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Apprendre à gérer son angoisse en la transformant en excitation, mode d’emploi
©Reuters

Auto-médication mentale

Se servir de trois mots "Je suis excité" dans une situation où l'on est stressé et anxieux peut potentiellement changer notre perception des événements et donner de meilleures résultats. Cette technique, nommée "anxious reappraisal” (ou réévaluation de l'anxiété) et menée par Alison Wood Brooks de la Harvard Business School, permet de se focaliser sur l'excitation et la réussite plutôt que sur son anxiété et la peur de l'échec.

Catherine Berliet

Catherine Berliet

Catherine Berliet intervient depuis 15 ans en conseil, formation, coaching de cadres et dirigeants pour le compte de grandes entreprises françaises. Diplômée en communication, elle est également thérapeute, praticien en Rêve Eveillé libre. Elle est co-auteur de : Et si je choisissais d’être heureux  ! : Le bonheur mode d’emploi  paru en juillet 2014 aux Editions Eyrolles, Manager au quotidien et Les outils de développement personnel du manager aux Editions Eyrolles. Elle est auteur de Et si je prenais mon temps aux Editions Eyrolles et co-auteur de "Et si je choisissais d'être heureux" avec Capucine Berliet toujours aux éditions Eyrolles

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Atlantico : Selon Alison Wood Brooks, chercheuse à la Harvard Business School, il suffirait de se dire que l'on est enthousiaste, excité à l'idée de faire quelque chose, pour calmer son stress ou son anxiété. En quoi la technique de réévaluation de l'anxiété permet-elle de changer notre anxiété en excitation, et donc de mieux percevoir et de mieux appréhender la façon dont les événements vont être perçus par les autres ?

Catherine Berliet : La technique prônée par Alison Wood Brooks est d’une simplicité extrême, mais aussi et surtout complètement contre-intuitive. En effet elle part du principe que l’injonction « keep calm and carry on » que nous devons aux anglais et à leur fameux flegme tout britannique du quoiqu’il arrive « reste calme et continue », constitue pour partie une forme de non sens contre lequel elle s’élève en faux. Selon cette devise le meilleur moyen d’affronter des situations difficiles serait d’être relaxé ou de se calmer afin de revoir notre anxiété à la baisse. Après avoir étudié le phénomène de plus près, Brooks nous suggère de bâillonner notre pilote interne qui se rappelle à nous pour nous enjoindre d’être calme afin de mieux déjouer nos peurs. Pourquoi ? Et bien parce que la sérénité n’étant pas vecteur d’énergie, les leviers censés actionner les bonnes réponses sont passablement au ralenti. Aussi elle nous suggère de réinitialiser notre disque dur et de suggérer au Jiminy Cricket que nous avons sur l’épaule, de nous distiller un message qui ressemblerait beaucoup plus à : « Sois plein d’enthousiasme et d’énergie, et assume ! » Il ne tiendrait donc qu’à nous de reprogrammer notre cerveau avec un mantra qui se psalmodierait en trois mots : « Je suis excité ! »

Vous allez me demander ce qui distingue l’anxiété de l’excitation, et je vous répondrai que la première de ces émotions est induite par du négatif et axée sur du négatif tandis que la seconde est induite par du positif et axée sur du positif. Bien sûr dans ces deux cas de figures vos symptômes seront les mêmes, votre cœur battra la chamade, et votre cortisol s’emballera. Pourtant vous noterez une différence fondamentale : l’excitation est une promesse et en physique c’est un phénomène qui sort un système d’un état de repos pour le ramener à une énergie supérieure. L’anxiété, elle, est une émotion qui peut vous paralyser. Si l’appel au calme vous dit de mettre notre réactivité en berne, l’incitation à l’excitation vous force à trouver en vous les solutions ad hoc à déployer : courage, stratégie, créativité, bref vos plus beaux atours pour y parvenir. Brooks a expérimenté ce processus de reconditionnement de son anxiété, lorsqu’elle a demandé à deux groupes différents de chanter la même chanson très connue : « Don’t stop believein ‘ » du groupe Journey, devant un public. Elle demanda simplement a chaque groupe de se préparer différemment avant la performance, l’un se jetant dans l’action avec un « je suis anxieux », l’autre avec un « je suis excité » pour seul viatique. Le résultat fût spectaculaire et validé par des mesures informatisées.

Les excités de départ, l’étaient encore plus lors du passage à l’action et chantaient mieux que les autres avec une hauteur et une justesse de ton tout à fait remarquables. Alors customisons et relookons notre anxiété de fond, pour la transformer d’un coup de baguette magique en excitation motrice et énergisante. Au lieu de craindre le pire, de supputer des peurs, d’imaginer les conséquences d’une mauvaise performance, d’envisager des défaites, au lieu de faire la part belle à la fuite et à une forme de passivité utilisons notre dynamisme, changeons notre posture et notre état d’esprit en nous concentrant entièrement sur un objectif positif. Notre enthousiasme et notre pep’s reconditionneront nos craintes de fond pour mieux les focaliser sur notre réussite, notre victoire, nos bénéfices secondaires. Rentrons dans le cercle vertueux de ceux qui veulent sortir de leur zone de confort, aller de l’avant, oser dans une quête perpétuelle de valeur et de performance. Ce prisme n’est rien d’autre qu’une appétence que Sigmund (Freud) nommerait libido et que Bergson dirait « élan vital ». In fine promettons-nous d’être excité pour mieux passer à l’action en dépit de nos craintes les plus manifestes, car à n’en point douter l’action balaie le stress.

Cette technique est-elle efficace chez tous les individus ? Dans quels cas précis peut-elle se révéler particulièrement utile ?

Attention si cette technique marche dans la plupart des situations, elle est totalement inopérante dans certains métiers, en particulier pour les professions qui nécessitent une acuité attentionnelle très forte et surtout pour les personnes qui ont besoin de contrôler leur motricité fine. Je pense en particulier aux chirurgiens et à tous les métiers nécessitant une haute précision de gestes rendue impossible par l’excitation. Hormis ces exceptions, cette technique est à utiliser dans son quotidien professionnel face à toutes sortes d’enjeux : qu’il s’agisse d’affronter des situations anxiogènes et complexes, comme prendre une décision, intervenir face à un public.

Quels sont les autres moyens considérés comme efficaces pour vaincre son anxiété ?

Je considère qu’il existe d’autres techniques dont la visualisation positive. Avant de prendre la parole en public, je visualise la difficulté certes, mais comme un sportif de haut niveau, et je pense au skieur qui visionne intérieurement son slalom à venir, les chicanes qui l’attendent tout en se voyant réussir, et en s’imaginant félicité, ovationné, applaudi, et certainement pas en train de rater une porte, ni de tomber ou déraper. Je crois également beaucoup à la méthode Kaizen, c’est-à-dire à l’amélioration personnelle et professionnelle continue à petits pas, qui nous pousse à sortir de notre zone de confort pour grandir et avancer, sans nous faire violence. Autrement dit, « je ne me contente pas de ce que je suis aujourd’hui, je me pose la question de savoir comment faire mieux et je me demande ce que je dois déployer pour monter les marches du succès. »

Enfin je pense à la SRE : stratégie rationnelle émotive. Une méthode qui consiste à décortiquer ce qui déclenche le stress ou l’émotion, les effets induits tels que les changements de comportements, les répercussions physiques, psychiques, et la pensée automatique irrationnelle qui vient à l’esprit, du style : « Ils vont penser que je ne suis pas à la hauteur... ». L’idée force de cette technique sera d’opposer une pensée rationnelle à cette même pensée. Exemple : « Ne crains rien, la dernière fois que tu as pris la parole face au comité de direction, tu as assuré comme un professionnel hors pair. » Le temps est venu de nous reprogrammer car comme le dit si bien Woody Allen : « Je suis le seul obstacle à ma grandeur. » Dont acte.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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