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L’économie du partage est-elle antiéconomique ?
©Reuters

On se le demande...

Pensant en premier lieu aux économies que nous pouvons réaliser, nous n'hésitons pas à participer activement au phénomène récent de l'économie du partage. Sans penser à ses effets néfastes sur la croissance, la fiscalité, etc.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Avec les plateformes collaboratives, il est possible de partager ou de vendre des heures de travail ou des biens d’occasion. Cette économie du partage est censée être profitable pour l’économie tout en utilisant mieux le capital immobilisé (une voiture ou une perceuse par exemple) ou en améliorant ses revenus.

L’économie du partage ne rime pourtant pas automatiquement avec croissance. En effet, la croissance repose sur l’amélioration de la productivité, produire plus avec une rentabilité accrue du travail et du capital. Or, travailler plus n’accroit pas sa productivité. Prendre une personne dans sa voiture ne crée pas en soi de la richesse. Cela en déplace mais il n’y pas en soi augmentation de la productivité. Réduire son temps de loisir pour devenir un chauffeur Uber peut augmenter la productivité globale des facteurs de production à la condition que le temps qui y est consacré n’ait pas pu être utilisé de manière plus productive.

Par ailleurs, les personnes recourant à des services de partage effectuent-ils un choix rationnel ? Pas obligatoirement. En recourant à Blablacar, elles peuvent réaliser des économies, économies qui serviront à financer d’autres achats. Elles peuvent trouver un ou plusieurs véhicules qui leur permettront d’atteindre leur destination en moins de temps que si elles avaient eu recours à un moyen de transport collectif. Néanmoins, en privilégiant les voitures particulières au détriment des transports collectifs, elles optent pour la solution la plus coûteuse et la plus polluante. Par leur choix, elles accentuent les difficultés économiques des opérateurs en charge des transports collectifs. En diminuant les recettes des services publics en charge des transports, elles conduisent ces derniers soit à demander plus aux contribuables, soit à réduire leur offre ce qui induira un nombre accru de véhicules sur les routes. L’économie de partage accroit ainsi les coûts collectifs et favorise marginalement la situation financière de quelques-uns.

Il est admis que de nombreux biens que nous achetons sont faiblement utilisés. C’est le cas des voitures et des outils de bricolage. En les prêtant, en les louant, nous améliorons leur productivité et nous contribuions à augmenter la croissance… Rien d’automatique en la matière. En se partageant des biens, nous ralentissons l’avancée du progrès technique. En effet, la diffusion du progrès s’effectue à travers l’achat de biens neufs. Ainsi, en automobile, ce sont les deux millions de véhicules neufs vendus chaque année en France qui permettent au parc de se rajeunir. L’augmentation de l’âge moyen des véhicules depuis la crise est plutôt une mauvaise nouvelle tant en matière de sécurité, de lutte contre la pollution et d’agrément. Il en est de même avec les perceuses, les ponceuses et autres outils… La société du partage est une forme de décroissance en soi.

Par ailleurs, en recourant aux plateformes de partage, nous sommes amenés soit à utiliser du matériel d’emprunt pour bricoler, soit à faire appel à un voisin pour réaliser  des réparations à domicile. En matière de productivité, de telles options sont mauvaises. Un bricoleur occasionnel - ou pas - est toujours moins productif qu’un professionnel sauf si ce dernier est vraiment mauvais, ce qui est rare mais pas impossible… L’artisan, qui est logiquement un professionnel, utilise de manière quotidienne ses outils. Il n’y a donc pas sous-utilisation du matériel. Ayant une connaissance du métier, il prendra moins de temps qu’un novice pour poser une étagère ou réparer une conduite d’eau. De ce fait, il n’y aura pas de gaspillage du temps qui est la valeur la plus rare qu’il soit. En choisissant un bricolage, nous contribuons à diminuer la productivité globale de l’économie…

Le développement de l’économie du partage pose également un problème fiscal et social. En effet, en recourant moins à des activités marchandes, le montant des impôts et cotisations collectés diminue ce qui génère des déficits croissants ou oblige les pouvoirs publics à augmenter le niveau des prélèvements obligatoires. Il y a donc un processus de rétrécissement de l’assiette fiscal avec des charges publics qui restent identiques, voire augmentent.

Les règles économiques les plus simples demeurent toujours valables même au temps d’Internet. Ainsi, il ne faut pas oublier qu’il convient toujours de se spécialiser dans le domaine où l’on est le moins mauvais. De même, en poursuivant plusieurs objectifs, on en n’atteint aucun….

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