Léonard de Vinci dormait 20 minutes toutes les 4 heures... mais les génies ont tout de même besoin de sommeil<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Léonard de Vinci dormait 20 minutes toutes les 4 heures... mais les génies ont tout de même besoin de sommeil
©Reuters

Bonnes feuilles

Dans son "Dictionnaire des idées reçues", Gustave Flaubert écrivait : "Hoquet : Pour le guérir, une clef dans le dos ou une peur." Plus de cent ans après, la littérature scientifique médicale confirme : la peur est bien un moyen de faire passer le hoquet. Mais combien de ces idées communes ont un fondement scientifique ? Démêler le vrai du faux : tel est l’objectif de Jacques Belghiti, professeur de médecine, et Annette Vezin, journaliste et curieuse professionnelle, dans un livre qui met à l’épreuve des données de la recherche plus de 200 idées reçues. Extrait de "Tant qu'on a la santé" de Jacques Belghiti et Annette Vezin, aux éditions Fayard (2/2)

Annette Vezin

Annette Vezin

 Annette Vezin est journaliste.

Voir la bio »
Jacques Belghiti

Jacques Belghiti

Jacques Belghiti, professeur de chirurgie digestive à l’Université Paris Diderot est aujourd’hui membre du collège de la Haute Autorité de santé. 

Voir la bio »

Dormir

Les grands génies n’ont pas besoin de sommeil : faux

Leonard de Vinci dormait 20 minutes toutes les 4 heures, Mozart ne se couchait jamais avant 1 heure du matin et dormait 5 heures par nuit, Voltaire, 4 heures, en buvant 40 tasses de café par jour… Mais Ludwig Van Beethoven, Georges Simenon et Victor Hugo tenaient à leurs 8 heures chaque nuit. Qu’en conclure ? Il ne suffit pas d’avoir des insomnies pour faire œuvre créatrice. Mais moins dormir parce qu’on travaille à son œuvre et que son corps ne demande pas davantage de sommeil, c’est une autre affaire. Certaines recherches montrent que le pic de créativité se situerait juste au réveil. Dormir peu ou beaucoup, pour créer ou être génial, cela n’aurait pas d’importance, à condition de se précipiter pour travailler au réveil. À chacun son réveil, à chacun son génie.

Réveiller un somnambule est dangereux : faux

« Un romancier est souvent un somnambule, constatait Patrick Modiano dans son discours de réception du prix Nobel, tant il est pénétré par ce qu’il doit écrire, et l’on peut craindre qu’il se fasse écraser quand il traverse une rue. Mais l’on oublie cette extrême précision des somnambules qui marchent sur les toits sans jamais tomber. » En réalité, peu de somnambules marchent sur les toits. Pas plus qu’ils ne tuent, se suicident, font l’amour, se gavent nuitamment dans le réfrigérateur ou envoient des mails assassins, même si tous ces actes ont bien été répertoriés dans les gazettes. 15 à 40 % des enfants, entre sept et douze ans ont eu un épisode de somnambulisme, mais seulement 1 à 6 % font plusieurs accès par mois et sont donc réellement somnambules. Dans la plupart des cas (60 à 80 %), c’est aussi une affaire de famille. Les crises de somnambulisme surviennent durant les phases de sommeil profond après l’endormissement. L’enfant se lève, déambule quelques minutes dans un état dit « d’éveil dissocié » (qui n’est ni sommeil, ni éveil) et le plus souvent se rendort facilement. Il peut ouvrir une porte ou une fenêtre et se mettre en danger. Les somnambules peuvent agir mais ne sont pas conscients de leur action et ne s’en souviennent pas une fois réveillés. Faut-il ou non les réveiller ? Parce que leur réaction peut parfois être violente, tant il est difficile pour certains de passer brusquement de la phase de sommeil à celle du réveil, on a pu penser que non. Mais en cas de mise en danger pour eux­mêmes, il ne faut pas hésiter.

Ronfler est signe de bon sommeil : faux

« Ronfler, c’est dormir tout haut », a écrit Jules Renard dans son Journal, le 19 avril 1899. Une réflexion toute masculine, à en croire les statistiques, puisque sur les 15 millions de ronfleurs, deux tiers seraient des hommes, les femmes étant davantage protégées avant la ménopause. Bien qu’il soit considéré comme un indice de bonne santé par les Chinois, le ronflement mérite une attention particulière, soit parce qu’il témoigne d’une vraie pathologie (l’apnée du sommeil), soit parce qu’il trouble le sommeil du ou de la partenaire. Si le bruit émis par certains ronflements équivaut à celui d’une voix, d’autres ronflent avec le bruit d’un camion. C’est le relâchement des muscles du palais qui entraîne un rétrécissement qui fait vibrer l’air expiré. Des amygdales trop volumineuses, une congestion nasale, la prise de poids et le vieillissement sont les principales causes de ronflement. Lorsque le ronflement est associé à des pauses respiratoires, il est le signe d’une apnée du sommeil justifiant une prise en charge médicale. Ces pauses qui durent de quelques secondes à près de 1 minute réduisent l’oxygénation des organes, ce qui, pour le cerveau, entraîne une diminution de la vigilance diurne et, pour le cœur, une accentuation du risque d’accidents cardiovasculaires. Le ronflement isolé n’a en soit aucune conséquence sur la santé. Pour éviter de ronfler, il suffirait donc… de ne pas dormir ? Un programme difficile à suivre. Plus accessibles, quelques suggestions pour diminuer le ronflement : dormir sur le ventre ou sur le côté, surélever la tête pour allonger le cou, prendre des cours de chant ou apprendre un instrument à vent pour renforcer les muscles des voies aériennes supérieures… En désespoir de cause, puisque ronfler pose surtout un problème à son partenaire, reste à découvrir les charmes de la chambre à part.

