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Pierre Gattaz : “Il faut sortir de l'omerta sur les actes répréhensibles qu'ont pris l'habitude de commettre une poignée de syndicalistes extrémistes”
©Reuters

Info Atlantico

Après avoir comparé les militants de la CGT à des terroristes, Pierre Gattaz a écrit un mail aux chefs d'entreprise dans lequel il leur conseille de porter plainte contre les syndicats qui enfreignent la loi. Le président du Medef revient pour Atlantico sur ce qui empêche les entreprises de réagir à la violence des actions syndicales.

Pierre Gattaz

Pierre Gattaz

Pierre Gattaz est président du Medef et PDG du groupe Radiall, entreprise industrielle de 279 millions d'euros de chiffre d’affaires.

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Atlantico : Dans un mail adressé aux chefs d'entreprise et aux organisations professionnelles, vous leur conseillez de porter plainte contre les syndicats qui enfreindraient la loi au cours de leurs blocages. Même si cela serait sans doute parfaitement justifié, les entreprises n'ont-elles pas plutôt tendance, dans un tel contexte, à faire profil bas en attendant un retour au calme ?

Pierre Gattaz : Tout le monde souhaite évidemment un retour au calme rapide. Mais je pense qu'il faut aujourd'hui montrer notre détermination à sortir de l'omerta qui consiste à fermer les yeux sur les actes répréhensibles qu'ont pris l'habitude de commettre une poignée de syndicalistes extrémistes. Les entreprises souhaitent que l'Etat de droit soit respecté afin de travailler, c’est une évidence. Mais pour cela, il faut dénoncer sans faiblesse les actions violentes qui bloquent les entreprises et paralysent leur activité. Actions qui passent bien souvent par des tentatives d’intimidation. Ces méthodes illégales de la CGT et de ses satellites sont une atteinte à la liberté de travailler du chef d’entreprise et des salariés et une atteinte à la liberté tout court. D’où notre appel aux chefs d’entreprise afin qu’ils portent plainte au titre de l’article 431-1 du Code pénal qui prévoit le délit d’entrave à la liberté du travail. Cet article de loi est clair. Il suffit de le faire appliquer : "Le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l'exercice d'une des libertés visées à l'alinéa précédent est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende". Il ne s’agit pas de remettre en cause le droit de grève, mais de rappeler à ces organisations que le droit doit être respecté dans notre pays. Nous ne devons pas nous laisser faire. Ces actions illégales vont beaucoup plus loin qu’une simple opposition syndicale à la loi El Khomri. Ce à quoi nous assistons et ce que nous subissons n’est ni plus ni moins qu’une volonté de déstabilisation économique. Nous ne permettrons pas que l’on saborde l’économie française, donc que l’on affaiblisse notre pays, en s’attaquant aux entreprises. 

A lire aussi :Déposer plainte contre les blocages syndicaux : pourquoi la plupart des entreprises de France ont (malheureusement) bien trop peur des rétorsions de l’administration pour oser suivre la stratégie de Pierre Gattaz

Quelles sont les raisons du silence observé par les entreprises face aux actes répréhensibles perpétrés par certains syndicalistes ? A quoi est due cette peur qui semble les tétaniser ?

