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2ème tour 2017, J-365 : ce qu'il faudrait qu'il se passe pour que François Hollande parvienne à être réélu
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La porte étroite

Dans un an aura lieu le second tour de l'élection présidentielle. Trop d'adversaires à droite, aucun à gauche, ou même une embellie économique... Plusieurs scénarios hypothétiques semblent devoir se réaliser pour que François Hollande soit encore à l'Elysée en mai 2017.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Dans un an jour pour jour aura lieu le deuxième tour de l'élection présidentielle. François Hollande, ces derniers temps, a donné tous les signes permettant de constater qu'il croit encore en ces chances. Aujourd'hui pourtant, peu semblent aussi optimistes que lui, tant son bilan est décrié, même dans son propre camp. Quels scénarios doit-on envisager pour que François Hollande reste à l’Élysée ? Et d'abord, puisque le Président paraît miser sur cette hypothèse : une reprise fulgurante de l'économie suffirait-elle ?

Jean Petaux : Sans vouloir simplifier à l’extrême la situation de François Hollande, j’aurais tendance à dire que si lui-même ne croit pas en ses chances (ou ne fait pas semblant d’y croire, puisque dans ce genre d’exercice nul ne peut connaître et sonder les âmes) je ne vois pas qui pourrait encore y croire. Essayons donc, même si l’exercice est par définition voué à être démenti par les faits, de nous mettre "dans la logique de François Hollande".

La conjoncture économique totalement embellie du fait d’une reprise brutale de l’économie pourrait de facto constituer un élément de contexte favorable à François Hollande. Même si l’on peut raisonnablement s’interroger sur les effets tangibles et ressentis par les électeurs d’une telle amélioration substantielle de la conjoncture économique. Imaginons donc que "ça aille effectivement mieux" : même dans ce contexte positif, les Français, pour changer radicalement leur opinion sur la politique gouvernementale et sur l’action du président de la République, ne vont pas se contenter de "mots". Il leur faudra des faits tangibles et matériels. Et pas seulement une hypothétique "inversion de la courbe du chômage". En clair, il faudrait que le chiffre global mensuel des chômeurs recensés en avril 2017 repasse sous la barre des 3 millions de chômeurs. L’emploi est la préoccupation numéro 1 des Français. C’est à l’aune de la statistique du chômage qu’ils se détermineront en grande partie dans l’isoloir. Il faudra que cette baisse spectaculaire du chômage (- 500 000 par rapport à aujourd’hui) soit très amorcée en décembre 2016 pour que François Hollande puisse s’appuyer sur cette "décrue".

Un autre élément peut jouer aussi en faveur de François Hollande en 2017 : un contexte de violence extrême consécutivement à une multiplication des actes de terrorisme sur le territoire national ou par une série d’attentats "ciblés" conduisant le président à être le seul et dernier rempart possible face au chaos créé par cette déflagration. Pour cela, il faudrait être dans un contexte qui mélangerait les attentats des 7 et 8 janvier 2016 et ceux du 13 novembre 2016, pas seulement à Paris mais dans plusieurs grandes villes de province ou dans des endroits jusqu’alors totalement épargnés (villes moyennes par exemple).

Dans quelle mesure et à quelles conditions pourrait-il profiter d'une absence de concurrents sérieux à gauche, si la primaire n'avait finalement jamais lieu comme il paraît le souhaiter ?

En fixant le terme de l’annonce de son éventuelle décision de se représenter en décembre 2016, François Hollande change totalement de stratégie par rapport à ses prédécesseurs. Tous (hormis Valéry Giscard d’Estaing pour 1981) ont annoncé tardivement (entre la mi-janvier et la mi-février de l’année de l’élection) leur intention de se présenter pour un second mandat élyséen. S’il choisit de ne pas repartir et s’il l’annonce vers le 15 décembre 2016 (comme il l’a indiqué très clairement lors de sa dernière intervention télévisée), François Hollande met le PS dans la même situation que celle où l’a placé Jacques Delors en décembre 1994 quand il informa les Français au micro d’Anne Sinclair, sur le plateau de "7 sur 7" qu’il ne se présenterait pas à la présidentielle d’avril-mai 1995. Le PS organisa alors une "primaire fermée", réservée à ses seuls adhérents, qui vit s’affronter Lionel Jospin et Henri Emmanuelli. Ce ne fut pas du tout une catastrophe d’ailleurs pour le PS puisque Lionel Jospin sortit en tête des urnes au soir du premier tour, devançant Jacques Chirac et son rival éliminé Edouard Balladur (pourtant donné comme grand gagnant, sans aucun doute, une année auparavant, en mai 1994…). Donc en agisant comme il l’a indiqué, François Hollande ne "condamne" pas le PS s’il choisit de raccrocher les gants en décembre 2016… Que la situation soit difficile alors, elle le sera forcément. Au point d’ailleurs que les socialistes se prendront à regretter que le président de la République sortant ne se représente pas… Autrement dit, François Hollande sait parfaitement qu’il sera espéré comme candidat en décembre 2016 bien plus qu’il ne l’est aujourd’hui pour défendre ses propres couleurs dans la compétition de 2017. Ne serait-ce que parce que les différents candidats putatifs trouveront dans sa candidature l’occasion de neutraliser leur concurrent éventuel et "renonceront pour mieux sauter" en... 2022.

