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Vacances, j’oublie tout : les 5 endroits les plus sauvages de France
©Reuters

Vraies vacances

Passer des vacances sans son patron, ses amis ... voire sans être humain et en face à face avec la nature ? Beaucoup en rêvent, mais les territoires pour anachorètes du XXIe siècle ou adeptes d'Into The Wild se font de plus en plus rares en France. Voici un petit guide pour rêver malgré tout.

Michel Goussot

Michel Goussot

Professeur Agrégé de Géographie
Maître de Conférence à Sciences Po Paris. CERI. A écrit Espaces et territoires aux Etats-Unis (2004).

 

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Notre Top 5 des espaces "sauvages en France"

1.Le village le moins peuplé : Rochefourchat dans la Drôme

By Fabrice Blache, and original uploader was Fabrice.blache at fr.wikipedia [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/)], via Wikimedia Commons

Deux habitants dont aucun qui n'habite véritablement sur place à l'année. Situé en plein dans le département de la Drôme, c'est ce qui se rapproche le plus d'un espace isolé et tranquille s'il on n veut pas quitter totalement la civilisation. Evidemment, ce n'est pas un espace "sauvage". Les voitures passent et on est à quelques kilomètres de plusieurs villages et bourgs, dont celui de Die. 

2.Un passage au désert ? Les Agriates en Corse

Par Pierre Bona — Travail personnel

Situées entre la Balagne à l'ouest et la ville de Saint-Florent à l'est, les Agriates forment un territoire aride et chaud que bordent la mer Méditerrannée au Nord et le massif du Cinto, sommet de l'île, au Sud. On l'appelle souvent désert, même si ce nom est usurpé : Agriates vient de "agraire", preuve qu'il s'agit malgré tout d'une terre de culture. S'il n'y a plus d'activité agricole céréalières aujourd'hui, le territoire, qui ne compte qu'un seul hameau, Casta, est recouvert du traditionnel maquis, et de ses essences habituelles (arbousiers, myrtes, cistes, oliviers, chênes verts, bruyères) ainsi que de quelques pins maritimes plantés au XXe siècle.

Le climat des Agriates se caractérise par des températures très élevées pendant la période estivale, du fait de vents secs et chauds. Les précipitations sont souvent orageuses et plutôt rares. 

3.Perdu dans la forêt vierge : La Guyane

© Michaël Delorme

Avec une densité de 3 habitants au kilomètre carré, la Guyane est le territoire français le moins densément peuplé. La population se cantonnant essentiellement sur le littoral, elle laisse inoccupée une large bande de terre recouverte par la forêt amazonienne. 

La forêt amazonienne, forêt primaire, s'étend sur 70 000 km2 et est protégée par un parc naturel et six réserves naturelles. Des populations indigènes continuent à vivre dans ces terres, à la frontière avec le Brésil. Seuls les orpailleurs (ou chercheurs d'or) menacent aujourd'hui cet espace très préservé.

4.Into the Wild : L'île de Kerguelen

B.navez - Kerguelen - 1983

L'Océan Indien au nord, et pas une île ou un continent. 7500 km2 de terre, soit presque la superficie de la Corse, surplombés par un sommet enneigé, le Mont Ross, qui culmine à 1850 mètres. 45 habitants en moyenne à l'année, soit une densité de population de 0,01 au kilomètre carré. Et ces 45 habitants sont tous concentrés à Port-aux-Français, la base navale et scientifique de l'île.

Sur le reste du territoire, plus de trace de l'homme. Seulement des oiseaux et des landes désolées. Les températures ne sont pas idéales, le vent souffle fort, et il est difficile de s'y rendre et d'en partir ! Mais l'objectif concernant à trouver un territoire sauvage est presque atteint.

5.Seul au monde : La Terre Adélie

0 habitant au kilomètre carré. Ou presque. Ils sont généralement 38 à résider à la base française de Dumont d'Urville. Pour 432 000 km2 de terres antarctiques.

Le territoire français le plus sauvage, c'est bien lui. 

Avec un climat caractérisé par de très basses températures et de très violents vents parfois de type blizzard (chargés de glace). A la base Dumont d'Urville, la température oscille entre -1 et +7 °C pendant l'été (en janvier) et descendent en dessous de -15 pendant l'hiver austral (en juillet août).

Mais en dehors de ces espaces extrêmes, existe-t-il vraiment des espaces sauvages en France ? Et comment les gère-t-on dans un monde où l'homme occupe de plus en plus de terrain ? Nous avons posé quelques questions à Michel Goussot, géographe.

Tout d'abord, peut-on encore trouver de véritables espaces "sauvages" en France ? Qu'est-ce qu'on entend quand on parle de tels espaces aujourd'hui dans l'Hexagone ?

Michel Goussot : L’idée même de "véritables espaces sauvages" renvoie à une représentation assez récente, alors qu’elle est beaucoup plus ancienne aux États-Unis, où le concept de "wilderness" (littéralement : vie sauvage) s’était imposé dès le 19è siècle accompagnant une politique volontariste de préservation des espaces dits "naturels". En France, le terme "sauvage" fait écho avec celui d’espace naturel, n’ayant pas subi d’empreinte anthropique, ni de "dénaturation". La question reste de savoir si l’expression "véritables espaces sauvages" pourrait signifier quelque chose de palpable et de réel ou si ce n’est, au fond, qu’une expression à la mode et au service des acteurs de l’aménagement des territoires ou du tourisme. L’espace sauvage fait-il aujourd’hui rêver ? Existe-t-il vraiment en France ? Disons, pour faire simple, que tout un chacun aimerait trouver ici ou là des "espaces sauvages", histoire de voir ce que c’est. Mais il faut être clair : il n’existe aucun espace "sauvage" dans la France d’aujourd’hui, sauf à considérer que toute réserve naturelle – Samuel Depraz les définit comme des "sentinelle de la biodiversité" - ou tout espace "protégé" est redevenu "sauvage". Dans une certaine mesure, à l’exception de quelques espaces de nos départements et régions d’outre-mer (DROM), tout lieu dans l’hexagone est connu et taxer de "sauvage" tel ou tel espace marécageux ou de très haute montagne relève de l’hypocrisie et de l’imposture. En effet, depuis le 19è siècle, on serait plutôt dans une "nature imaginée et imaginaire"  que dans une "nature domestiquée", puisque la "nature" est apportée en ville (thème de "Rus in Urbe") , un espace par définition non naturel. Plus récemment, on a voulu inscrire la "nature sauvage" dans les politiques d’aménagement des territoires : valorisation des friches et des espaces temporaires capables d’abriter une faune et une flore plus riches que les simples espaces verts; on crée ainsi des jardins "moins fortement gérés" où on laisse l’herbe folle pousser, on est attentif aux "corridors" et "couloirs" verts qui "laissent leur chance aux espèces animales et végétales". 

Le thème de la « nature sauvage » est certainement un héritage de Rousseau en tant que source d’émotions et besoin spirituel, lieu utopique du « bon sauvage », représentations liées aux débuts de la révolution industrielle : celles d’une nature rassurante à partir de ses paysages. La Naturphilosophie de Shelling, le « Livre de la Nature » de Ritter, les réflexions d’Alexandre de Humboldt dans Kosmos (récit de ses expéditions en Amérique du Sud dans les années 1880) contribuent à magnifier la nature sauvage, mais dans une démarche dualiste où l’homme s’oppose à la nature qui constitue une sorte de miroir symbolique et esthétique des perfections humaines ; infini des éléments contre la prison sensorielle du corps, pureté originelle et atemporelle de la nature contre la capacité de destruction des hommes (influence ensuite de la psychanalyse) ; silence et harmonie de la nature ; couleurs et air pur contre air pollué des villes

La nature devient en quelque sorte "une partenaire incontournable" des aménageurs des territoires, dans le sens de la durabilité et de l’environnement. Seraient ainsi des espaces "sauvages" tous les lieux inaccessibles de facto, tels que la haute montagne, quelques littoraux dits "préservés", les réserves ornithologiques marines ou de nappes d’eau continentales, voire des massifs forestiers épais et densément arborés. Mais là encore, si les plus hauts massifs Alpins ou Pyrénéens apparaissent pour tout un chacun "sauvages", la présence de refuges par exemple les rend au final beaucoup moins sauvages ; la Mer de Glace est-elle encore un espace "sauvage" quand on dénombre des milliers de personnes à s’y aventurer chaque été ? Certaines vallées Pyrénéennes sont devenues des "déserts humains" et semblent très "sauvages". Il en va de même de nombre de ces espaces de la "diagonale du vide", à l’image des hauts plateaux Bourguignons. La notion "d’espaces sauvages" correspond donc à des échelles du territoire multiples, contrastant avec d’autres, pourtant situés dans des régions montagneuses et fortement humanisées. Les différentes politiques d’aménagement des territoires ont pu privilégier des espaces autrefois "sauvages" pour en faire, à travers l’aménagement des pentes enneigées et la construction d’innombrables stations de sport d’hiver humaniser et anthropiser excessivement des lieux d’altitude élevée, posant la question de la dénaturation de ces espaces : va-t-on faire du ski pour s’aventurer dans des espaces sauvages ? Rien n’est moins sûr, la glisse étant certainement le but premier des adeptes des sports d’hiver ! 

