En Algérie, pour se faire soigner, mieux vaut avoir un parent médecin ou beaucoup d’argent<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour un médecin spécialiste qui choisit de rester auprès de ses malades algériens, combien cèdent aux opportunités alléchantes venues de l’étranger, et notamment des pays du golfe Arabique?
Pour un médecin spécialiste qui choisit de rester auprès de ses malades algériens, combien cèdent aux opportunités alléchantes venues de l’étranger, et notamment des pays du golfe Arabique?
©Reuters

Bonnes feuilles

"La santé est malade", affirme d'emblée l'auteur, qui a fréquenté nombre de membres de gouvernement et de dirigeants d'associations de malades à l'échelle de la planète. Aujourd'hui, sans animosité mais sans concession, il livre un constat sur la santé, ses avancées et ses injustices. Il dénonce les limites à l'accès universel aux soins et la difficulté d'accéder aux diagnostics et traitements innovants. Il critique tant les gouvernants sans vision à long terme que les Big Pharma. Extrait de "Au secours notre santé est en péril !", de Mohand Sidi Saïd, aux éditions Presse du Châtelet 1/2

Mohand Sidi Saïd

Mohand Sidi Saïd

Né en Algérie dans une famille pauvre, orphelin très jeune, Mohand Sidi Saïd, féru de lecture, est décidé à vaincre la pauvreté. Il étudie à l'IAE (Aix) et à Carnegie Mellon à Pittsburgh. Pendant près de 40 ans, il travaille au sein du groupe Pfizer, à New York, dont il finit vice-président. Depuis sa retraite en 2005, il aide à l’émergence de jeunes entrepreneurs dans les banlieues (fonds d'investissement social à Mantes-la-Jolie) et soutient l'association SOS Villages d'Enfants. On lui doit un récit autobiographique, L’Esprit et la Molécule (Genèse Éd., 2012).

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Malgré des études "en pointillé" – car souvent interrompues par la guerre d’Algérie – j’envisageais d’être avocat. Mais une rencontre fortuite dévia complètement le cours de mes aspirations: je me retrouvai employé d’un laboratoire pharmaceutique. J’avais tenté de la fuir dans le droit et la justice, mais la santé m’avait rattrapé. Car mon laboratoire allait devenir en quelques années une multinationale du médicament, dont les succès nombreux la hisseraient au sommet de son secteur et de l’industrie en général.

Je me mis donc à étudier des planches d’anatomie, des cours de bactériologie et les caractéristiques des maladies infectieuses. Et toute ma vie professionnelle, je l’ai passée sur les cinq continents, loin des tribunaux et des prétoires, à lutter contre les maladies les plus variées, comme pour venger mes parents. Mon niveau de responsabilité dans l’entreprise m’a permis de prendre de la hauteur sur la situation de la santé ici et là. Et ce que j’ai vu, dans ces multiples voyages, c’est que la bonne santé, ce don du ciel chéri par tous, est très imparfaitement répartie d’un peuple à l’autre et d’un continent à l’autre.

Pour dénoncer cette terrible réalité, je commencerai par une anecdote personnelle survenue en Algérie.

La Kabylie est réputée pour ses montagnes sublimes. C’est là que je suis né, c’est là que les miens sont enterrés, c’est encore là que j’ai connu le froid, la misère, le chagrin, parfois le désespoir, avant que le destin ne me projette dans la lumière. De grands événements de la vie, le décès d’un ami ou d’un proche, les joies d’un mariage, m’y ramènent souvent. Voyages courts, trop courts sans doute, mais toujours empreints d’émotion et de colère mal contenue.

Comme en ce jour de mars 2013 où je rendis visite à un ami qui séjournait dans un "centre inhospitalier" de la capitale, à l’aspect repoussant tant l’hygiène y est déplorable. Je fis un détour par le service des urgences. Dans la bousculade générale, une vieille dame essayait avec peine d’accéder au bureau des admissions pour son fils blessé, les accidentés de la route étant très nombreux dans ce pays qui a perdu ses repères. Je l’entendis se plaindre ainsi :

— Dans ce pays, il faut soit avoir un parent bien placé dans la hiérarchie policière ou militaire, soit un parent médecin, soit beaucoup d’argent !

Point de salut pour les autres, la très grande majorité des Algériens. Alors qu’en Europe, par exemple – bien que tout ne soit pas parfait, nous y reviendrons –, l’hôpital public permet d’être soigné très dignement après un accident, ce n’est pas le cas en Algérie, pourtant si proche. Triste constat pour un État sans dette extérieure et qui possède, dit-on, plus de 190 milliards de dollars de réserves…

Deux ans plus tôt, j’avais dû téléphoner à un oncologue algérien pour une nièce en phase terminale d’un cancer métastatique. J’étais moi-même à New York. Ma nièce manquait de soins palliatifs pour alléger des douleurs dues à un cancer foudroyant, douleurs auxquelles s’ajoutaient celles liées au traitement. La réponse de mon ami fut brève, mais choquante par son froid réalisme :

— Demande à ton frère de passer me voir, je lui donnerai pour sa fille quelques antidouleurs. Mohand, il faudra que tu les remplaces.

Et pour les millions d’Algériens qui n’ont pas d’ami oncologue ? Pas d’antidouleurs ?

Je débarquai à l’aéroport une semaine plus tard, avec une valise entièrement remplie de produits antalgiques, mais aussi de traitements coantalgiques destinés à accroître la performance des premiers, ce qui s’avère souvent nécessaire pour lutter contre les douleurs occasionnées par un cancer. Je pus ainsi tenir ma promesse envers mon ami oncologue.

Mais pour un médecin spécialiste qui choisit de rester auprès de ses malades algériens, combien cèdent aux opportunités alléchantes venues de l’étranger, et notamment des pays du golfe Arabique? Cette pression aggrave les inégalités au niveau mondial entre les pays les plus riches et les autres.

Extrait de "Au secours notre santé est en péril !", de Mohand Sidi Saïd, publié aux éditions Presse du ChâteletPour acheter ce livre, cliquez ici

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