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Alerte aux overdoses de médicaments : Imodium, Mercalm, Codéine…. ces cachets vendus sans ordonnance et de plus en plus utilisés comme des drogues dures
©Flickr / William Hamon (aka Ewns)

"Je suis malaaaaadeeee"

Les Etats-Unis connaissent une très forte augmentation de morts d'overdose d'Imodium, médicament traitant à la base des diarrhées aiguës et chroniques. Un phénomène que l'on retrouve en France, avec le Mercalm ou la Codéine.

Pascal  Vesproumis

Pascal Vesproumis

Pascal Vesproumis est spécialiste en Médecine générale, addictologue, hypnothérapeute, conférencier en hypnose  DIU du TDAH à tous les âges, membre de la SFA (Société française d'alcoologie) — CSAPA Addictions France à Evry (en format hybride). Son cabinet médical est basé à Epagny. Pascal Vesproumis est Président de l’ ACCH-formations à l’hypnose.

 

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Atlantico : Quels sont les médicaments dont le mésusage est le plus courant ?

Pascal Vesproumis : Il faut je pense pour comprendre ce phénomène qu'il y a plusieurs types de mésusage de médicament.

Il y a d'abord le mésusage posologique "conscient", c'est-à-dire le fait de prendre trop d'un médicament pour atteindre des effets euphorisants ou hallucinogènes, comme c'est le cas pour l'Imodium ou le Mercalme. Il existe aussi un mésusage posologique "inconscient", notamment pour tout ce qui est anti-douleur, comme avec la codéine par exemple. Le patient cherche juste à soulager la douleur à tout prix, donc augmente les doses, sans tenir compte des effets secondaires, ce qui, toujours dans le cas de la codéine, peut être par exemple très dangeureux quand on prend le volant.

Il y a ensuite le mésusage indicatif, c'est-à-dire le fait de prendre un médicament pour soigner un autre problème de santé que celui pour lequel il est destiné à la base. On peut par exemple commencer à prendre du Lexomil pour se détendre, puis, en se rendant compte qu'on dormait mieux avec, finir par l'utiliser comme somnifère.

Il y aussi par ailleurs le mésusage "cocktail", qui consiste à faire des mélanges de plusieurs médicaments.L'exemple typique de ce genre de mésusage est le Purple drank (ou syzzurp ou lean), qui est le nom donné au mélange de sirops à base de codéine et de prométhazine associés à un soda (comme Sprite ou Mountain Dew). La codéine est un opiacé, tandis que la prométhazine est un antihistaminique. Le purple drank provoque une légère euphorie et un sentiment de bien être grâce à la codéine. L'antihistaminique associé, la prométhazine, diminuerait les effets indésirables dus à l'opiacé : démangeaisons, vomissements… Là aussi, le mésusage "cocktail" peut ne pas forcément être conscient. Je traite actuellement une dame agée qui prenait depuis huit ans du Rizotide et du Laroxyl, à très faible dose. Un jour, elle a changé de médecin traitant qui lui a dit d'arrêter ces médicaments. Elle a alors commencé à ressentir des effets de manque, notamment de l'angoisse, qu'elle a soignés avec un axiolitique, tout en reprenant du Rizotide et du Laroxyl.

Quels sont les signes qui permettent de détecter si une personne se drogue avec des médicaments ?

Les principaux signes d'une dépendance à un médicament sont d'abord les effets de manque que le patient ressent quand il arrête le traitement. Dans le cas de ma patiente citée plus haut, elle avait de réels effets de manque typique d'une dépendance à la drogue dure, comme l'insomnie, l'angoisse et une perte de poids importante.

Ensuite, il faut oberver pour voir si son patient n'a pas des effets secondaires qu'il ne devrait pas avoir, comme une sudation permanente ou une trop grande somnolence, par exemple.

Pour quelles raisons ces personnes choisissent-elles de se droguer avec des médicaments ?

Comme je vous l'ai expliqué plus haut, il y a des mésusages de médicaments qui sont conscients et d'autres inconscients.

