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 Pourquoi vous n’imaginez pas la gravité du risque que vous prenez...en vous épilant les poils du nez
©Reuters

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Les poils présents dans la cavité nasale aident à repousser le mucus vers l'intérieur de l'organisme où elles sont dissoutes par les acides gastriques, et à filtrer les microbes et la poussière. Les couper ou les épiler constitue donc un véritable risque pour votre santé.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Selon Erich Voigt, chercheur à l'Université de New York, le fait de s'arracher les poils du nez peut provoquer des infections mortelles. Dans quelle mesure ce geste banal, pour beaucoup d'entre nous, est-il susceptible de nuire gravement à notre santé ? Pour quelles raisons précises ?

Stéphane Gayet : Les narines sont les deux orifices par lesquels nous inspirons l'air qui est nécessaire à notre respiration. Elles sont situées à la base de la pyramide nasale (le nez). Ces deux narines débouchent chacune sur une petite cavité appelée fossette de narine et qui ne doit pas être confondue avec les fosses nasales, plus volumineuses et situées en haut et en arrière (elles comportent chacune trois reliefs appelés cornet inférieur, cornet moyen et cornet supérieur). Chaque minute, lorsque nous sommes au repos, nous inspirons – par le nez – et expirons – par la bouche – environ sept litres d'air (pour un adulte de corpulence moyenne).

Pourquoi inspirons-nous physiologiquement par le nez et non par la bouche ?

L'air que nous inspirons nécessite d'être réchauffé et humidifié avant de se répandre dans les voies respiratoires dites inférieures que sont la trachée, les bronches, les bronchioles et les alvéoles. Ce conditionnement thermique et hygrométrique de l'air inspiré s'effectue dans notre climatiseur interne que sont les fosses nasales. Les cornets sont des reliefs qui augmentent la surface d’échange et donc la performance de l’échangeur. En plus d'être réchauffé et humidifié, l'air inspiré est filtré de façon à lui enlever l'essentiel des particules étrangères indésirables. Il y a un préfiltre constitué justement des fossettes de narine qui sont tapissées de poils, ainsi qu'un filtre constitué des fosses nasales, en haut et en arrière. Si nous inspirons au contraire par la bouche, l'air qui parvient dans les voies respiratoires inférieures est sec et froid, ce qui est néfaste et désagréable. De plus, il n'est pas filtré et se trouve de ce fait chargé en particules environnementales plus ou moins dangereuses. En revanche, lorsque nous expirons, l’air expiratoire est un déchet pour l’élimination duquel la bouche convient parfaitement. Le fait de s’arracher les poils des fossettes de narine expose donc aux allergies et aux intoxications chroniques par certaines particules environnementales. Mais il y a bien plus grave. Comme nous l’expliquerons en deuxième partie, l’arrachage des poils de nez présente un risque infectieux très particulier et presque spécifique : celui de favoriser les infections à staphylocoque doré.

Quelles sont les infections dues au staphylocoque doré ?

Citons les plus fréquentes : panaris, furoncle, anthrax cutané, intoxication aiguë alimentaire, infection liée à un cathéter veineux, infection postopératoire, arthrite aiguë septique, ostéite aiguë septique, pneumonie, endocardite aiguë, septicémie, méningite, encéphalite, et d’autres encore. Toute infection à staphylocoque doré est potentiellement grave et peut aboutir au décès. De plus, les staphylocoques dorés sont très souvent peu sensibles aux antibiotiques et l’on se trouve parfois face à des difficultés thérapeutiques, en l’absence d’un choix suffisant d’antibiotiques bien adaptés à la situation précise du malade (à chaque type d’infection son type d’antibiotique préférentiel).

Quels problèmes de santé la disparition des poils du nez peut-elle causer, du plus bénin au plus sérieux ?

Les poils des fossettes de narine sont donc, comme nous l’avons vu précédemment, nécessaires à la santé. Le fait de les arracher comporte trois types d'inconvénients. Nous les envisagerons par ordre de gravité croissante.

Le premier inconvénient découle de ce que nous venons de voir. Les poils des fossettes de narine jouent le rôle de préfiltre pour l’air inspiré. Ils peuvent arrêter beaucoup de particules organiques (en particulier végétales) et de particules minérales. Chaque poil arraché contribue à la diminution de l’efficacité du filtre.

Le deuxième inconvénient porte sur le fait que la probabilité qu’un poil arraché véhicule un staphylocoque doré est grande ; dès lors, le lieu où va ensuite se trouver ce poil arraché risque fort d’être contaminé par ce staphylocoque doré, ainsi que les doigts qui l’ont arraché. C’est donc une source de contamination importante et dommageable. Ce geste peut ainsi être à l’origine d’une infection de l’œil, d’une plaie ou de la contamination d’un aliment.

Le troisième inconvénient est encore plus important. Les fossettes de narine constituent le site électif de la bactérie considérée comme l’ennemi public numéro un, à savoir le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus). Aussi curieux que cela puisse paraître – mais cela s’explique -, cette bactérie a une affinité toute particulière pour cette niche écologique de notre corps. Quand une personne est porteuse de ce staphylocoque doré (portage dit non symptomatique ou sain), il est systématiquement présent à cet endroit, en plus d’autres sites potentiels comme les aisselles et l’anus. Ainsi, arracher un poil de fossette de narine déclenche une inflammation du follicule pileux traumatisé, ce qui favorise une infection à staphylocoque doré. Cette dernière peut rester sans gravité ou bien au contraire s’envenimer et devenir très sérieuse, voire carrément grave et parfois mortelle.

Comment concilier au mieux hygiène et esthétique dans la manière dont on fait sa "toilette nasale" ?

La première chose à souligner est que la pilosité nasale est naturellement plus importante chez l’homme que chez la femme. Les poils des fossettes de narine de l’homme sont à la fois plus densément implantés, plus épais et plus longs. Il est peu fréquent qu’ils dépassent largement des narines chez la femme, au contraire de l’homme. Ces poils peuvent constituer une gêne esthétique ou fonctionnelle (ils peuvent entraîner une sensation désagréable de corps étranger). Ce sont en grande majorité les hommes qui s’arrachent les poils du nez, cette pratique étant rare chez la femme pour les raisons évoquées. Il arrive également que des poils retiennent des croûtes et l’élimination de ces dernières nécessite alors d’arracher les poils en cause. Enfin, cette pratique peu élégante pour le moins est parfois un véritable tic comportemental chez certaines personnes.

Le fait de s’arracher les poils du nez est donc une pratique préjudiciable, outre le fait qu’elle soit vraiment peu ragoûtante et même impolie quand elle a lieu en présence d’une autre personne. Si les poils sont gênants sur le plan esthétique ou fonctionnel, la seule chose à faire est de les couper. Cette tonte peut s’effectuer à l’aide de fins ciseaux, ou, mieux, grâce à une mini-tondeuse spéciale "poils de nez et d’oreille". Attention : cette mini-tondeuse, du moins dans son utilisation nasale, doit rester strictement individuelle, sans quoi le risque est important de se contaminer entre utilisateurs. Après la tonte, il est recommandé de désinfecter la tête de la mini-tondeuse à l’alcool éthylique ménager.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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