Le vrai problème aujourd’hui est que toutes les personnes ayant des mandats syndicaux se sentent toute puissantes et intouchables. Notre système a dérivé et on est passé d’une protection normale et saine de l’activité syndicale à un statut qui rend les délégués syndicaux pratiquement intouchables. Encore heureux, l’immense majorité des délégués syndicaux ne sont pas dans cette dérive et veulent juste exercer leur mandat honnêtement et dans le respect du droit. Il ne faut pas caricaturer. Mais quand on a des irresponsables aux commandes cela donne ce qu’on vient de vivre à Saint-Nazaire avec une coupure de courant qui affecte 125 000 personnes et de nombreuses entreprises pour "protester", sans se préoccuper qu’il aurait pu y avoir des morts, des personnes en difficulté, sans parler de l’activité économique. Les responsables de cela seront-ils poursuivis ? Il le faut, sinon c’est à nouveau l’encouragement au n’importe quoi. Enfin, ce qui décourage les chefs d’entreprise, c’est aussi la crainte de voir leur activité entravée, désorganisée longuement, des commandes qui ne peuvent pas être honorées... Lorsqu'une organisation comme la CGT cible une entreprise, elle peut avoir un pouvoir de nuisance très fort. La CGT ne s’intéresse pas aux conséquences économiques et sociales de ses actions, et ça, c’est très grave. Regardez ses leaders qui veulent "entraver l’activité économique". Ils veulent donc créer du chômage. Et on les laisse dire ! Enfin, il faut le rappeler, les chefs d’entreprise n’ont pas la culture de la violence, du conflit. Contrairement à ce que l’on prétend, il y a une vraie culture du dialogue social dans les entreprises, que ce soit en direct, par l’intermédiaire des élus ou des délégués syndicaux. Ainsi, 36 500 accords ont été signés en 2014. Il existe chez les entrepreneurs une volonté insubmersible de continuer à développer leur entreprise quoiqu’il arrive. Le chef d’entreprise français, il faut le dire, a une capacité de résilience hors du commun parce que soumise à rude épreuve entre les décrets inapplicables, comme ceux concernant le compte pénibilité, les normes stupides et pléthoriques, la lourdeur et l’instabilité fiscale… S’il baisse les bras, il le sait, il met l’entreprise et les salariés en danger. 

Au-delà des efforts consentis par le gouvernement depuis fin 2012 avec le CICE, les relations entre les entreprises et l'administration se sont-elles vraiment améliorées ? La formule du Premier ministre, qui avait déclaré "j'aime l'entreprise" a-t-elle permis d'améliorer les relations entre les différentes administrations et les entreprises ?

Le CICE et le Pacte de responsabilité sont une bonne chose parce qu’ils permettent aux entreprises françaises de compenser à la marge les prélèvements exorbitants qu’elles subissent depuis 2011, de diminuer légèrement le coût du travail et de réduire le différentiel avec l’Allemagne. La France n’en est toujours pas moins vice-championne des prélèvements obligatoires des pays de l’OCDE (45,2 % du PIB contre 34,4 % dans les 29 autres pays de l’OCDE) en deuxième position derrière le Danemark ( 50,9 %). Et la frénésie législative et normative concernant les entreprises n’a pas diminué pour autant : devoir de vigilance, compte pénibilité, action de groupe pour discrimination, etc. Les déclarations d’amour font toujours plaisir à condition qu’elles dépassent le stade de la rhétorique et se traduisent en actions. Et c’est le problème, on a des actes contradictoires. Il faut cesser de faire des entreprises un objet politique et les considérer pour ce qu'elles sont : le lieu de la production de richesses.

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Quelles sont vos propositions pour que les entreprises puissent cesser d'avoir peur ?

Nous demandons le respect de l’Etat de droit garant de la liberté de travailler et de s’exprimer. Je pense notamment au recours au chantage – une méthode de voyou ! – exercé à l’encontre de la presse par le syndicat du livre-CGT pour la contraindre à publier une tribune du secrétaire général de la CGT. Nous attendons que le gouvernement fasse preuve de fermeté. Intimidation, violences, confiscation des moyens d’expression… Il faut stopper cette glissade dangereuse et réaffirmer nos principes démocratiques de respect, de dialogue, d'échanges et de confrontation en dehors de la violence et de l'intimidation qui sont la caractéristique des sociétés autoritaires. C’est la première étape. On ne peut pas discuter, négocier, échanger dans ce climat. Moi, je crois à la confiance. C’est indispensable pour avancer. Nos organisations syndicales sont encore dans la culture du rapport de force, et dans le cas de la CGT, c’en est même caricatural. Or, dans le rapport de force, on ne construit rien de durable, on a des petites "victoires" qui au final peuvent se révéler être mortifères pour toute l’entreprise, donc pour tout le monde, et en premier les salariés. Je crois en l’intelligence collective et au débat serein si on est en confiance et qu’on partage des objectifs communs. Il ne faut pas caricaturer – l’entreprise, ce n’est pas le monde des Bisounours, et on peut avoir des conflits. Mais si on a su créer une culture de confiance, on peut dépasser les crises sans trop de casse. Sinon, on se radicalise et là ça finit mal.

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