Mères au bord de la crise de nerf, il n’y pas qu’au cinéma que les mamans pètent les plombs<!-- --> | Atlantico.fr
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Les mères actuelles sont peu accompagnées, contrairement à ce que l'on imagine. Elles ont peu de soutien : elles ne peuvent plus compter sur les grands-mères aussi facilement, la famille n'est plus source d'appui véritable.
Les mères actuelles sont peu accompagnées, contrairement à ce que l'on imagine. Elles ont peu de soutien : elles ne peuvent plus compter sur les grands-mères aussi facilement, la famille n'est plus source d'appui véritable.
©Allociné / STX Entertainment

Bad moms au cinéma

Ce mercredi sort "Bad moms", un film dans lequel des femmes épuisées par leur rôle de "mère parfaite" décident du jour au lendemain de faire des doigts d'honneur et d'écouter du hard rock. Ce film traduit un phénomène bien réel : celui des mères courant après la perfection, faisant toujours plus pour leurs enfants et qui, du fait de cette pression imposée par la société (et par elles-mêmes), s'oublient et craquent.

Pascal Anger

Pascal Anger

Pascal Anger est psychologue, psychanalyste, psychothérapeute, sexothérapeute, systémicien et médiateur familial.

Il est également chargé de cours à Paris VII. 

Il est l'auteur de Le couple et l'autre, livre publié aux éditions l'Harmattan.

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Atlantico : Ce mercredi, sort dans les salles le film "Bad moms", qui traite de ces mères "épuisées" par leur rôle de mère et qui décident du jour au lendemain de faire des doigts d'honneur et d'écouter du hard rock. Est-ce un phénomène réel ?

Pascal Anger : Evidemment ce phénomène de mères plus que parfaites existe. Celles qui font tout et toujours plus pour leurs enfants : elles se renseignent sur les produits bio, sans gluten, et autres. Elles vont aussi s'intéresser à ce qui concerne la médecine et tout ce qui peut faire du bien à leurs enfants. Elles vont passer des heures voire des jours à chercher ce qui peut être bien, et surtout mieux pour leur enfant, dans tous les domaines, notamment la santé.

Souvent, malheureusement, ces mères craquent car elles n'ont plus suffisamment de temps pour elles. Elles ont besoin d'un certain narcissisme, d'un retour. Elles ont besoin qu'on leur dise qu'elles sont de bonnes mères. Et qu'elles sont aussi des femmes. En prenant soin de leurs enfants, elles oublient d'être des femmes. 

En outre, les mères actuelles sont peu accompagnées, contrairement à ce que l'on imagine. Elles ont peu de soutien : elles ne peuvent plus compter sur les grands-mères aussi facilement, la famille n'est plus source d'appui véritable. Elles se sentent un peu seules au monde dans l'éducation des enfants avec des maris affairés dans leur travail. C'est pour cela qu'elles craquent.

Qu'est-ce que cela montre de notre société ?

Cela montre la solitude de ces mères dans une société actuelle toujours dans l'intensif et dans l'excellence. On parle beaucoup de communication et en même temps, on se rend compte que les mères n'ont jamais été aussi stressées. Quelles sont celles qui aujourd'hui ont le temps d'aller chercher leur enfant à la sortie de l'école à 16h30 et de lui amener un petit pain au chocolat ?

En effet, aujourd'hui, on jongle avec des emplois du temps avec parfois plusieurs employeurs, où on court après les transports en commun, on court après TOUT. Du coup, pour rattrapper ce temps consacré à courir, on va vouloir donner du "parfait" à ses enfants. D'ailleurs, l'enfant n'a jamais été aussi grandement considéré. C'est fou ce que l'on dépense pour nos enfants comme temps, comme énergie et comme argent !

L'enfant, aujourd'hui est une valeur presque inestimable.

Comment les femmes réussissent-elles à jongler aujourd'hui entre l'injonction d'être de bonnes mères et de réussir professionnellement ?

Elles font comme elles peuvent. Et beaucoup craquent à un moment donné. Elles craquent parce qu'elles n'ont pas su ou oser crier : "Au secours ! Je n'en peux plus". En effet, prononcer cette phrase serait reconnaître qu'elles ne sont les super-woman que l'on attend qu'elles soient. Elles craquent comme je l'ai dit car elles se sentent isolées, mais aussi pressurisées. Il faut qu'elles soient jolies également. On leur demande beaucoup, et surtout TROP. On se demande tous, hommes et femmes, beaucoup trop. Il faudrait dire "stop". 

D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que beaucoup de gens, à la cinquantaine, refont des mises au point, certains des crises, en se demandant : "Qu'est-ce que c'est que cette course ? Après quoi court-on ?" Et revisitent leur vie et décident de se calmer. Cela correspond souvent à l'adolescence des enfants, où lorsqu'ils vont avoir 15-16 ans, leurs parents se demandent s'ils vont courir ainsi toute leur vie.

On remet des prix d'excellence. On ne leur fait pas de cadeaux à ces mères qui travaillent, notamment quand l'enfant est malade, quand il y a des imprévus et les mille choses qui doivent être faites. Il faut qu'elles répondent présentes. Il leur faut donc en plus d'être des mères parfaites, réussir leur carrière : elles doivent être dans la perfection à tous les endroits. Du côté des hommes, malgré tout, statistiquement parlant, cela a peu évolué, au niveau des tâches ménagères et du temps consacré aux enfants. 

Existe-t-il tout de même le même phénomène chez les pères ?

Oui, cela concerne tout le monde : on court tous après la forme, tout ce que l'on montre dans les magazines ou à la télévision, où on valorise la jeunesse et la beauté. Il faudrait presque être la "famille Ricorée" tous les jours de l'année. Ce n'est pas possible. 

Mais, même si les moeurs ont évolué, notamment du côté éducatif, on en demande moins aux hommes au niveau de leur rôle de père. L'homme est plus celui qui doit gagner sa vie, qui doit être performant au niveau professionnel. Cela n'a pas changé fondamentalement, on reste dans les mêmes schémas.

Propos recueillis par Marie-Eve Wilson-Jamin

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