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Dégradation inattendue de la conjoncture économique au mois de juin : le “ça va mieux” de François Hollande aurait-il déjà fait long feu ?
©POOL New / Reuters

Feu-follet

L'Insee et l'institut Markit ont récemment publié deux analyses complémentaires sur la conjoncture de la France en juin 2016. Les résultats ne sont pas rassurants.

Eric Heyer

Eric Heyer

Éric Heyer est Directeur adjoint au Département analyse et prévision de l'OFCE (observatoire français des conjonctures économiques - centre de recherche en économie de Sciences Po).

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Atlantico : Selon le dernier point de conjoncture publié par l'Insee, le climat des affaires se replie en juin 2016, pour en revenir à son niveau moyen de long terme. L'institut Markit propose une analyse similaire, dans la mesure où il est estimé que l'activité du secteur privé se replie pour la première fois en juin depuis 4 mois : l'indice de l'activité globale en France repasse en dessous de 50, signe de contraction pour ce mois de juin. Comment expliquer ce tassement pour le mois de juin, quels sont les secteurs touchés ? La gestion des mouvements sociaux par le gouvernement peut-elle être mise en cause ?

Eric Heyer : Ce tassement touche essentiellement le secteur de l'industrie. Celui de la construction est en train de redémarrer tandis que les services restent relativement stables. En restant prudent, on peut potentiellement y voir les effets des grèves et des intempéries, davantage que l'impact d'un climat général. En effet, quand on rentre dans le détail des questions explorées par l'Insee, on constate que ce qui a chuté, c'est essentiellement la production. Pas les perspectives à venir. A défaut d'être encourageant, ce n'est pas "trop" décourageant. Cela permet d'anticiper des perspectives en hausse. C'est ce qui permet de dire que cette situation ne serait qu'un "petit hoquet" lié à cette période mouvementée par les grèves et les inondations. 

On peut effectivement mettre en cause la  gestion des mouvements sociaux par le gouvernement. C'est, du moins, la première lecture de la situation actuelle. La deuxième lecture est de prendre en compte que le fait de revenir à 100 consiste à revenir au niveau tendanciel de l'économie, qui se situe globalement à un rythme de croissance du PIB de 0.3 à 0.4% par trimestre. Cela correspond tout à fait aux perspectives de croissance avancées par l'Insee qui estime que, dans les prochains trimestres, la croissance devrait être de 0.3% à 0.4% par trimestre. Ce qui correspond à une croissance annule d'1.6%. Concrètement, il s'agit d'une croissance en accélération par rapport aux années précédentes, qui permet la création d'emplois – suffisamment pour faire baisser le chômage – mais demeure une reprise faible. Particulièrement, compte-tenu de l'espoir que l'on pouvait placer dans la perspective d'une reprise. Dans le cadre d'une reprise, l'ampleur de la croissance est généralement bien supérieure à celle-ci : elle correspond le plus souvent à des valeurs de 2.5%. C'est décevant, mais c'est un niveau moyen. 

Le "ça va mieux" revendiqué par François Hollande ces derniers mois est-il en danger ? L'amélioration observée sur le front de l'emploi depuis le début de l'année est-elle en danger pour les prochains mois ? Malgré ces améliorations, peut-on vraiment se contenter d'un tel niveau de croissance ? L'accepter comme un rythme de croisière ne correspondrait-il pas, in fine, à un renoncement ?

Nous sommes actuellement sur un niveau de croissance de 1.6%. À un tel niveau, on peut effectivement dire que cela va mieux, parce qu'il permet la baisse du chômage. Une baisse faible, certes, mais une baisse. Il permet la baisse – faible, là encore – des déficits. À partir de là, de ce type de rythmes sur lesquels on est aujourd'hui, cela commence en effet à aller mieux. Cependant, cela reste particulièrement léger comme reprise économique (qui ne commence qu'à partir de 1.3% de croissance). Il ne faut pas non plus oublier que nous ne sommes pas à l'abri d'une très mauvaise nouvelle exogène – comme pourrait l'être le Brexit – susceptible de remettre en question cette fragile reprise.

