Elisabeth II est-elle sur le point de voir éclater son Royaume ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Elisabeth II est-elle sur le point de voir éclater son Royaume ?
©Reuters

God save the queen

Contrairement à l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande du Nord ont toutes deux voté nettement pour rester au sein de l'Union européene, sans pour autant parvenir à faire basculer le résultat du vote vers le "Remain". Mais alors que nationalistes écossais et irlandais réclament d'ores et déjà des référendums d'indépendance, la couronne d'Elizabeth II et l'unité du royaume sont encore loin de vaciller.

Bruno Bernard

Bruno Bernard

Anciennement Arthur Young.
Ancien conseiller politique à l'Ambassade de Grande-Bretagne à Paris, Bruno Bernard est aujourd'hui directeur-adjoint de cabinet à la mairie du IXème arrondissement de Paris.

Voir la bio »

Atlantico : Le score relativement serré du référendum sur le Brexit démontre une certaine division de la société britannique. Alors que la reine Elizabeth II est censée incarner l'unité des Britanniques sans distinction politique, quelles conséquences le Brexit pourrait-il avoir sur elle ? Se dirige-t-on vers un effritement de la monarchie, ou les Britanniques peuvent-ils au contraire se regrouper autour de leur souverain en ces temps d'instabilité politique, économique et sociale ?

Bruno Bernard : Je pense qu'effectivement la reine et la monarchie plus généralement vont permettre de créer un pôle stabilisateur qui sera certainement utile. Néanmoins, il est encore un peu trop tôt suite à ce référendum pour savoir si la reine et la monarchie vont s'impliquer dans ce rôle-là. Cela dépendra principalement, selon moi, de l'attitude du parti conservateur. Va-t-on rester dans le flou politique vis-à-vis du statut de David Cameron ? Quel Premier ministre va sortir de ce Brexit ? Quel gouvernement ? Ce flou fait qu'aujourd'hui, le pôle stabilisateur de la Grande-Bretagne n'est pas encore tout à fait trouvé, même si naturellement, ce serait la reine. Il ne faut pas oublier quand même que la reine est certainement beaucoup plus populaire en Angleterre, qui a voté pour quitter l'Union européenne, qu'en Ecosse ou même en Irlande du nord.

Dans tous les cas, je ne pense pas que le Brexit soit une réelle menace pour l'unité de la Grande-Bretagne.

Alors que l'Ecosse a voté à 62% pour le maintien dans l'Union européenne, la Première ministre Nicola Sturgeon a déclaré ce vendredi que l'option d'un nouveau référendum pour l'indépendance écossaise était "sur la table". Cette option est-elle réellement envisageable, deux ans après le "non" au référendum de 2014 ? À quel point le Brexit change-t-il la donne pour les Ecossais ?

Nicola Sturgeon est ici dans son rôle d'indépendantiste écossaise. Elle avait annoncé qu'elle le ferait, elle le fera. Je pense toutefois que cela commence à devenir un peu plus compliqué de multiplier les référendums. Cela crée une situation quelque peu confuse politiquement. Il sera nécessaire de se poser la question, mais effectivement le parti nationaliste écossais va essayer de tout faire pour obtenir un référendum rapide. Il faudra attendre au minimum un an, voire plus, pour remettre ça sur le tapis. Dans ce cas-là, cela serait d'ici deux ans, et d'ici deux ans, les négociations de séparation avec l'Union européenne – on peut l'espérer – seront arrivées au bout.

Je ne pense donc pas que ce soit pour tout de suite. Il faudra voir : les Ecossais vont pouvoir mesurer l'impact réel de ce Brexit sur leur vie quotidienne. On peut faire de grandes déclarations maintenant, mais si au bout d'un an ou deux, on n'observe pas d'impact sur le pouvoir d'achat, le prix des matières premières, etc., ce ne seront pas les meilleures conditions. Peut-être qu'à ce moment-là, un référendum éventuel serait remis en question.

De même, l'Irlande du Nord a elle aussi voté pour rester dans l'UE (56%), contrairement à l'Angleterre. Alors que la frontière avec l'Irlande devra vraisemblablement être réinstaurée, le Sinn Fein, actif au nord comme au sud, appelle lui aussi à un référendum sur l'unité de l'Irlande. Là encore, l'unité du Royaume-Uni peut-elle être menacée par le Brexit ? L'attachement de l'Irlande du Nord à l'Union peut-elle souffrir du résultat de ce vote ?

Je pense que l'Irlande du Nord reste majoritairement en faveur du maintien de l'union avec la Grande-Bretagne. Politiquement, ce sont les loyalistes qui sont en majorité, pas les républicains. Si le Sinn Fein participe au gouvernement, c'est en raison d'un accord politique, pas parce qu'ils sont majoritaires.

De plus, je rappelle qu'étant hors-Schengen, les frontières britanniques sont toujours censées exister. Matériellement, vous vous en rendez compte quand vous prenez l'Eurostar. Je pense fondamentalement que les règles en vigueur désormais pourront continuer à s'appliquer. Elles seront juste négociées différemment, d'États entre États (l'Irlande et le Royaume-Uni règleront l'un avec l'autre cette question de frontière). En l'absence de participation de la Grande-Bretagne à Schengen, l'impact sera à mon sens assez minime.

Je ne vois pas l'Irlande du Nord se lancer dans une aventure réunificatrice. L'indépendance, c'est une chose, mais l'indépendance selon le Sinn Fein mènerait à la réunification. Cela signifierait rallumer le conflit vieux de plusieurs siècles, et les protestants loyalistes n'ont pas du tout envie de se retrouver en minorité face aux républicains catholiques. Mais là, on rentre dans l'histoire de l'Irlande. Je ne pense pas que ces gens-là prendront le risque de rallumer cette guerre, puisque c'était quand même une guerre civile.

Le vrai point d'interrogation reste l'Ecosse, mais à mon sens c'est un peu tôt pour se relancer dans un nouveau référendum. Cela se jouera beaucoup sur les deux ans à venir. Si pendant deux ans, il n'y a plus ni lumière ni chauffage ni rien qui fonctionne en Grande-Bretagne à cause de la sortie de l'Union européenne, là d'accord. Mais un tel impact est encore fort hypothétique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !