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Qui licencie et qui embauche en France ? Cet "infime" détail qu’oublient les manifestants contre la loi El Khomri
©Reuters

Rideau de fumée... lacrymogène

Si les licenciements ont joué un rôle modéré dans la hausse du chômage depuis 2008, ils sont principalement le fait des grandes entreprises industrielles au cours de l'année 2009.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Alors que la France affiche actuellement un taux de chômage de 10.3% (INSEE T4 2015) et que le pays avait vu ce taux baisser à son plus bas niveau depuis 1983 au cours de l'année 2008, est-il possible de dresser un profil des entreprises qui se sont séparées de leurs employés, que ce soit en termes de taille ou de secteur d'activité ? 

Nicolas Goetzmann : Selon une étude menée par le syndicat des entreprises de taille intermédiaires, menée entre le 1er janvier 2009 et le 30 septembre 2014, ce sont les grandes entreprises qui ont été le plus destructrices d'emplois, soit un solde négatif de 53 247 emplois. Dans le même temps, les microentreprises ont détruit 1464 emplois alors que les PME en créaient 19007, et les ETI 87 411.

Ce qui frappe ici, c'est de constater qu'entre ces deux dates, les entreprises n'auraient pas détruit d'emplois. En reprenant les données fournies par l'INSEE, sur la totalité de la crise, il apparaît que le solde d'emplois entre le T1 2008 et le T4 2015, est négatif de 270 000 emplois. Ce qui peut sembler paradoxal puisque le chômage, an catégorie A, a progressé de 1.600 millions de personnes. Ce qui signifie que la cause du chômage, en France, découle bien plus, non pas de licenciements, mais de l'absence de créations d'emplois par les entreprises.

Concernant les secteurs d'activités qui affichent le nombre le plus important de destructions d'emplois, depuis le début de la crise de 2008, il est possible de citer l'industrie ; -465 000 emplois, ou la construction ; -185 000 emplois. Si ces chiffres sont plus importants que le total, c'est que certains secteurs, notamment dans les services, ont été des créateurs nets d'emplois sur la période.

Concernant l'emploi total, en incluant le secteur public, le constat est le même : l'absence de progression de l'emploi depuis 2008 :

Au regard de la sociologie des ces entreprises, peut-on effectuer un diagnostic concernant les causes de ces licenciements (ou de ces ruptures conventionnelles) ? Les rigidités du marché du travail sont-elles vraiment ici en question ? 

En observant les données publiées par la DARES concernant les causes d'entrée à Pôle emploi, il est possible de constater un pic de licenciements économiques au cœur de la crise, c’est-à-dire entre la fin 2009 et le printemps 2010, avec une progression de plus de 40% de ces licenciements par rapport au flux "habituel". La cause de cette hausse de licenciements est donc, d'évidence, due au pic de la crise, entre Lehmann Brothers et ses conséquences.

Mais les rigidités constatées sur le marché du travail ne sont pas des causes de licenciements, elles peuvent simplement être des causes de non création d'emploi. Or, puisque les perspectives de croissance sont aussi faibles que volatiles, les entreprises ne sont pas spécialement incitées à embaucher plus. Lorsque l'on pointe les rigidités du code du travail, on considère comme acquis le fait que la croissance soit anémique, comme s'il n'était pas possible d'agir sur ce point. Et dans ces conditions, il est alors logique de pointer ces rigidités, parce qu'en effet, elles ne peuvent avoir un sens que dans un contexte porteur. Mais l'idéal, évidemment, serait d'abord de restaurer la demande, pour faire baisser le chômage conjoncturel, et, ensuite de traiter ces rigidités, pour s'attaquer à la dimension structurelle du chômage français. 

Inversement, de quelle nature ont été les recrutements effectués au cours des dernières années (CDD, CDI), et dans quel type d’entreprises (ETI, PME, GE) ? Que peut-on en déduire ?

Concernant les secteurs d'activité qui ont été le plus dynamique, c’est-à-dire les services, qui reposent avant tout sur la demande intérieure, on peut citer les activités scientifiques et techniques et les services administratifs ; soit 102 000 emplois crées, ou l'hébergement restauration, avec 78 000 emplois depuis 2008.

Concernant le profil des entreprises, et toujours selon l' étude du syndicat des entreprises de taille intermédiaires, ce sont les PME et les ETI qui ont créé le plus d'emplois avec un total voisin de 100 000 créations nettes entre 2009 et 2014.

Concernant la nature des contrats proposés, c'est le phénomène marquant, mais logique de cette crise, ce sont les CDD qui sont devenus très largement majoritaires, comme le révèle la DARES

La logique est la suivante. Oui, le code du travail est rigide, il est donc totalement inadapté à un environnement incertain, comme nous le connaissons aujourd'hui. Et dans ces conditions, les entreprises accumulent les contrats courts. Donc, soit on baisse politiquement les bras sur la conjoncture et on doit s'adapter à une économie durablement médiocre, soit on renforce la conjoncture par une politique macroéconomique adaptée à ce contexte et on flexibilise le marché du travail dans la foulée. Ce qui permet de flexibiliser lorsque le pouvoir de négociation entre employeurs et employés est équilibré. 

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