Les réserves naturelles

En France, les "réserves naturelles" seraient, selon Samuel Depraz, des sortes de "sentinelles" de la biodiversité, créées dans les années 1930 pour protéger des sites à haut caractère scientifique, puis en 1957, la loi sur les "réserves naturelles" précise que ce sont des espaces dédiés "à la conservation des milieux naturels" : le texte de 1957 va très loin, puisqu’il prévoit l’expropriation autoritaire des propriétaires de ce qui peut être classé comme tel. La loi de 1976 crée les Réserves Naturelles Volontaires – RNV –  constituées sur des terrains privés, mais avec concertation obligatoire. Depuis 2002, les réserves naturelles sont devenues des Réserves Naturelles Nationales –RNN – sous contrôle de l’État, auxquelles s’ajoutent les Réserves Naturelles Régionales –RNR – avec un cas particulier pour la Corse (RNC). On compte 140 RNN, 171 RNR/RNC en métropole couvrant 239 000 has et 21 000 has, c’est donc modeste, la plus petite étant la Réserve Géologique du Toarcien avec 0,6 has, la plus grande étant celle des Hauts Plateaux du Vercors avec 16 600 has. Dans les DROM, les forêts tropicales et les mangroves entrent dans 18 RNN et 3 RNR dont certaines sont très vastes comme celle des Nouragues couvrant plus de 100 000 has. 

Si on part du principe qu'ils s'agit d'espace où l'homme ne réside pas ou n'a pas d'activité agricole, quels sont les espaces les plus "isolés" de notre pays, et qu'est-ce qui garantit leur isolement ?

Certes, nombre d’espaces en France métropolitaine ne sont pas habités, ni cultivés car entrant dans un schéma d’aménagement volontariste d’exclusion des activités humaines, ou parce que s’imposent de réelles contraintes (pente, englacement permanent de haute altitude, inaccessibilité…).  La notion d’isolement en soi paraît dans un pays très avancé comme la France assez ténue et ambiguë. Les espaces "isolés" ne l’ont pas toujours été et restent le plus souvent la conséquence d’une déprise humaine qui a commencé dès le 19è siècle et qui a vidé de ses habitants des lieux auparavant exploités et attractifs ; des espaces vraiment sauvages seraient donc avant tout très répulsifs pour toute implantation humaine. L’isolement peut être le résultat de la politique globale d’aménagement des territoires commencée dans le cadre de la DATAR en 1963 et qui a privilégié par une nouvelle géographie de la mobilité des espaces au détriment d’autres ; on assisterait donc à une sorte "d’ensauvagement" de lieux par effets induits surtout économiques. La création des Parcs Naturels Nationaux et Régionaux (PNN et PNR) il y a plus de 50 ans résulte à la fois de la volonté de préserver une nature "sauvage" à la flore et à la faune typiques et dont on souhaite au préalable exclure l’Homme. Mais la France, à la différence d’autres États, autorise, dans une certaine mesure, le parcours de ces espaces très protégés par des marcheurs et autres randonneurs, à la condition que ceux-ci respectent la "nature" (interdiction de cueillir des fleurs par exemple) originelle. Quant à mettre en avant le caractère "sauvage" de tel ou tel espace, ne s’achemine-t-on pas vers une représentation fortement négative ? Dans les espaces insulaires Réunionnais ou Antillais, le volcanisme actif revêt de facto une représentation d’espace sauvage, mais également à risques élevés pour celui qui s’y aventurerait ; il en va de même pour la tropicalité de ces îles qui déroute les métropolitains habitués au climat tempéré dominant ; ici l’isolement est le résultat d’une répulsivité "naturelle" qui, certes, donne lieu à de belles images de carte postale, mais sans plus. 

Qui dit espace sauvage dit souvent espace hostile : existe-t-il des espaces de ce type en France où il est difficile de passer plus de quelques temps ? Quelle est l'importance de ce types d'espaces en France ?

Tout espace dit "sauvage" serait par définition hostile et répulsif. Dans un pays très avancé comme la France, on aménage tout et il ne serait pas question de faire courir le moindre risque à des "aventuriers". Certaines émissions de télé-réalité ont pu lancer la mode de raids dans des espaces dits sauvages, mais c’est toujours loin de la France !

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