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Trou d'air ou début de la chute ? Pourquoi les Français ont des doutes grandissants sur la capacité d'Alain Juppé à réformer le pays
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Le spectre de 1995

Selon un sondage pour Itélé, le maire de Bordeaux perd 13 points sur sa "capacité à réformer". D'une manière générale, les enquêtes d'opinion montrent que son socle s'érode depuis plusieurs mois.

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'Ifop et directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise.

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Atlantico : Comment expliquer cette baisse ? Est-ce qu'il s'agit d'un trou d'air ponctuel, dans un contexte médiatique marqué par les revendications sociales qui peuvent rappeler 1995, ou cette tendance est-elle liée à un problème plus profond, qui, selon votre sondage, pourrait être lié aux traits de personnalité d'Alain Juppé ? Quelles sont les causes de ce mouvement ?

Frédéric Dabi : On observe une dégradation globale de l'image d'Alain Juppé, que ce soit en termes de popularité, d'intentions de vote, ou des traits d'image. Deux ensembles électoraux sont à considérer dans cette enquête : le grand public, et les sympathisants républicains qui sont plus à même de voter au premier tour de la primaire au mois de novembre prochain. Si l'échantillon de ce premier ensemble, de 1000 personnes, permet de réduire les marges d'erreur, l'autre échantillon "utile" à l'approche de la primaire est plus restreint (environ 250 répondants).  

Pour vous répondre, personne ne peut dire si cette érosion est conjoncturelle ou liée à un sentiment plus profond pour le moment. Et d'ailleurs,cette enquête donne des indicateurs d'image et non d'élection : on peut remporter une élection présidentielle avec une image contrastée, en témoigne l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007 qui avait autant de bonnes que de mauvaises opinions dans les enquêtes ; et à l'inverse on peut perdre une élection à plate couture avec une image extrêmement positive.

Pour autant, je pense que cette détérioration d'Alain Juppé que ce soit auprès du grand public ou auprès des sympathisants LR est liée à un fort effet conjoncturel. En réalité la question qui a été posée pour cette enquête est celle de l'autorité. Et dans le contexte actuel, où l'électorat de droite a un sentiment de délitement, d'absence d'autorité à la tête de l'Etat, Nicolas Sarkozy bénéficie à plein de ce manque. Il tire les bénéfices de l'image qu'il a laissée lors de son passage place Beauvau entre 2002 et 2007. Lorsqu'il a qualifié les événements sociaux, et l'attaque de la voiture de police par les manifestants de "chienlit", il a sans doute marqué des points face à Alain Juppé qui a lui été plus silencieux. 

Ces mouvements sociaux ont également réactivé la séquence de 1995 où Alain Juppé était Premier ministre contre Nicolas Sarkozy qui n'a pas reculé en 2010 lors de la réforme des retraites malgré 10 journées d'action nationales. C'est ce qui me fait dire qu'il y a une forte part de conjoncturel. La question sera de savoir si cette dégradation se confirme dans les prochaines enquêtes.

Toujours selon votre enquête, c'est Nicolas Sarkozy qui apparaît comme le plus crédible parmi les candidats potentiels à la primaire de novembre prochain, avec 16 points d'avance sur Alain Juppé. De plus, il apparaît que Bruno Le Maire semble récolter les fruits de ce trou d'air concernant le maire de Bordeaux. Quels sont les flux à observer entre les différents candidats ?

Dans les médias et chez les commentateurs de la vie politique, la présentation du rapport de force électoral à 5 mois et demi du premier tour de la primaire semble se dessiner autour d'un match Juppé-Sarkozy. Entre 1997 et 2002, on nous avait également seriné avec un match Chirac-Jospin, comme si les autres hypothèses n'étaient pas possibles. Or dans ce sondage, on voit bien que l'on n'est pas sur ce match Sarkozy-Juppé. Ce dernier recul sur l'ensemble des traits d'images, mais cela ne se traduit pas pour autant par une progression extraordinaire de Nicolas Sarkozy. En fait, on se retrouve avec une égalité quasiment parfaite entre les deux. 

Celui qui marque des points en termes d'image, c'est effectivement Bruno Le Maire. Il réussit à incarner la capacité à renouveler la classe politique actuelle. On a l'impression, à lire cette enquête, qu'il est parvenu à sortir du slogan du renouveau pour l'incarner réellement. Il apparaît donc comme crédible pour tenir ses promesses, et pour renouveler le pays. C'est peut-être le paradoxe de cette enquête : il n'existe pas de jeu de vases communiquant entre Juppé et Sarkozy : Juppé recule, Nicolas Sarkozy est stable sur l'ensemble et Bruno Le Maire qui en profite. François Fillon, lui, ne progresse pas. 

Quelles sont les catégories de populations les plus concernées par ce rapide mouvement ?

Auprès des électeurs de droite, ceux qui sont les plus à même de se déplacer pour aller voter à la primaire sont les seniors. Jusqu'à présent, le prochain président séduisait surtout les jeunes sympathisants de droite. Mais on voit ici que Nicolas Sarkozy réussit à renouer avec les seniors puisqu'il gagne 5 points auprès d'eux sur sa capacité à tenir ses promesses. Sur la proximité avec les préoccupations des français il gagne 6 points aussi. 

En parallèle, Alain Juppé voit son image se dégrader. Et sur toutes les dimensions, Bruno Le Maire progresse. On peut donc dire, en regardant dans le détail de ce segment de la population, que Alain Juppé baisse même s'il réussit à limiter les dégâts, que Bruno Le Maire perce, et que Nicolas Sarkozy réussit à séduire de nouvelles catégories de la population.

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