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Le pétrole à la baisse, c'est reparti… jusqu’à quand ?
©Reuters

Rechute

Depuis quelques mois, le prix du baril de pétrole tendait à augmenter. Mais jeudi dernier, celui-ci a de nouveau baissé, faisant craindre une nouvelle période de baisse durable dans le temps. Si cela venait à être le cas, les conséquences, déjà significatives pour les investisseurs et les raffineries, viendraient à s'aggraver.

Francis Perrin

Francis Perrin

Francis Perrin est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS, Paris) et chercheur associé au Policy Center for the New South (PCNS, Rabat).

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Atlantico : Jeudi dernier, le prix du baril de brut a de nouveau baissé à New York, de même qu'à Londres, passant respectivement à 44,75 dollars (-1 dollar) et 46,20 dollars (-0,97 cents). Ainsi, la baisse du prix du baril cumulée depuis juin est de 10%. Doit-on s'attendre à une nouvelle période durable de baisse des prix du baril ? 

Francis PerrinLe prix du Brent pour le contrat de septembre était compris entre $45 et $46 par baril à Londres le vendredi 22 juillet en fin de journée et nous sommes effectivement dans une phase de baisse des cours de l'or noir. Rappelons qu'après le creux à moins de $30/b au début de cette année, les prix avaient vigoureusement rebondi entre février et mai pour dépasser légèrement le seuil des $50/b. 

La nouvelle phase de baisse des prix sera-t-elle durable ? Sans doute pas. Il y a en effet des facteurs haussiers qui restent importants, tels que l'augmentation de la consommation pétrolière mondiale, la baisse de la production des États-Unis depuis le printemps 2015 et le recul attendu de la production pétrolière non-OPEP en 2016. Cela n'exclut pas que la baisse actuelle se prolonge un peu mais il n'y a rien de commun, en termes de durée et d'ampleur, avec l'effondrement des prix du brut entre l'été 2014 et le début 2016.

Alors que le prix du baril de pétrole avait pu reprendre une tendance haussière depuis quelques mois, comment expliquer la nouvelle baisse observée depuis un mois, soit -10% ? Les causes de ce nouvel épisode sont-elles à rechercher dans un tassement de la demande, ou s'agit-il, à nouveau, d'une offre trop importante de la part des pays producteurs ? 

Il n'y a pas de tassement de la demande. On peut exclure ce facteur. L'effet Brexit a incontestablement joué un rôle avec des préoccupations sur la croissance économique, les incertitudes multiples qui découlent de ce référendum et qui ont fait chuter les marchés boursiers - ceux-ci ont entraîné les marchés pétroliers dans leur sillage - et la remontée du dollar (il existe souvent une relation inverse entre l'évolution du cours du dollar et celle des prix du pétrole). En termes d'offre pétrolière, la période récente a été marquée par des progrès au Canada, après les gigantesques feux de forêt dans l'Alberta, et au Nigeria ainsi que par quelques espoirs de redressement en Libye. Enfin, la surabondance des stocks pétroliers nord-américains et mondiaux constitue un autre facteur baissier. Cela dit, je ne pense pas que le Brexit aura un impact majeur sur les prix du pétrole même si les opérateurs de marché ou traders, qui sont souvent très "court-termistes", sont fortement marqués par le Brexit.

Quels ont été les impacts de la baisse observée depuis près deux ans sur le niveau d'investissements des entreprises pétrolières ? Cette baisse est-elle annonciatrice d'une nouvelle crise future ?

Selon l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), les investissements d'exploration-production de l'industrie pétrolière auraient chuté de 21% en 2015 à $540 milliards, contre $683 milliards en 2014. Pour 2016, l'IFPEN prévoit une nouvelle baisse de 10% à $485 milliards. Si ces projections étaient vérifiées, la baisse sur 2015-2016 serait de près de $200 milliards, soit environ 30%. 

Une chute de cette ampleur ne peut pas ne pas avoir de conséquences négatives sur la production future mais ce sera dans le moyen terme et pas dans le court terme que celles-ci se manifesteront. Cela pourrait se traduire par une insuffisance de l'offre vers 2020, ce qui pousserait à la hausse les prix du pétrole à moyen terme.

Comment évaluer la suite pour le marché pétrolier ? Où en sont les négociations au sein de l'Opep, et dans quelle mesure la Russie et l'Iran impactent-ils les actions de l'organisation ? Les décisions prises sont-elles rationnelles ? Certains pays producteurs sont-ils d'ores et déjà condamnés dans le cas où les prix se maintiendraient dans la fourchette actuelle ? 

Le scénario d'une remontée progressive des prix du pétrole jusque vers $60/b environ d'ici à 2017 reste assez probable car le marché pétrolier mondial est en train de se rééquilibrer du fait de l'accroissement de la demande mondiale et de la baisse de l'offre non-OPEP. Cela dit, l'OPEP ne joue pas un rôle très positif du fait de ses divisions internes, notamment de l'hostilité entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. Sans unité, l'OPEP est complètement impuissante et l'organisation n'a d'ailleurs pris aucune décision de réduction ou de gel de sa production depuis le début de la chute des prix à l'été 2014. On ne voit d'ailleurs pas très bien ce qui pourrait permettre à l'OPEP de réagir de façon constructive au cours des prochains mois.

La Russie s'était dite prête en février et en avril 2016 à geler sa production pétrolière au cours de cette année en accord avec certains pays non-OPEP et la quasi-totalité des pays membres de l'OPEP. Mais ce projet d'accord est parti en vrille suite aux tensions croissantes entre l'Iran et l'Arabie Saoudite et au refus de ce dernier pays de faire la moindre concession à Téhéran lors de la réunion à Doha (Qatar) en avril.

Un niveau des prix du Brent de l'ordre de $45-46/b est certes très bas par rapport aux $100-110/b enregistrés entre 2011 et la fin du premier semestre 2014. À l'inverse, pour les pays producteurs, c'est beaucoup mieux que les $27-28/b du début 2016. Ils ont échappé au pire mais leur intérêt serait de parvenir à un minimum de consensus pour contribuer à accélérer et à conforter le rééquilibrage du marché entre l'offre et la demande. Mais les tensions politiques ne font pas forcément bon ménage avec la rationalité économique.

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