Les ennemis de mes ennemis sont mes amis
La chienlit : pourquoi la colère de leurs électeurs surprend jusqu’aux députés Républicains, au point que certains envisagent de voter la motion de censure de gauche
Les électeurs de droite sont, plus que jamais, remontés contre François Hollande et Manuel Valls qui peinent à contenir les grèves, les manifestations et les débordements qui les entourent. Une colère qui pourrait pousser les députés Les Républicains à soutenir une motion de censure de gauche.
Christelle Bertrand
Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.
Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncée, raconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).
Rien n'est calé et personne, à droite, ne veut encore y songer officiellement. Mais tous préparent le terrain. Pèsent le pour et le contre et surtout n'excluent rien. Nicolas Sarkozy le premier. Que faire quand sonnera l'heure du vote ? Quel camp choisir lorsque, de retour à l'Assemblée nationale, la loi Travail provoquera une nouvelle utilisation du 49-3 de la part du gouvernement ? "Ce qui est certain, c'est que nous déposerons notre propre motion de censure. Nous sommes l'opposition, c'est notre rôle", explique-t-on au groupe LR à l'Assemblée. C'est aussi ce qu'a affirmé Nicolas Sarkozy lors d'une interview accordée, le 2 juin, à Valeurs Actuelles : "Il y aura d'abord une motion de censure déposée par l'opposition. Je sais que de nombreux parlementaires dans nos rangs, poussés par des électeurs exaspérés, voudront aller plus loin et voter la motion déposée par une partie de la gauche contre ce gouvernement. Quant à moi, je réserve ma réponse pour le jour où la question se posera réellement, en pensant d'abord à l'intérêt du pays. Mais de là à imaginer que la droite soutienne François Hollande, il y a un pas que je ne suis pas prêt de franchir".
Si la réponse de l'ancien Président est légèrement alambiquée, c'est que la situation des députés LR n'est pas simple. En effet, sur le terrain, les électeurs sont de plus en plus en colère et comprennent difficilement que la droite ne renverse pas le gouvernement, quels qu'en soient les moyens, motion de censure de droite ou de gauche. D’où la question qui se pose de soutenir, comme l'ont déjà proposé Jean-Christophe Lagarde, Eric Ciotti et Guillaume Larrivé, la motion de censure qui sera déposée, sans grande surprise, par les frondeurs. Un député breton explique : "Nos électeurs veulent dégager ce gouvernement et ils se fichent éperdument de la méthode. Qui a déjà lu un texte de motion de censure, qu'il soit de gauche ou de droite? Tout le monde s'en fiche, l'important c'est le résultat".
La dernière réunion du groupe LR à l'Assemblée nationale, qui s'est tenue juste après le double meurtre de Magnanville et les dégradations à l'hôpital Necker, est révélatrice de l'étape des troupes. "L'ambiance était extrêmement émotionnelle", confie l'un des participants qui ajoute "les électeurs ne supportent plus les grèves. La province est très impactée, beaucoup plus que Paris, les gens sont exaspérés, ils ne comprennent pas que François Hollande ne soit pas plus ferme, qu'il n'y ait pas d'interdiction. Ils sont très en colère".
Et un proche de Nicolas Sarkozy d'ajouter : "Les députés sont très remontés car leurs électeurs leur mettent la pression, la défiance envers François Hollande et Manuel Valls est pire que tout ce que l'on a connu jusqu'alors, pire qu'à l'époque d'Edith Cresson. Les parlementaires sont donc tentés d'aller très loin en soutenant une motion de censure de gauche". Mais la direction des LR, elle, est plus prudente et Nicolas Sarkozy réfléchit encore. "Il ne prendra aucune décision avant le mois de juillet, date à laquelle le texte reviendra à l'Assemblée. On ne sait même pas si cette motion de gauche existera vraiment", explique un proche. "Ce qui est certain, c'est que l'on va essayer d'avoir, sur la question, une position commune, or il y a aussi des députés qui sont très opposés à l'idée de soutenir un texte de gauche", complète-t-on au groupe. Nicolas Sarkozy lui-même n'a jamais été partisan d'associer ses forces à celles de la gauche. De brouiller les lignes. Mais il ne s'interdit rien. Et adaptera, aussi, son attitude à celle de ses concurrents à la primaire qui restent, pour l'instant, silencieux sur le sujet. Pas un mot donc, avant début juillet. Mais un indice a, d'ores et déjà, été livré par l'ancien chef de l'Etat lui-même : "De là à imaginer que la droite soutienne François Hollande, il y a un pas que je ne suis pas prêt de franchir".
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