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De quoi sont-ils le nom ? Conseil national sur le projet des Républicains : petit retour sur ce qu’était idéologiquement le parti à chaque  présidentielle depuis 1981
©Reuters

De quoi sont-ils le nom ?

Depuis 1981 et la défaite de la droite face à François Mitterrand, la droite s'est restructurée autour de l'idée d'un programme commun. Lundi 2 juillet se tient le conseil national des Républicains qui tentera encore une fois d'unifier la droite gouvernementale. Mais le programme proposé par l'équipe de Nicolas Sarkozy pourrait aussi réveiller certaines vieilles et pérennes fractures.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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David Desgouilles

David Desgouilles

David Desgouilles est chroniqueur pour Causeur.fr, au Figaro Vox et auteur de l'ouvrage Le Bruit de la douche aux éditions Michalon (2015).

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Atlantico : Samedi 2 juillet se tient le conseil des Républicains. Le parti présente à cette occasion son programme pour l'élection présidentielle 2017, élaboré sous la houlette de Nicolas Sarkozy. En termes d'offre politique, que représente aujourd’hui le parti Les Républicains ? Comment cette offre a-t-elle évolué au gré des élections présidentielles depuis 1981 ?

Jean GarriguesLe phénomène le plus marquant du courant gaulliste dont se réclament plusieurs ténors du parti LR aujourd'hui, que ce soit Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé mais aussi d'autres, est qu'il a connu à partir des années 1980 ce que l'on pourrait qualifier d' "infection" néo-libérale, sous l'impulsion de Jacques Chirac. Ce dernier avait d'ailleurs pris ses distances avec le néo-libéralisme en 1995, lorsqu'il a choisi de mettre en avant le thème de la fracture sociale. Mais c'est à ce moment-là que le courant gaulliste s'est divisé, avec d'un côté Jacques Chirac qui incarnait le gaullisme social, interventionniste voire même prenant ses distances avec la construction européenne, et un autre courant incarné par Edouard Balladur, lequel assumait ce néo-libéralisme, doublé d'un atlantisme assez marqué. D'ailleurs, l'un de ses proches n'était autre que Nicolas Sarkozy, qui a par la suite prolongé et incarné ce mouvement néo-libéral au sein de la droite. 

Cela a beaucoup brouillé les cartes à droite car ce courant était, jusqu'en 1995, représenté par un autre parti : la droite giscardienne. Cette droite s'est par la suite ralliée à Edouard Balladur. Les deux familles ayant fusionné au sein de l'UMP pour l'élection de 2002 et soutenir Jacques Chirac.

La droite se réclame donc historiquement de l'héritage de Charles de Gaulle, invoque les vertus du "rassemblement", de la "grandeur nationale". Mais dans le même temps, et sur un certain nombre de points comme par exemple les fondements de la politique socio-économique à mener, la droite est aujourd'hui ancrée dans une tradition libérale qui n'est pas celle du Général de Gaulle, lequel était très interventionniste, étatique, centralisateur et méfiant envers l'Europe. Ces fondements du gaullisme permettent de comprendre qu'une partie de la droite ait pris ses distances par rapport à cette inflexion néo-libérale. On pense à la dissidence de Philippe Séguin, qui avait fait figure de rival de Jacques Chirac dans les années 1990, incarnant une sorte de gardien de l'orthodoxie gaulliste. On se souvient de son combat contre le traité de Maastricht en 1992. Enfin, il y a Nicolas Dupont-Aignan qui lui revendique aujourd'hui une intégrité absolue vis-à-vis de l'héritage gaullien.

Il existe un paradoxe dans cette histoire mouvementée et complexe de la droite. Celui qui était considéré comme le disciple de Philippe Séguin, c'est à dire François Fillon, qui a, ne l'oublions pas, lui aussi incarné ce gaullisme et combattu le néo-libéralisme, incarne aujourd'hui l'aile la plus néo-libérale de cette droite rassemblée. On sait bien que les grands principes de ce que serait une politique d'un président élu de droite en 2017 sont ceux que l'on trouve essentiellement dans le programme de François Fillon comme la fin des 35 heures, l'aménagement du code du travail... Les héritages ont été totalement brouillés par les évolutions des uns et des autres. 

