles par l'ancien Président. Reste à savoir si ce sera suffisant pour franchir la ligne en premier.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Alors que Nicolas Sarkozy s'apprête à occuper l'espace médiatique toute cette semaine dans le cadre de l'annonce de sa candidature à la primaire de la droite, comment peut-il encore surprendre, lui dont tout le monde sait depuis longtemps qu'il se présentera ?

Jérôme Fourquet : Il y a effectivement un paradoxe avec ce secret de polichinelle pas très bien gardé. Pour autant, cet événement fait déjà l'objet d'une couverture médiatique importante (et cette interview le prouve encore une fois). Plusieurs ingrédients s'ajoutent ici.

Il y a d'abord un incontestable talent chez Nicolas Sarkozy, ses communicants et ses conseillers, pour occuper l'espace médiatique même sans grande nouveauté à annoncer : faire monter la pression, distiller des semi-confidences par bribes dans la presse, se jouer de l'attention médiatique et du calendrier pour griller la politesse à ses concurrents, etc. Nous sommes globalement dans le commentaire du commentaire. Il ne se passe pas grand-chose mais il faut occuper l'espace. Je ne suis pas forcément convaincu que cela passionne outre-mesure les Français, mais force est de constater qu'il y a une certaine réussite vis-à-vis de la sphère politico-médiatique.

Par ailleurs, nous sommes en pleine période de trêve estivale, avec une actualité politique pas très chargée, ce qui est propice à ce genre de manœuvres.

Sur le fond, on sait qu'il va être candidat. Sur son positionnement, il ne faut pas s'attendre à une révolution copernicienne. Nicolas Sarkozy est dans le paysage politique depuis 30 ans, il a été président de la République pendant 5 ans, ministre de l'Intérieur pendant plusieurs années avant… Les Français le connaissent donc bien. Ce lien avec les Français est sans doute aussi l'un des ingrédients qui expliquent l'attention politico-médiatique autour de sa candidature, car il ne laisse pas indifférent. On l'a vu à la sortie de son livre lors de ses déplacements promotionnels, on le voit également dans les audiences de certaines émissions : Nicolas Sarkozy continue de ne pas laisser indifférent, et d'avoir derrière lui un "fan club", un groupe assez important d'électeurs, de militants ou de sympathisants, qui soutiennent sa candidature et attendent son retour.

Face à cela, dans le même temps, il y a toute une partie de l'opinion publique – y compris des électeurs de droite – qui ne veut plus entendre parler de lui, qui estime qu'on l'a trop vu, qu'il n'a rien retenu de ses erreurs et que ses traits de personnalité irritent une partie de l'électorat français.

C'est cette conjonction entre sa capacité à capter l'attention et à irriter toute une partie du corps électoral qui fait de cette annonce attendue un évènement politique.

Selon certains de ses conseillers, Nicolas Sarkozy devrait annoncer cette semaine des propositions très fortes. A quoi pourrait-on s'attendre ? Dans quel(s) domaine(s) Nicolas Sarkozy pourrait-il être tenté de frapper fort ?

On est ici en pleine illustration de ce que l'on vient d'évoquer. Tout cela fait partie de sa stratégie de teasing : on ne sait pas ce qu'il va se passer, mais on dit aux journalistes que ça va être quelque chose de décoiffant. Ils ont le chic pour trouver des expressions, là apparemment il y aura un effet de "blast". Rappelez-vous, on avait déjà expliqué lors de son retour en politique qu'il était sur la bretelle d'accès à l'autoroute et que plus personne ne pourrait le rattraper quand il serait dessus... Il y a en permanence le story telling d'un candidat très énergique, très déterminé, très puissant. Il affectionne beaucoup ce registre lexical qui lui correspond assez bien. C'est une guerre psychologique pour tétaniser ses adversaires et mobiliser l'attention des médias. C'est un énième épisode de ce story telling-là.

Par ce qu'il a déjà avancé, on peut subodorer un discours sans concession en matière régalienne (immigration, identité nationale, place de l'islam en France, sécurité, lutte contre le terrorisme, etc.). Il est bien entendu servi par une actualité très porteuse de ce point de vue-là : attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray, polémique sur le burkini, rixe à Sisco en Corse, etc. Tout cela crée un climat qui met ces thématiques-là au centre du jeu, et Nicolas Sarkozy est pleinement décidé (comme en 2007 et en 2012) à renverser certains tabous et aller très loin sur ce sujet-là pour capitaliser et se distinguer.