Rattraper un retard de sommeil, c’est possible en une nuit : faux

Suffit-­il de faire la grasse matinée pour rattraper un retard de sommeil accumulé depuis plusieurs jours ? Pour mettre un point final à cette cruelle incertitude, 159 adultes âgés de vingt-­deux à quarante-­cinq ans se sont portés volontaires. Cinq nuits de suite, les uns ont dormi 10 heures, les autres 4 heures. Sans surprise, ceux qui étaient en manque de sommeil ont moins bien réussi tous les tests d’attention. Mais, après une bonne nuit de récupération, soit 10 heures de sommeil pour tous, ils n’avaient toujours pas récupéré leurs facultés initiales. Et la sieste, dans tout ça ? Elle permet de compenser la somnolence de l’après-­midi et du début de soirée, mais ne doit pas être trop longue (maximum 45 minutes) pour ne pas bousculer l’horloge interne avec un risque d’insomnie la nuit suivante. Conclusion  : le retard de sommeil ne se rattrape pas en une seule nuit, même avec une sieste.

Le café empêche de dormir : vrai

« Jamais après 15 heures ! » pour les uns, « impossible de se coucher sans un café bien serré » pour les autres, qui croire ? Une étude menée par une équipe de chercheurs de Detroit a montré les effets de la caféine absorbée 30 minutes ou 6 heures avant le coucher. L’échantillon était petit (12 dormeurs sans problème particulier) et la dose de café massive (400 milligrammes, soit l’équivalent de 4 tasses de café), mais les résultats sont clairs  : 400 milligrammes de caféine pris en comprimés, même 6 heures avant le coucher, diminuent le temps de sommeil de 1 heure.

Absorbée par le tube digestif, la caféine, présente aussi dans le thé, les sodas et le chocolat, parvient au cerveau en 10 ou 15 minutes et bloque les récepteurs « apaisant » du système nerveux pendant 2-3 heures. Mais cette durée d’action est plus courte chez le fumeur et plus longue chez la femme enceinte. La caféine augmente le niveau de vigilance et il a été montré qu’elle pouvait diminuer le risque d’accident de la route la nuit. Le café augmente la vitesse de réaction, la capacité de concentration, la compréhension à la lecture, les capacités d’apprentissage et de mémorisation. Il a été montré qu’il améliorait et préservait les fonctions cognitives lors du vieillissement.

À dose élevée, au-delà de 6  tasses, la caféine induit une tachycardie, des tremblements et une nervosité, alors que la consommation modérée (trois-­quatre tasses par jour) donne une sensation de bien-­être, réduit l’anxiété et a un effet sur les maux de tête et les douleurs dentaires. Bien que le café ne soit pas considéré comme une drogue de dépendance, son arrêt entraîne un syndrome de sevrage chez 10 à 20 % des grands consommateurs. L’effet sur la vigilance influence le sommeil. Globalement une tasse avant le coucher retarde l’endormissement et perturbe l’organisation cyclique du sommeil avec un raccourcissement de sa durée.

Mais pourquoi les effets sont-­ils moins marqués chez les uns que chez les autres ? D’une part l’effet du café augmente avec l’âge, d’autre part il semble exister des facteurs génétiques qui rendent certains sujets moins sensibles aux effets de la caféine. Bonne nouvelle : si un bébé ne dort pas bien dans les premiers mois et que sa mère a bu beaucoup de café pendant sa grossesse, il n’y a pas de relation.

Le vin blanc empêche de dormir : faux

Insomnies, migraines, acidité gastrique  : en France, le vin blanc est régulièrement accusé de tous les maux. Aux États-­Unis, en Grande-­Bretagne et en Allemagne, c’est au contraire le vin rouge qui est mis en accusation sous le nom de Red Wine Headache Syndrome (RWHS). Alors, pourquoi le vin blanc garde-­t‑il en France une image sulfureuse de vin trafiqué et nocif ? À cause de l’anhydride sulfureux, appelé encore sulfites, dioxyde de soufre, soufre, ou acide sulfureux. Autant de molécules qui, rajoutées dans un but de conservation, se retrouvent en quantité dans le vin blanc mais aussi dans les abricots, les raisins secs, les confitures et même les cornichons. Si ces produits vous donnent la migraine ou vous empêchent de dormir, alors les sulfites peuvent être incriminés. Sinon, il faut trouver un autre coupable, ou arrêter de boire.

Extrait de Tant qu'on a la santé de Jacques Belghiti et Annette Vezin, publié aux éditions FayardPour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !