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Pourquoi y a-t-il beaucoup plus d'épidémies depuis ces dernières décennies ?
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Si Pasteur voyait ça

Le nombre d'épidémies a cru de près de 400% depuis les années 1980. Quelles en sont les raisons ?

Au cours de l'Histoire récente de l'humanité, les médecins ont assisté à l'émergence de trois à quatre pandémies grippales par siècle. Au 20ème, il y a eu la grande épidémie de 1918-1919, causant une quarantaine de millions de morts (soit plus que la Grande Guerre) ; celle de 1957, dite grippe asiatique ; celle de 1968, dite de Hong-Kong.

Pourtant, dans la dernière décennie, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché l'alerte pandémique maximale à quatre reprises : en 2009, pour la grippe H1N1 ; en 2014, pour la résurgence de la polio et pour Ebola ; en 2016, pour Zika. Autrement dit, il semble que ces virus mondiaux se répandent à une vitesse bien plus rapide qu'auparavant.

Des chercheurs de la Royal Society ont publié un rapport qui confirme cette observation : depuis le début des années 1980, le nombre d'épidémies s'est accru de près de 400%, et la maladie était causée par une bactérie ou un virus dans 90% des cas.

Qu'est-ce qui explique cette explosion ?

La globalisation

Il est frappant de constater que, fréquemment, les pathogènes mis en causes ne sont pas tout jeunes. Les scientifiques connaissent Zika depuis les années 1940, Ebola depuis les années 1970. Certains virus nous accompagnent depuis très longtemps, mais l'augmentation des flux humains entre les continents porte une importante part de responsabilité : en effet, quand les virus débarquent dans de nouvelles régions, ils prennent les docteurs et les systèmes immunitaires au dépourvu. Cela revient à dire que la mondialisation augmente les risques de pandémie.

Bien entendu, les mouvements de population facilitent la diffusion du virus : il suffit de penser à l'arrivée des colons espagnols en Amérique, qui apportèrent la variole, le choléra et la diphtérie dont la nouveauté contribua à décimer les indigènes. Mais la globalisation, en modifiant les rapports de production, fait apparaître des éléments nouveaux. Alexandre Delaigue l'explique, dans son livre Nos Phobies Économiques : "En matière d'élevage, par exemple, les producteurs de poussins ou de canetons sont très concentrés, quelques-uns assurant l'essentiel de la production mondiale. Ceci a pour effet de limiter le nombre d'espèces consommées et d'être la source potentielle d'une diffusion accélérée d'un virus d'origine aviaire, tel le H5N1 (puisque plus de personnes risquent de consommer la même viande contaminée)". Notons également que le trafic aérien mondial a doublé entre 1981 et 2006, facilitant la contamination : chaque seconde, nous comptons un décollage et un atterrissage.

À ce titre, Emily Oster, dans une étude récente de l'Université de Chicago, défend l'idée que les exportations sont liées à la propagation du sida en Afrique. Elle part du constat sociologique que les chauffeurs routiers ont un comportement sexuel plus à risque que d'autres groupes socio-professionnels, de même que leurs épouses pendant leurs longues absences. Elle en déduit que le risque de contamination par le VIH est corrélé à l'importance du trafic routier en provenance d'un pays. Ainsi, en Ouganda, "entre un tiers et la moitié des effets positifs attribués aux politiques d'information et de prévention seraient en réalité la seule conséquence d'une baisse des exportations du pays dans la décennie 1990 (suite à la baisse des prix mondiaux du café)".

La promiscuité

Plus de 50% de la population mondiale vit en ville, et dans les pays du Sud, la situation se rapproche d'un "désastre humanitaire" dans la mesure où l'urbanisation n'a pas du tout été planifiée, et où l'insalubrité est prégnante. De fait, Zika s'est très facilement propagé dans les favelas brésiliennes. En Amérique Latine, 113 millions de personnes vivent dans des bidonvilles (soit 1/5ème de la population totale) : les services de base ne peuvent être assurés. Sans eau courante, les habitants stockent des seaux d'eau qui favorisent le pullulement du moustique Aedes Aegypti, notamment responsable de la dengue et de la fièvre jaune ; et sans véritable ventilation, la chaleur des corps attire les insectes vecteurs de maladies.

La malnutrition, de plus, empêche les systèmes immunitaires d'être suffisamment préparés : on peut d'ailleurs observer que l'épidémie de peste noire du 14ème siècle avait été précédée de redoutables famines. Et les lacunes structurelles ne permettent pas aux pouvoirs publics de prévenir ou de réagir efficacement. Enfin, la pauvreté incite à adopter des comportements dangereux (prostitution, vente de sang ou d'organes) qui favorisent la propagation des épidémies.

Le réchauffement climatique

Les zoonoses sont les maladies virales qui requièrent un vecteur pour être transmises à l'homme. Le réchauffement peut conduire certaines espèces à se déplacer (dans la mesure de leurs capacités) et à infecter de nouvelles régions sans qu'un malade n'ait eu besoin de prendre l'avion.

De plus, la modification des écosystèmes et des paysages a un impact sur l'équilibre et les habitudes des espèces animales, dont l'habitat naturel est perturbé par la fragmentation des espaces (zones d'habitation, routes, etc.). C'est la raison pour laquelle les proies malades ne sont plus éliminées aussi minutieusement par les prédateurs qu'avant, ce qui en fait une source potentielle de transmission de virus. Or, la majorité des virus graves qui ont apparu dans les dernières décennies ont été contractés par les hommes auprès des animaux : VIH, H5N1, H1N1, etc.

Le succès des campagnes de prévention

Les programmes épidémiques ont perdu l'essentiel de leurs subventions dans les décennies suivant la deuxième guerre mondiale, étant donné que les maladies avaient disparu. Les autorités budgétaires nationales et internationales ne voyaient plus de raison de dépenser de l'argent pour surveiller une épidémie disparue. Les infrastructures ont été rendues obsolètes par le déplacement des priorités. Steven Hoffman, professeur de médecine, donne cet avis paradoxal : "On continue d'investir dans les technologies de pointe et dans les gadgets pour prolonger notre existence de quelques jours – par les thérapies de cellules souches ou la médecine personnalisée, etc. – alors que l'essentiel de la protection de notre santé repose sur des mesures de santé publique".

Droit de réponse

En 2009, l'OMS avait qualifié la diffusion de la grippe A de "pandémique", alors qu'après onze semaines, elle n'avait tué que 144 personnes – en comparaison, la grippe saisonnière fait 5 000 victimes annuelles en France. En comparaison, les pandémies précédentes se chiffraient en centaines de milliers de morts. La qualification de pandémie avait été permise par la modification de sa définition, réalisée par l'OMS quelques mois plus tôt : étaient considérées comme telles "plusieurs épidémies simultanées", tandis que l'importance du nombre de morts était supprimée. Cela peut expliquer l'accroissement du nombre de pandémies dans les dernières années. D'autant plus qu'en 2013, l'OMS avait à nouveau simplifié son système d'alertes. Quant à savoir quelles sont les raisons de ces modifications, certains avancent que le déclenchement du seuil d'alerte de l'OMS donne le signal d'une intense production de vaccins qui bénéficie à ceux qui les fabriquent.

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