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Plus de 25 % minimum des députés, plus de 10 % des présidents de région (à décembre 2015) plus de 30 % des sénateurs, etc., prennent plus que souvent des libertés avec la probité, l’éthique, la morale et/ou ont affaire à la justice.
Plus de 25 % minimum des députés, plus de 10 % des présidents de région (à décembre 2015) plus de 30 % des sénateurs, etc., prennent plus que souvent des libertés avec la probité, l’éthique, la morale et/ou ont affaire à la justice.
©Reuters

Bonnes feuilles

"J’ai répertorié depuis trois ans entre 1 000 et 1 200 élus (ils sont un peu plus de 600 dans le présent volume) dont j’ai réussi à trouver une trace de turpitude judiciaire, fiscale ou autres…" explique l’auteur qui a toujours eu la réputation en politique d’être incontrôlable et sans langue de bois. Du goudron et des plumes évoque l’indignation et la vindicte publique. C’est ce qu’inspire le deuxième tome des Délits d’élus. Extrait de "Du goudron et des plumes - tome 2 Délits d'Elus", de Philippe Pascot, aux éditions Max Milo 1/2

Philippe Pascot

Philippe Pascot

Adjoint au maire d’Évry Manuel Valls, ancien conseiller régional, chevalier des Arts et des Lettres, Philippe Pascot milite pour une réelle transparence de l’exercice politique.
Il est l’auteur avec Graziella Riou Harchaoui de Délits d’élus, tome 1 : 400 politiques aux prises avec la justice (Max Milo, 2014) et de Pilleurs d'Etat (Max Milo, 2015).

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Premier constat : il y a beaucoup plus d’élus « truands » qu’on ne le croit

Dire que tous les élus sont pourris est une erreur magistrale, mais écrire que la proportion d’élus malfaisants est infinitésimale est aussi une hérésie.

Ainsi, quand on nous annonce un peu partout un ratio de 2 ‰ élus ayant eu affaire avec la justice, il faut comprendre que ce chiffre se base sur le nombre de mandats électifs : 618 484 au 1er janvier 2015 et non sur le nombre réel d’élus ayant un mandat électif (certains élus cumulent plusieurs mandats électifs, parfois jusqu’à quatre ou cinq). Ainsi, 339 de nos députés cumulent au moins un mandat supplémentaire (voire trois pour beaucoup) à leur fonction parlementaire. On retrouve la même problématique chez nos sénateurs. Beaucoup de maires (ou de maires adjoints) ont aussi un petit mandat de conseiller régional ou départemental sous le pied. On s’aperçoit donc rapidement qu’il faut soustraire au bas mot et en hypothèse basse, plus de 100 000 « mandats » d’élus cumulards sur les 618 384 de référence. On est donc à présent aux environs de 510 000 élus (et non de mandats) en chiffre de référence. Ce qui, indubitablement, nous donne déjà une première marge d’erreur importante pour les chiffres, pourcentages et ratios annoncés à travers tous les médias.

Mais la soustraction ne s’arrête pas là.

Toujours en se basant sur le chiffre de référence global de 618 384 mandats électifs, il faut savoir que les mandats « d’opposition », que l’on peut situer à environ (en hypothèse basse là aussi) à plus d’un tiers de tous les élus, ne donnent pas l’occasion à ceux qui les détiennent de commettre un délit puisqu’ils ne sont pas « aux affaires » ou qu’ils n’ont pas de « portefeuille ». Il est donc très rare de les retrouver dans les rubriques des délits d’élus caractérisés (à quelques exceptions près quand même).

Cela nous fait donc une nouvelle marge d’erreur : nous pouvons raisonnablement soustraire, de façon arbitraire (mais plausible), aux 618 384 mandats d’élus environ 210 000 mandats d’élus d’opposition ajoutés aux 108 384 mandats d’élus cumulards. Nous arrivons donc, pour faire un compte rond, à 300 000 mandats d’élus effectifs pouvant réellement succomber à la « tentation ».