De même Nadine Morano, qui doit sa carrière à Nicolas Sarkozy, s'est justement séparée de son mentor au nom de l'héritage gaulliste. Héritage qu'elle utilise et revendique par ailleurs de manière anachronique, en insistant beaucoup sur l'idée d'identité nationale qui à l'époque n'était pas au cœur de la pensée gaullienne. A l'époque, le cœur de sa pensée était plutôt l'indépendance nationale. L'identité nationale était un concept qui allait de soi, liée à son histoire personnelle, puisqu'il avait incarné cette identité. L'immigration, de même, ne se posait pas du tout dans les mêmes termes à l'époque. On peut considérer qu'il y a eu un détournement d'héritage ici, tout comme chez Nicolas Sarkozy dans la mesure où on sait bien qu'il a toujours revendiqué son atlantisme, et son néo-libéralisme, idées que le général de Gaulle réfutait. 

Alain Juppé, dans sa trajectoire politique, conserve quelques traits de cet héritage. Mais c'est moins au général de Gaulle qu'à Jacques Chirac, qui lui a légué une interprétation mesurée et moyenne de l'héritage gaulliste, en ne reniant pas l'inflexion libérale de la droite tout en gardant le côté social, protecteur, et libéral du gaullisme. Le maire de Bordeaux essaye de conserver une fidélité à son héritage politique, mais l'héritage politique de Jacques Chirac est beaucoup plus gaullien que gaulliste, car c'était l'homme de Georges Pompidou, lequel avait une vision beaucoup plus libérale, économiste que le général de Gaulle.

On a pu reconnaître cependant des clins d’œil de l'Histoire comme lors du discours de Dominique de Villepin à l'ONU en 2003 qui était une vraie référence au général de Gaulle. 

Aujourd'hui, paradoxalement, ceux qui se réfèrent le plus au Général de Gaulle sont les souverainistes car ils se réfèrent à l'idée d'une Europe des nations. C'est un discours que l'on retrouve chez Nicolas Dupont-Aignan, mais aussi chez Florian Philippot, fait paradoxal puisque les antécédents du FN ont toujours combattu le général de Gaulle.

David DesgouillesLa principale évolution est l'apparition entre 1981 et 2016 d'un parti unique, apparu en 2001. C'est l'accomplissement de ce que Jacques Chirac avait commencé à imaginer à partir de 1988 et sa défaite à la présidentielle. A l'époque il nomme Alain Juppé comme secrétaire général du RPR et commence à écouter ce que propose Edouard Balladur. Progressivement, le RPR a aligné son programme et son corpus idéologique sur celui de l'UDF. Il y a une phrase de Charles Pasqua qui fait encore sourire, qui disait : "nous on amène les électeurs et les militants, eux ils amènent les candidats et les idées". Le trait était grossi pour les candidats, pas du tout pour les idées. D'où la révolte de Pasqua et de Séguin au début des années 90 qui s'est amplifiée par la suite, notamment sur le dossier européen. Cette bagarre s'est prolongée jusqu'à la fin des années 90 et a été gagnée en 2001 par Jacques Chirac et Alain Juppé en fondant ce parti unique en vue de la présidentielle remportée l'année suivante. Ce qui fait ce que les Républicains sont aujourd'hui que ce soit sur les idées, l'économie ou l'Europe, totalement alignés sur l'UDF du début des années 80.

Alors effectivement, une personnalité comme Nicolas Sarkozy, par son tempérament quelque peu bonapartiste, retrouve un peu de l'ADN du RPR. Mais dans les idées, au-delà des postures, particulièrement sur le dossier européen, ce genre de candidats est toujours aligné sur l'idée politique de l'Europe et la France selon Giscard.

Comment a évolué le profil sociologique des électeurs de ce parti au fil des différentes échéances présidentielles ? Que nous apprend-elle de l'évolution du parti lui-même ?

Jean Garrigues : Finalement, je pense que l'électorat de la droite classique est peut-être celui qui a le moins évolué. On voit bien que la gauche a perdu une grande partie du monde ouvrier, qui est allée vers le FN. Celui des FN, qui rassemblait les petits commerçants et les artisans est mieux implanté aujourd'hui chez les ouvriers mais aussi dans le monde paysan alors que cette droite classique fait appel à un électorat plus âgé, son discours est bien reçu chez l'électorat senior. Et cela s'est toujours observé. 

Au fond, il n'y a pas eu beaucoup d'évolution. Il existe toujours une surreprésentation dans les professions libérales, dans le monde du petit et moyen patronat. La droite est aussi bien représentée par rapport à la gauche dans le monde rural, et finalement dans tous les secteurs du privé, comme auprès des couches moyennes supérieures. 

David Desgouilles : Les électorats libéraux et gaullistes ont fusionné par la force des choses et du fait de la fidélité de ces électorats à leurs partis. Mais si on regarde les scrutins européens de 1992 à 2005, les électorats de droite étaient encore très partagés. Une forte partie des électeurs sont eurosceptiques et ne se retrouvent pas dans leurs dirigeants. Et ce à l'exception de quelques voix isolées, telles Henri Guaino, Jacques Myard par exemple. 

Quant à l'Europe et l'économie, la ligne du parti est clairement libérale, et depuis deux ans, il y a en plus une véritable course au libéralisme au sein du parti, qu'illustrent très bien les candidatures de certains à la primaire.

Quels ont été les basculements idéologiques successifs de cette famille politique ? Dans quelle mesure ces changements de ligne ont-ils été le fait de la volonté de ses responsables ou plutôt des événements ?

Jean Garrigues : Un peu des deux : l'événement majeur a été en 1974 le changement d'hégémonie des gaullistes vers les libéraux, c'est à dire avec Valéry Giscard d'Estaing. Ce tournant a été très important, et il s'est confirmé au milieu des années 1980 avec l'évolution opportuniste de Jacques Chirac. Au fond, ce tournant a été entériné avec la candidature d'Edouard Balladur en 1995, et par cette synthèse qu'il a opéré entre Pompidou et Giscard. Cette synthèse a débouché en 2002 sur l'UMP, qui avait vocation à représenter toutes les droites.

Cette fusion idéologique a éclaté en 2005 avec la constitution européenne. D'un côté il y avait au sein de la droite classique une dynamique libérale, européiste et atlantiste, et de l'autre une approche plus souverainiste, protectrice et dirigiste. La synthèse s'est alors rompue. A partir de là, nous avons vu la dissidence d'un Nicolas Dupont-Aignan par exemple.

Au fond, celui qui incarnerait le mieux l'héritage gaulliste aujourd'hui est Henri Guaino. Cet héritage, on sent qu'il l'a construit à travers son compagnonnage avec Philippe Séguin, et il s'illustre aujourd'hui à travers sa critique contre l'Europe et contre le néo-libéralisme. Mais le problème est qu'il ne représente pas grand chose chez le parti LR. Et son message a par ailleurs été brouillé par son histoire personnelle puisqu'il était le conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, un néo-libéral balladurien. 

David Desgouilles : 2001 est un moment très important avec la fusion des deux électorats. Il y a aussi les référendums européens qui ont joué un rôle clé. Celui de 2005 a plus partagé la gauche, car souvent les référendums suscitent le plus l'opposition dans l'opposition. Laurent Fabius s'était alors chargé de cette revendication au sein du PS. En revanche, en 1992, à droite, on a vu Séguin porter l'estocade.

La droite a changé depuis 1981, ne serait-ce que d'un point de vue géographique. Le développement du périurbain, l'immigration ont nourri ce que le professeur Laurent Bouvet appelle l'insécurité culturelle problème qui sont aussi importants que l'économie… Dès lors, sécurité et souveraineté sont à nouveau liés, et sur ce point, la droite ne parait pas unifiée aujourd'hui.