Ce qu'il y a d'intéressant avec les chiffres de la comptabilité nationale c'est que cette croissance, qui n'est pas de grande ampleur, n'en est pas moins solide. Elle ne repose pas sur un seul moteur mais bien sur plusieurs : la consommation, l'investissement des entreprises, la création d'emplois. Certes, il s'agit de petits moteurs, mais avoir ces trois acteurs en marche au même moment permet la mise en place d'un cercle vertueux : ils s'auto-entretiennent. La consommation a, dans un premier temps, été soutenue par la baisse du prix du pétrole qui générait un plus grand pouvoir d'achat. Aujourd'hui, cela a créé des emplois, qui ont eux-mêmes généré de la distribution de salaires. Ce pouvoir d'achat n'est donc plus entraîné par la baisse du prix du baril mais par la création d'emplois. De facto, la consommation se maintient, les entreprises redémarrent, investissent plus, créant donc plus de croissance et, au final, plus d'emplois. Néanmoins, même si la machine tourne aujourd'hui, elle tourne à faible régime et il devient crucial de faire attention de ne pas caler, bien que les chiffres dont on dispose à ce jour ne mettent pas en lumière ce risque.

Il est évident que nous ne devons pas nous contenter d'un tel rythme : 1.6% de croissance annuel permet de faire baisser le chômage d'environ 0.2 à 0.3 point par an. Si on se contente uniquement de la croissance économique pour faire baisser le chômage, en fin d'année le chômage sera passé de 10% à 9.7%. C'est sensiblement la même chose. Il faut accompagner et soutenir cette croissance économique, pour qu'elle puisse créer plus d'emplois et gagner en dynamisme. Les pistes que l'on pourrait mettre en œuvre sont essentiellement européennes et portent sur une coopération des Etats (mise en place de grands plans d'investissement dans la transition écologique, dans l'innovation, dans la robotique ; lever le pied sur l'austérité dans les pays européens ; etc.). Nous sommes actuellement dans la moyenne des pays européens (la croissance en zone euro est également de 1.6%), ce qui justifierait qu'à l'échelle européenne on mette en place de telles politiques pour passer, comme aux États-Unis ou au Royaume-Uni, de 1.6% par an à 2.5%. C'est grâce à des politiques macro-économiques plus actives que ces pays parviennent à de tels résultats. 

Cependant, il existe aussi quelques choix français : on peut très bien, à budget identique, avoir une stratégie différente. Reprenons l'exemple du pacte de responsabilité dont la dernière tranche doit être votée en 2017 : il y est prévu 11 milliards de baisses d'impôts. Ce sont essentiellement les grandes entreprises qui en profiteront, dans la mesure où les plus petites ont déjà eu accès à des baisses. Or, on sait que c'est quelque chose qui n'est pas particulièrement rentable, dans la mesure où ces entreprises connaissent moins de difficultés et ne créeront pas d'emplois ni n'investiront beaucoup plus. Il serait plus efficace de distribuer ces 11 milliards sous forme de crédits d'impôt à l'investissement, permettant donc aux entreprises qui investissent dans certains secteurs (recherche, robotique, par exemple) de bénéficier de tels crédits. Concrètement, cela boosterait très fortement l'investissement à très court terme et permettrait donc de relancer beaucoup plus la machine France, sans avoir besoin de l'Europe sur cette thématique… qui n'en reste pas moins indispensable pour dégager des marges de manœuvre.

De quoi la France est-elle capable dans les faits ? Quel pourrait-être son potentiel ?

C'est une grande question, à laquelle personne n'a de réponse exacte et où il n'est guère possible de donner autre chose qu'une évaluation. L'économie n'est pas une science exacte, dure, et il peut donc y avoir autant d'évaluations que d'économistes – ce qui n'exclut pas de tomber parfois d'accord.

À mes yeux, le rythme normal de croissance de l'économie française, c'est 1.3% par an. Cependant, le niveau de production français est en-dessous de son potentiel : on a à peu près 2 points et demi à 3 points de retard. Ces points de retard doivent être rattrapés. S'il fallait les rattraper sur 4 ans,  par exemple, cela représenterait un gain potentiel de 0.6% de croissance par an. Ce qui permettrait à la France d'afficher une croissance de 1.9% pendant 4 ans, sans choc – qu'il soit positif ou négatif.

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