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Eric Woerth : "Tout faire pour développer les entreprises car ce sont elles qui créent des emplois, voilà ce qui relève de l'intérêt général"
©Reuters-Pawel Kopczynski

Interview politique

Pour l'ancien ministre du Travail, auteur de la réforme des retraites, le gouvernement a fait l'erreur de ne pas expliquer en amont le contenu de la loi El Khomri.

Google et Yahoo, internet

Eric Woerth

Né en 1956 dans l’Oise, département dont il est député depuis 2002, Éric Woerth a été secrétaire d’État à la Réforme de l’État sous le gouvernement Raffarin, puis ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État de 2007 à mars 2010 et ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique en 2010 au sein des deux premiers gouvernements Fillon. Actuellement, Eric Woerth est Secrétaire général des Républicains. Les éditions de l’Archipel ont publié sa biographie du duc d’Aumale (2006). Depuis 1995, il est maire de Chantilly.

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Atlantico : Vous avez été ministre du Travail lors du précédent quinquennat, et vous avez notamment eu la charge de négocier avec les partenaires sociaux la mise en place de la réforme faisant passer l'âge légal du départ à la retraite de 60 à 62 ans. Quelles différences observez-vous entre 2010 et aujourd'hui, tant en termes de négociations avec les syndicats qu'avec l'opinion publique ? Le contexte est-il plus favorable aujourd'hui à des réformes sociales ?

Eric Woerth : Le projet de réforme des retraites de 2010 n'a rien à voir avec celui de la loi Travail de 2016. Nous avions un projet solide, un projet qui avait fait l'objet de beaucoup de préparation et d'explication à la population, et une majorité unie sur laquelle nous pouvions compter. Nous étions convaincus de l'intérêt général que représentait cette réforme qui consistait à briser le mur des 60 ans.

Sur le cheminement du texte en lui-même, il n'y a pas eu de négociations avec les syndicats car nous savions bien qu'il n'y aurait pas de compromis possible. C’était clair dès le début.

Nous avons en revanche discuté avec eux tout au long de l’élaboration de la réforme. Un grand nombre de documents intermédiaires d'explication du projet et d’avancée du projet ont été produits. Lors de sa présentation, les mobilisations dans la rue ont commencé. Mais le lien a toujours été maintenu avec eux. Les blocages des raffineries et des dépôts de carburant ont donné lieu à une réponse immédiate et très ferme de la part du président. Et nous avons mis un terme aux tentatives de soulèvement et de manipulation des lycéens. Au final, le texte a été voté, sans recours au 49.3, et les contestations se sont éteintes d'elles-mêmes.

En l'occurrence, le projet de loi El Khomri, s'il était bon dans sa première version, a été tellement changé que, de facto, il a été retiré. Il rend le droit du travail plus compliqué qu’avant. C'est donc devenu un mauvais texte. 

Cette méthode que vous décrivez, qui consiste à maintenir un lien avec les syndicats sans les inclure dans les négociations, pourrait-elle être adaptée si la droite remportait l'élection présidentielle ?

Je pense qu'il faut absolument éviter la brutalité, car la brutalité appelle la brutalité. Il faut faire énormément de pédagogie. François Hollande n'en a fait aucune. Car au fond, il n'est pas intuitif de penser que faciliter les licenciements permettra de faire baisser le chômage, il faut l’expliquer !

A la veille d'une élection présidentielle, il faut expliquer au fur et à mesure ce que nous allons faire dans le projet des Républicains que présentera Nicolas Sarkozy le 2 juillet, pendant la primaire, puis lors de la campagne présidentielle elle-même. Si c'est notre candidat qui l'emporte en 2017, il aura ainsi pu expliquer pendant plusieurs mois son projet. Beaucoup expliquer avant pour pouvoir agir vite et fort après.

Si les Français s'opposent majoritairement aux méthodes pratiquées par certains syndicats comme la CGT, ils sont plus divisés sur le projet de loi El Khomri. D'ailleurs, un sondage Ifop pour Atlantico montre que la conversion des Français au libéralisme et à ses propositions est loin d'être actée, même chez les électeurs de droite. Comment pensez-vous qu'il faut s'adresser à eux pour réussir la réforme du modèle social français que vous appelez de vos vœux ?

Les questions dans les sondages sont souvent mal posées : le mot "libéralisme" fait peur alors que celui de liberté réunit tous les suffrages. Le projet des Républicains, c’est à la fois donner plus de liberté dans l'action économique, insuffler l’esprit d’un véritable humanisme et retrouver partout de l’autorité.

