World War Web : Anonymous, c'est l'e-Al Qaïda ! <!-- --> | Atlantico.fr
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La devise des Anonymous "Nous sommes anonymes. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Attendez-vous à nous voir" fait peur.
La devise des Anonymous "Nous sommes anonymes. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Attendez-vous à nous voir" fait peur.
©Reuters

La guerre des hackers

Groupement international de hackers, Anonymous lance la riposte suite à la fermeture de Megaupload. Organisation secrète, elle rappelle par son mode opératoire une autre "base" célèbre...

Matthieu Creux

Matthieu Creux

Matthieu Creux est blogueur politique sur Le Mal Pensant.

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Anonymous : ces gamins bricoleurs contre lesquels les Etats ne peuvent guère lutter
et La fermeture de Megaupload va entrainer la radicalisation des hackers

Si Tom Cruise n'avait pas été scientologue, le site de la Hadopi n'aurait probablement pas été piraté vendredi soir. Surprenant ? Pas tant que ça. Entre la scientologie et l'attaque par déni de service d'un certain nombre de sites Internet parmi lesquels celui du FBI, du ministère de la Justice américaine ou, en France, celui de la Hadopi et dimanche soir de Vivendi, il existe un double lien : le forum américain 4chan et les Anonymous. 

En quelques lignes pour les néophytes, 4chan.org est l'un des plus grands forums anglophones du monde. Chaque internaute y poste une image, à ranger dans plusieurs rubriques. Chaque jour, plus de 200 000 images sont postées et consultées aléatoirement. Il n'y aucune modération : liberté de pensée et de parole absolue. On y trouve donc de tout : photos humoristiques, zoophilie, tortionnaire de chats, etc…

En 2008, plusieurs vidéos volées font le tour du Web montrant Tom Cruise faire du prosélytisme pour la scientologie lors d'une réunion interne au mouvement. Les avocats de la scientologie saisissent alors la justice pour les faire retirer de Youtube. En réaction à ce que les internautes de 4chan considéreront comme de la censure naîtra le premier mouvement de contestation porté par les désormais célèbres "Anonymous", émanation radicalisée d'un forum de geeks et de hackers souvent encore adolescents.

Leur spécialité : attaquer par déni de service (expliqué simplement : submerger une page Internet de requêtes pour bloquer le serveur en le saturant et faire sauter le site) la constellation de sites liés aux censeurs. Et quelques autres extras comme inventer les LOLcats, pirater la boite email de Sarah Palin ou retrouver les tortionnaires d'un chat sauvage

Ce cybermouvement en est à son cinquième combat médiatique d'envergure (bien d'autres étant restés plus discrets) :

  • En 2008, les sites scientologues afficheront donc écran noir ("Projet Chanology", pour 4chan + Scientologie). 
  • En décembre 2010, Anonymous soutient et venge Julian Assange en attaquant les institutions qui ont limité les moyens (notamment financiers) de Wikileaks, comme Paypal.  
  • En janvier 2011, l'OpTunisia fait tomber des sites gouvernementaux tunisiens. S'en suivront des actions contre l'Egypte, la Libye et aujourd'hui encore contre la Syrie.
  • En avril 2011, à la suite des mesures prises par Sony contre plusieurs hackers, dont le très jeune pirate GeoHot qui fut le premier à réussir à pirater la Playstation 3 et à pirater la version 4.1 de l'iOS d'Apple, les Anonymous s'attaquent aux données personnelles conservées dans le "PlayStation Network" de Sony. 
  • En janvier 2012, la fermeture du site de streaming MegaUpload provoque leur colère, et selon le bon principe "action, réaction" théorisé le personnage de François Berléand dans le film de Christophe Barratier, les Anonymous vont s'activer pour pénaliser tous les bénéficiaires ou acteurs de l'arrestation des fondateurs du site.



Certains ont parlé de "World War Web" pour illustrer ce scénario où les États et les grands groupes sont provoqués en duel à chaque initiative contraignante pour ces idéologues libertaires du tout gratuit, tout autorisé. Sans conteste, il s'agit d'une vraie guerre froide électronique. Il n'y a pas de morts mais les dégâts matériels et financiers sont importants. Les services de renseignement des Etats recrutent à tour de bras des ingénieurs spécialisés pour contrer ces attaques (et parfois y contribuer ?). Les entreprises se protègent comme elles peuvent lorsque d'autres abandonnent (comme Hadopi), certains de ne pas pouvoir résister, et regardent donc béa leurs sites Internet afficher le masque de Guy Fawkes, sourire aux lèvres, symbole des Anonymous.

Cette filiation visuelle avec l'anarchiste qui voulait faire sauter la Chambre des Lords anglaise en 1605, ce mode opératoire guerrier et cette systématisation de la suppression (virtuelle) de ses opposants (légitimes, au sens wébérien) rapprochent les Anonymous du terrorisme. La définition communément admise du cyber-terrorisme leur va d'ailleurs très bien : selon Kevin G. Coleman, l'un des plus grands spécialistes internationaux, il s'agit de "l'utilisation préméditée des activités perturbatrices, ou la menace de celle-ci, contre des ordinateurs et/ou réseaux, dans l'intention de causer un préjudice ou encore social, idéologique, religieuse, politique ou des objectifs similaires, ou pour intimider toute personne dans la poursuite de tels objectifs".

Un parallèle est d'ailleurs de plus en plus justifié : Anonymous serait une sorte d'Al-Qaida du Web. Après tout, Al-Qaida, en arabe, veut dire "la base" (de donnée). Le terrorisme anonyme comme moyen commun, des fidèles identiquement déstructurés et isolés les uns des autres, une marque mondialement connue dont on peut se revendiquer sans être préalablement reconnu par l'Organisation, une stratégie médiatique très étudiée donnant l'impression d'être le David contre les Goliath, une idéologie contestataire protégeant une identité sans frontière... d'un point de vue sociologique, les points communs sont forts et indéniables.

La devise des Anonymous "Nous sommes anonymes. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Attendez-vous à nous voir" fait peur. Le mouvement de plus en plus international se rallie à de plus en plus de causes très diverses : soutien des étudiants iraniens mobilisés contre les élections truquées par le régime, défense des altermondialistes "indignés" en soutenant les contestataires d'Occupy Wall Street, face-à-face avec le cartel mexicain de la drogue Los Zetas pour défendre un hacker politique, hackage du Tea Party aux Etats-Unis qui s'était prononcé contre le mariage homosexuel et avait utilisé une citation volée aux Anonymous, attaque du parti conservateur irlandais Fine Gael, sabotage des infrastructures informatiques de l'église protestante Westboro... Les États sont tous concernés tour à tour : banque fédérale américaine, site de l'Elysée, gouvernement malaisien, armée israelienne, Nigéria, Pologne.

En trois ans d'existence, aucun leader incarné n'a émergé. A chaque tête coupée, cent repoussent. Mieux que l'Hydre de Lerne. Un bémol : pour quel résultat ? Une visibilité médiatique, certes. Quelques reculs législatifs, parfois, souvent éphémères, comme ce sera probablement le cas pour les projets de lois américains SOPA/PIPA. Mais jamais rien de définitif, ou presque. Hadopi existe toujours, Ahmadinejad gouverne encore, Kadhafi n'est pas tombé parce que son blog n'était plus en ligne et les indignés continueront de s'indigner longtemps.

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