Si on continue à creuser encore un peu, on constate aussi qu’il reste un certain nombre d’élus dits « de la majorité » qui n’ont, eux aussi, aucune responsabilité au sein des conseils et/ou organismes. Ils remplissent, néanmoins, consciencieusement et avec abnégation (quelquefois les yeux fermés ou en se pinçant le nez…) leur rôle de renforcement des décisions majoritaires en votant comme un seul homme et quasiment sans discuter ce qui leur est présenté. On peut encore soustraire à notre total 1/3 supplémentaire de mandats d’élus. Nous arrivons en conséquence à 200 000 mandats effectifs et susceptibles de donner la possibilité et/ou le pouvoir à leurs titulaires de mettre réellement leurs doigts dans la confiture.

Une fois ces chiffres de pondération et les soustractions pris en compte, on s’aperçoit donc que le pouvoir et les possibilités d’écarts de conduite sont concentrés sur un nombre d’élus beaucoup plus réduit et, si on rationalise vraiment, constater qu’on est loin, très loin du chiffre communément pris en référence : 0,002% par l’ensemble des médias.

On est donc plus près de 2 % d’élus mis en cause dans des affaires judiciaires.

C’est peu et en même temps déjà beaucoup trop pour des élus qui sont censés être des exemples d’intégrité.

Mais, bien que rectifié et réajusté, ce ratio prend lui aussi en compte l’ensemble des mandats.

Si, par souci de précision, on affine un peu plus et que l’on commence à analyser le nombre de délits d’élus en comparaison de la fonction propre de l’élu, les compteurs s’affolent et les pourcentages d’élus, maires, sénateurs ou députés prenant des libertés avec la probité s’envolent et explosent.

On retrouve en effet beaucoup plus de maires adjoints ayant une délégation au logement mis en cause dans des affaires d’abus sexuels et d’agressions sexuelles que de simples conseillers municipaux délégués aux monuments aux morts. De même, pour les détournements d’argent public important, on retrouve plutôt des élus dans le haut de la hiérarchie électorale. Les affaires se compliquent de même que le nombre d’élus d’importance et de fonctionnaires impliqués (ou plutôt, pour ces derniers, trop serviles). La durée des enquêtes s’en trouve accrue et parfois seuls les lampistes sont accrochés par la justice. L’élu, lui, faute de preuves ou grâce au « sacrifice » de l’intermédiaire qui se tait, passe au travers des mailles du filet (au grand désespoir des enquêteurs).

On peut néanmoins établir, entre autres, que sur 577 députés, 150 se sont acheté un bien personnel avec l’IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) ; que plus d’une soixantaine de députés ou sénateurs ont fraudé avec le fisc en 2014 ; de même, plus de 10 % des présidents de Région, qui sont 22 (13 depuis décembre 2015), ont eu maille à partir avec la justice, tandis que sur nos 348 sénateurs, plus de 140 ont touché chaque année, jusqu’en 2015, une enveloppe contenant jusqu’à 8 000 euros en chèque pour leurs étrennes. Le tout en dehors de toute déclaration au fisc…

Replacer à sa juste proportion et au bon endroit le pourcentage d’élus qui ont la possibilité et l’accès à des dérapages judiciaires et des manquements à l’éthique me paraît plus transparent plutôt que de les englober dans l’immense majorité des élus intègres et sans pouvoir véritable comme on essaie de le faire régulièrement.

Mais on peut comprendre qu’annoncer que plus de 25 % minimum des députés, plus de 10 % des présidents de région (à décembre 2015) plus de 30 % des sénateurs, etc., prennent plus que souvent des libertés avec la probité, l’éthique, la morale et/ou ont affaire à la justice, ferait très mauvais effet dans la presse nationale, voire internationale.

Ceci expliquant peut-être cela !

Extrait de "Du goudron et des plumes - tome 2 Délits d'Elus", de Philippe Pascot, publié aux éditions Max MiloPour acheter ce livre, cliquez ici

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