En attendant ces annonces, certains lieutenants distillent ce message par petites phrases, en disant que le "boss" est de retour. Si vous reprenez ses éléments de langage en 2007 et 2012, vous vous apercevrez qu'il y avait déjà eu ce genre d'attitudes. Et c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes.

La personnalité très clivante de Nicolas Sarkozy est parfois perçue comme une faiblesse pour sa candidature. En quoi pourrait-elle également être une force, dans la mesure où beaucoup à droite se positionnent aujourd'hui en fonction de Nicolas Sarkozy, que ce soit pour ou contre, et non pas en fonction d'un Alain Juppé par exemple ?

C'est vrai, même Alain Juppé lui-même et ses lieutenants réagissent en partie en fonction de Nicolas Sarkozy. Là aussi, on constate une maîtrise très pointue du calendrier et de la mécanique médiatique dans les équipes de Sarkozy. En 2007 déjà, voire un peu avant quand il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy se targuait de faire l'agenda : il pose des éléments de discours dans le débat, et c'est autour de mes prises de position que s'articule le débat, que ce soit chez ses amis, chez ses rivaux, chez les médias ou les intellectuels.

Cela a été reconnu très clairement par Benoist Apparu, l'un des principaux lieutenants d'Alain Juppé. Après les attentats de cet été, il avait reconnu explicitement que Nicolas Sarkozy n'avait pas son pareil pour se placer au centre du jeu. Il y a un talent et un savoir-faire incontestable, aidés par un contexte qui le favorise : la menace terroriste lui permet de déployer ses talents avec encore plus d'efficacité qu'à l'accoutumée.

Si l'on regarde comment ont évolué les rapports de force de la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy a commencé à reprendre du terrain sur Alain Juppé dès le printemps dernier à l'occasion des violences en marge des manifestations contre la loi Travail. Déjà à l'époque, il avait fait des déclarations à l'emporte-pièce (la fameuse "chienlit"), marqué des points et suscité de l'intérêt. On peut penser que la séquence terroriste de cet été lui a encore davantage bénéficié. Il s'est mis au centre du jeu en réagissant le premier, en trouvant les mots justes pour exprimer ce que ressentaient les Français.

Maintenant, on ouvre une autre séquence : le story telling autour de l'annonce du retour de la star. Pour entretenir ce suspense, on nous dit qu'on va voir ce qu'on va voir, on parle de "blast", etc. Tout cela pour capter l'attention des journalistes et des électeurs de droite, tétaniser ses concurrents à droite et les pousser à se positionner en fonction de lui. Notons ici l'importance du choix des dates, avec un calendrier savamment étudié pour griller la politesse à tel ou tel et essayer d'occulter les rentrées médiatiques de ses concurrents.

Quels sont les éventuels écueils à éviter et les obstacles qui pourraient se dresser sur la route de Nicolas Sarkozy (révélations, affaires, etc.) ?

Ce ne sont pas tellement des obstacles mais des questions indépendantes de sa volonté. Est-ce Patrick Buisson publiera ou non un livre ? Cela ne dépend pas de Nicolas Sarkozy. Est-ce que la machine judiciaire prendra des décisions et fera des annonces avant ou pendant la campagne ? Idem.

La question qui se pose, c'est de savoir si tout ce que l'on a dit précédemment serait suffisant pour remporter la primaire ? Ce n'est pas parce que vous retenez l'attention et que vous êtes au centre du jeu que vous gagnez. Un certain nombre d'épées de Damoclès pèsent encore sur sa campagne. On regardera aussi comment se comportent ses adversaires. Et enfin, il ne faut pas oublier que sa personnalité clivante marche dans les deux sens ! Y compris à droite, une frange de l'électorat ne veut plus entendre parler de Nicolas Sarkozy, pensant qu'il n'a pas changé, qu'il a beaucoup promis en vain lors de son précédent mandat, etc. Tout ce passif demeure. Quand on fait des enquêtes sur les personnalités que les Français veulent le moins voir se présenter en 2017, François Hollande bat des records, mais Nicolas Sarkozy n'est pas trop loin derrière non plus, avec en filigrane le complexe du perdant qui se représente…

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