En 1981, point de départ d'une restructuration de la droite, cette famille politique semblait s'être unie derrière les deux figures de Valery Giscard d'Estaing et de Jacques Chirac. En 2001, les deux camps fusionnaient en formant l'UMP pour promouvoir une offre politique commune. Comment a évolué cette relation complexe entre héritiers du gaullisme et partisans d'une droite plus sociale et plus libérale ? Où en sont ces sensibilités en 2016 au regard des propositions qui émergent chez Les Républicains ?

Jean Garrigues : D'une certaine façon, il y a deux périodes : la première, caractérisée par les duels dont vous parlez, qui relève de l'avant 2001 et la création de l'UMP. L'autre qui vient après qui met fin à ces duels en empêchant les confrontations. L'UMP a synthétisé toutes les familles, et cela a été l'oeuvre d'Alain Juppé. Ce n'est pas pour rien s'il représente aujourd'hui encore une synthèse entre ces différents courants de la droite.

David Desgouilles : Henri Guaino est considéré comme le type qui du bout de la table rappelle leurs mauvaises consciences à tout le monde. Il emm… tout le monde ! Nicolas Sarkozy aujourd'hui est furieux de voir Henri Guaino candidat ; mais à mon sens, c'est à Guaino d'être en colère, car c'est Guaino qui a apporté à Sarkozy, ne serait-ce qu'avec ses discours en 2007. On va voir que tous vont s'écharper pour empêcher Henri Guaino d'avoir ses parrainages. Et ce même si certaines lignes ont bougé. Dans Causeur il y a quelques jours, je montrais que certains candidats commencent à prendre un vernis eurosceptique avec le Brexit. Par exemple Bruno Le Maire, qui était un européen bon teint et qui commence à dire qu'il a eu tort de voter le traité de Lisbonne, parce que c'était mépriser le peuple qui avait voté non. Il y a aussi des personnalités proches de Sarkozy, telles que Wauquiez, qui parle par exemple de suppression de la Commission européenne, et d'en faire un secrétariat au service du Conseil européen. C'est ce que propose aussi Arnaud Montebourg d'ailleurs. 

Les Républicains ne sont pas fous : ils constatent que chez leurs électeurs, il y a un sentiment anti-européen très développé, notamment sur les questions d'immigration.

Quelles sont les autres scissions ou affrontements originels dans la généalogie des Républicains qui permettent de comprendre son offre politique aujourd'hui ? Les oppositions entre Edouard Balladur et Jacques Chirac ? Philippe Séguin et Jacques Chirac ? Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy ?

David Desgouilles : Pour ce qui est de Villepin-Sarkozy, je pense que ce n'est pas du tout le cas. A mon avis, c'est une simple histoire de tempérament et de style. D'un point de vue géopolitique, on a cru un instant que Sarkozy était plus pro-américain que Villepin, mais les cinq années passées à l'Elysée n'ont pas particulièrement montré cela, si ce n'est avec le symbole de l'OTAN. Il n'a pas particulièrement dévié en tout cas de ce que faisait Jacques Chirac. 

1992 reste la dernière grande bataille. Même s'il y a eu des redites avec 95, entre Chirac et Balladur, quand Chirac prend le contrepied de Balladur en étant anti-européen. A l'époque, il avait promis de faire un référendum pour le passage à l'euro. Mais il n'avait évidemment pas tenu. Le thème de la fracture sociale correspondait à la campagne de Séguin. D'une certaine façon Séguin fait monter Chirac dans les sondages de la même façon qu'il avait fait monter le non auparavant.  Enfin, il y a 1999, le moment où Pasqua passe devant Sarkozy aux européennes. Pasqua est en tête alors devant Sarkozy et la liste de Bayrou. C'est à ce moment précis qu'ils ont voulu "tuer" Pasqua parce qu'il devenait dangereux. Le documentaire de Lecomte sur le sujet (fait pour France 3) est excellent, et montre très bien l'atmosphère de l'époque et les contradictions de cette droite. 

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