Il y a, d'un côté, ce qui relève de l'intérêt général et de l'autre ce qui n'en relève pas. Beaucoup de Français travaillent plus de 35 heures, les artisans, les cadres … Cette réglementation est donc un carcan qui ne correspond pas aux nécessités des entreprises. Ce que nous voulons, c'est qu'elles puissent déterminer elles-mêmes ce dont elles ont besoin, qu'elles soient libres. Je pense par ailleurs que l'entreprise est aujourd'hui l’une des cellules de base de la société française. Ce sont elles qui créent la richesse. Des entreprises qui fonctionnent bien, c’est plus de protection pour les salariés ! Tout doit être fait pour les développer, et donc développer l'emploi en France. Voilà ce qui relève de l'intérêt général.

Chez les Républicains, nous souhaitons mettre en place ce que nos voisins ont déjà mis en place, et qui marche. Cela relève du pragmatisme !

Cette semaine, un autre sondage Ifop pour Atlantico montre qu'une majorité de Français pense que les ténors actuels de la droite ne feraient pas mieux que l'actuel gouvernement. Comment interprétez-vous ce résultat ?

On peut faire dire tout et n'importe quoi aux sondages. Bien sûr, la politique est fragilisée, tout comme la France. Le tissu social de notre nation est prêt à se déchirer. Les Français sont en colère, en manque de repères, en besoin d’autorité.

Je pense que la seule manière de retrouver la confiance des Français est d'avoir des propositions d'alternance claires et solides. C'est la qualité de nos réponses, et l'impact qu'elles auront sur le quotidien des Français qui compte. Si nous n'y parvenons pas, alors la France risque de sombrer dans des aventures populistes dont elle ne se remettra pas.

Vous avez déclaré mi-mai sur France Info que "Nicolas [est] un candidat extrêmement solide". Nicolas Sarkozy a réussi à reprendre la tête de l'UMP il y a deux ans mais, depuis, il donne l'impression d'avoir du mal à passer à la vitesse supérieure, à s'imposer comme le leader incontestable qu'il a été. Comment l'expliquez-vous ?

C'est parce qu'il n'est pas encore rentré dans le débat des primaires. Il a été élu largement président des Républicains, et après avoir reconstruit notre mouvement, il lui reste trois étapes majeures : présenter un projet aux militants début juillet, c’est une étape essentielle ; investir nos candidats aux législatives pour qu’ils aient du temps pour se préparer et créer une relation de confiance ;enfin, il faut assurer définitivement le bon fonctionnement de la primaire.

A partir du mois de septembre, la compétition permettra d'approfondir les débats et de faire émerger un seul et même candidat présenté par la droite et le centre. 

Vous aviez déclaré il y a un an que "pour endiguer le FN, il faut montrer que la barrière est infranchissable en refusant toute alliance. À partir du moment où la digue est érigée, on peut aller très loin en s’approchant le plus possible de la frontière". Cette stratégie est-elle toujours d'actualité pour vous ? Comment imaginez-vous sa mise en œuvre concrètement ?

On doit convaincre beaucoup d'électeurs partis au FN de revoter pour nous. Comment gagner l'élection présidentielle avec un vote si élevé : 30% de FN n'est en aucun cas une fatalité. Il faut patiemment faire renaître la confiance perdue.

Ces électeurs votent pour le FN parce qu’ils sont désespérés de voir la France dégringoler, de devoir supporter toujours plus de chômage, de précarité, de manque d'autorité et de leadership, sans parler de l'islamisation radicale rampante… Ces sujets demandent des réponses précises. Je ne suis pas sûr que ces électeurs aient réellement lu le projet du Front national…

Selon un sondage Ipsos pour le Cevipof et Le Monde, Alain Juppé est au coude-à-coude avec Nicolas Sarkozy en termes d'intentions de vote au premier tour de la primaire de la droite chez les sympathisants LR (à 35% contre 36% pour l'ancien président). Comment expliquez-vous le succès d'Alain Juppé dans les sondages ? Est-ce que les ingrédients de son succès s'accordent avec cet objectif de récupération des électeurs frontistes, alors que l'aile centriste, qui incarne l'apaisement sur les questions sociales, a un poids très important ?

Le pays a besoin d'apaisement, d’autorité, d’énergie et de beaucoup d’autres choses. Il a besoin d’un cadre d’actions claires sans changer d'avis tous les trois jours. On peut y mettre les mots que l'on veut, mais la question est de savoir quelles sont les réformes qui auront les résultats permettant de relancer le pays. Les Français ont avant tout besoin d'un leader en qui ils ont confiance pour redresser notre nation. 

Cette semaine, plusieurs médias ont déclaré que François Baroin avait rallié Nicolas Sarkozy dans l'hypothèse où il se présenterait à la primaire. Dans le même temps, il a publiquement apporté son soutien à Anne Hidalgo dans le projet d'établir un camp pour réfugiés à Paris. Qu'est-ce que cela peut présager d'un tandem Sarkozy-Baroin à la tête de l'État ?

Cela n'a rien à voir. Ce que je sais, c'est que pour gagner; un candidat doit s'entourer d'une équipe solide, expérimentée et diverse. Comme d'autres, François Baroin possède parfaitement ces qualités. 

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