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Vous aimiez le jour de libération fiscale ? En ce 29 juillet, vous allez adorer le jour de la libération administrative
©Reuters

Délivrance

Alors que ce vendredi 29 juillet marque le jour de libération fiscale selon l'institut Molinari (jour où les Français commenceraient à travailler désormais pour leurs propres dépenses et non plus pour payer taxes ou cotisations), le vrai combat à mener est peut-être à chercher du côté d'un certain jour de "libération administrative".

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Selon une étude de l'institut Molinari, ce vendredi 29 juillet est le jour de libération fiscale des salariés français, qui travailleraient désormais pour leurs propres dépenses et non plus pour payer taxes ou cotisations. En France, si la fiscalité est lourde pour les entreprises, le poids écrasant des règles et normes de l'administration est souvent critiqué par les entrepreneurs. Peut-on imaginer ainsi un "jour de libération administrative", où les entreprises travailleraient désormais pour leur activité, et non plus pour leurs nombreuses tâches administratives ?

Eric Verhaeghe : Comme toujours, la question n'est pas de savoir s'il y a trop d'impôt, mais de savoir à quoi il sert réellement. La Cour des Comptes a récemment rendu un rapport sur l'existence de 233 impôts pour les entreprises, dont un nombre important rapporte très peu d'argent. Voilà qui constitue un indice sérieux sur le mal français. Comment voulez-vous que les entreprises se satisfassent d'une extrême complexité qui ne sert à rien ou qui n'apporte rien ? Dans n'importe quel système rationnel, l'Etat prendrait sur lui de simplifier la fiscalité pour que les entreprises ne perdent pas un temps précieux à répondre à des centaines de questionnaires incompréhensibles et à l'utilité économique très faible. Bref, l'enjeu est aujourd'hui d'expliquer à quoi sert l'impôt et d'en suivre la performance économique. Un chef d'entreprise peut être satisfait de payer l'impôt s'il perçoit que celui-ci finance des services publics efficaces et à l'écoute. S'il perçoit que cet argent sert à financer des gabegies, des services qui pénalisent les entreprises et qui les enfoncent, il ne peut évidemment donner son approbation. Et c'est bien le sujet aujourd'hui : personne ne perçoit clairement l'efficience des services de l'Etat, ni celle des collectivités. A titre d'exemple, je me souviens d'avoir songé un jour installé une entreprise en région. Quand j'ai demandé combien de temps il me faudrait pour accéder aux locaux proposés par le conseil régional, les délais de passation des marchés publics m'ont montré que c'était rigoureusement incompatible avec le calendrier d'une entreprise.

Si la mise en place du compte pénibilité a été critiquée récemment par le patronat pour sa complexité administrative, il semble qu'il en soit de même pour le prélèvement à la source. Une étude KPMG auprès des chefs d'entreprises (voir ici) indique ainsi que plus de la moitié d'entre eux s'inquiètent de ce dispositif, pointant du doigt sa complexité administrative. Au-delà de la question de la fiscalité, le poids de l'administration fait-il de la France un bon endroit pour développer son entreprise ?

Sur ce dossier, les pouvoirs publics ont vendu du vent. D'une part, ils ont oublié de dire que le prélèvement à la source ne signifiait pas le calcul du montant dû à la source. Autrement dit, prélever l'impôt sur le salaire ne dispense jamais d'une déclaration annuelle de ressources. Pour les Français, le passage au prélèvement à la source n'aura donc pas les résultats escomptés. Il ne changera pas grand chose par rapport à la mensualisation. Pour les services de l'Etat, le bénéfice sera à peine plus grand. En revanche, cette pseudo-réforme qui montre toute sa vacuité pèsera lourd dans le fonctionnement des entreprises. Par rapport au prélèvement mensualisé, elle reportera la charge de la collecte sur les entreprises. C'est évidemment une très mauvaise idée, puisque, en contrepartie, les entreprises n'auront rien. Autrement dit, on procède à un allègement des charges de l'Etat, à leur transfert vers les entreprises, à budget et imposition constants. Cette opération montre que la tendance naturelle des services publics consiste à réglementer de plus en plus en déportant sans cesse vers les entreprises les charges que les fonctionnaires n'ont plus envie d'assumer. Tôt ou tard, le tissu économique français paiera au prix fort ce délestage permanent sur les entreprises.

Est-il vraiment possible de remédier à cette situation dans notre pays ? Est-ce une question de choix politiques, de culture étatique, de fonctionnement des entreprises, etc. ?

Historiquement, la France connait un perpétuel va-et-vient sur la pression fiscale et sur l'impôt direct plus particulièrement. Dans certaines périodes, la fiscalité se complique, en d'autres elle se simplifie et s'allège. De manière générale, la France répugne à lever des impôts directs, et tend à créer des impôts indirects de plus en plus compliqués pour financer les dérapages réguliers des finances publiques. Souvenez-vous de Philippe le Bel, au début du 13ème siècle, qui impose lourdement les banquiers, puis les Templiers, pour regarnir le Trésor royal. Souvenez-vous des désordres fiscaux de l'Ancien Régime, qui finissent par une belle Révolution. On ne dit probablement jamais assez que la première explication de 1789 tient, factuellement, à la complexité fiscale, à l'augmentation de la pression fiscale, et surtout aux erreurs stratégiques de celle-ci : beaucoup d'impôts pour certains, très peu pour d'autres. L'histoire montre qu'un régime peut fortement augmenter les impôts ou en créer de nouveaux, mais peut difficilement les baisser fortement ou en diminuer le nombre. Il y a une sorte d'effet cliquet dans la fiscalité : quand un régime crée des impôts, il peine à les supprimer. Autrement dit, les entreprises doivent comprendre que leur intérêt est d'obtenir un changement de régime, probablement un peu soudain. Lui seul est capable de produire une révolution fiscale. 

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