Dans le cas du mésusage conscient des médicaments, la première des raisons est la simplicité d'accès, tout simplement. Il est très facile de se faire prescrire des anxiolitiques de nos jours par exemple, tout comme du Mercalm ou de la Codéine, vendue sans ordonnance en pharmacie, sans compter les placards des foyers qui sont remplis de toutes sortes de pilules.

Il y a aussi le prix bien sûr, car cela revient évidemment beaucoup moins cher de prendre une plaquette de Mercalm à 3,95 euros qu'un gramme de cocaine à 80 euros.

Ce phénomène de détournement de médicament de leur fonction initiale pour en faire des drogues dures est-il récent ? Est-il en augmentation ?

Je pense que ce phénomène a toujours plus au moins existé (notamment dans les périodes de guerre, où les patients n'utilisaient au bout d'un moment plus la morphine pour la douleur mais parce qu'ils en étaient devenus dépendants), mais c'est un phénomène qui est en très forte augmentation, en tout cas en France. Il est désormais rare que je reçoive en consultation un adolescent qui n'aurait jamais touché à la cocaine, par exemple.

Cela s'explique d'abord par le fait que les jeunes sont en contact plus facilement avec ce genre de molécule, car la période que nous vivons est très anxiogène, et donc les pousse à consulter des pyschiatres de plus en plus tot. De ce que j'ai retiré de mes consultations, c'est aussi le fait de ne pas avoir de vision sur leur avenir qui poussent les jeunes à tester leurs limites avec des produits de plus en plus forts. C'est par ailleurs un phénomène culturel qui s'est beaucoup développer dans le milieu de la fête, devenant ainsi une sorte de rite initiatique. En prenant tel ou tel médicament ou tel cocktail de médicaments, l'adolescent a l'impression de rentrer dans le monde "des grands".

Quelles sont les populations qui sont le plus touchées par ce phénomène ?

Les jeunes, tout d'abord, qui consomment principalement des médicaments de manière massive pour ressentir de l'euphorie, plus de confiance en soi, de la détente bref, tout ce qui aide à se désinhiber dans une soirée.

Les populations plus âgées, ensuite, qui surconsomment des médicaments principalement pour calmer leurs douleurs.

Le mesusage de médicaments peut-il avoir des conséquences sur la santé, et si oui lesquelles ?

Les dangers du mésusage de médicaments évoluent en fonction du type de mésusage.

Le surdosage expose aux risques de dépression respiratoire et de troubles de la vigilance pour la plupart des psychotropes (Benzodiazepines, Hypnotiques, Neuroleptiques, Antidépresseurs) et dérivés morphiniques (dont la Codéine) ; aux risques de ralentissement cardiaque (voir d'arrêt cardiaque) avec les bêta bloquants et le Loperamide ; aux risques dissociatifs avec délires, hallucinations (Mercalm, Hypnotiques, Morphiniques et dérivés) ; et naturellement, retentissement sur les principaux appareils qui dégradent et éliminent les toxiques du sang (foie et reins).

La mauvaise indication thérapeutique peut entraîner la survenue des effets secondaires prévisibles, qui compliquent la situation en l'absence de traitement adapté.

Comment soigner une personne dépendante de médicaments ?

Face à ces prises associées et massives, l'hospitalisation sera souvent nécessaire pour éviter ou limiter les arrêts respiratoires et les décompensations délirantes.

Mais je pense que des campagnes de santé publique doivent aussi être mises en place sur le sujet. Celle sur les antibiotiques a très bien marché.

Enfin, le dialogue avec une personne droguée aux médicaments doit être rétabli, pour pouvoir identifier les causes du mal-être que cache ce type d'addiction. Le jeunes patients que je rencontre, par exemple, ont profondément besoin d'être rassurés sur leur avenir, qu'on leur montre qu'il y a des échappatoires possibles face au chômage ou aux travails qui ne leur correspondent pas.

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