La primaire à gauche n’aura pas lieu tout simplement parce que des personnalités comme Mélenchon n’en veulent pas et que personne à gauche (en-dehors des socialistes) n’acceptera de se rallier à la règle du "on soutient le vainqueur". Aucun candidat éventuel à gauche (Laurent, Duflot, Hamon, Montebourg, etc.) ne voudra se "griller" à soutenir un François Hollande, vainqueur de la primaire, et donc se condamner à défendre celui qui incarnera en 2017 toute la politique qu’ils ont refusé de soutenir pendant 5 ans. Dans ces conditions, la seule "corde" sur laquelle peut jouer François Hollande est celle du "vote utile" au premier tour de la présidentielle pour éviter de rééditer l’épisode du 21 avril 2002 où les quatre "petits" candidats de gauche (Hue, Mamère, Chevènement et Taubira) ont fait plus que Lionel Jospin (16,2% des suffrages exprimés). Si François Hollande ne pourra pas enrayer la multiplication des candidatures sur "sa gauche", il n’aura d’autre choix politique que de jouer sur la "peur" d’un nouveau "coup de tonnerre" et d’une élimination de la gauche au soir du premier tour, le 23 avril 2017. En croisant les doigts pour que ce réflexe qui a joué en 2007 et 2012 fonctionne encore 15 ans après le 21 avril 2002…

Comment l'hypothèse d'une droite qui se fractionne, et d'un Front national toujours aussi fort, pourrait-elle éventuellement lui permettre de remporter encore une fois la présidentielle ?

Le principal atout dans le jeu de François Hollande est constitué par la faiblesse du jeu de ses adversaires. Il ne faut jamais oublier que la présidentielle n’est pas un "examen de passage" où on serait "reçu" ou "recalé". C’est un concours. Cela n’a donc rien à voir. Il n’est pas question d’être exceptionnel pour l’emporter. Il faut "seulement" être meilleur que les autres. Il faut faire moins d’erreurs que ses concurrents. Si ceux-ci sont très affaiblis par des luttes fratricides intenses et violentes qui rendront totalement improbable une "réconciliation" post-primaires, si les coups portés pendant la campagne des primaires ont révélé des "affaires" lourdes et injustifiables, alors ce qui devait être une saine émulation et une pré-mobilisation électorale pour la droite républicaine va tourner au fiasco intégral. En 2007, Ségolène Royal a peut-être "terrassé" ses deux adversaires lors des primaires de novembre 2006 (Fabius et DSK) mais elle a été incapable de "se relever de sa victoire". A partir de janvier 2007, au retour des congés de Noël, il était clair que lorsque la "firme Sarkozy" donnait sa pleine puissance de machine à gagner, les "Désirs d’avenir" de Ségolène Royal sonnaient de plus en plus creux, révélant la vraie personnalité de la candidate socialiste. Il devint évident qu’elle était "différente".

François Hollande n’ignore rien de tout cela. Il figure parmi les plus fins analystes politiques français et connaît tout et plus que tout des histoires qui opposent les uns et les autres. Il sait aussi que la droite n’a pas la culture des primaires. Que certains des "battus" de novembre 2016 deviendront  pour lui des "alliés objectifs" en mars-avril 2017. Et peut-être même Nicolas Sarkozy lui-même si, d’aventure, il n’est pas choisi par une majorité des sympathisants de droite pour être leur candidat à la présidentielle. Un Sarkozy qui n’aura de cesse de faire chuter celui qui l’aura humilié lors des primaires. Et si c’est ce même Nicolas Sarkozy qui sort vainqueur des "urnes des primaires", il se trouvera bien un Fillon ou un Copé (sans parler d’un Bayrou) pour faire trébucher celui qui fut président de 2007 à 2012… Bref, gaullien dans la stratégie (le général de Gaulle a publié en 1924 La discorde chez l’ennemi) et mitterrandien dans la ruse manoeuvrière, François Hollande peut parfaitement bénéficier d’une conjoncture favorablement créée par une droite indécrotablement prisonnière de ses rancunes tenaces et de ses guerres intestines. Quant au FN, rien n’indique que Marine Le Pen sera qualifiée d’office au second tour. D’une part parce que son père n’a pas fini de lui nuire, d’autre part parce que la mobilisation électorale au premier tour de 2017, si elle est forte (ce qui ne fut pas le cas en 2002), jouera contre la présidente du parti d’extrême-droite.

Voyez-vous d'autres possibilités ou scénarios envisageables, notamment liés à des événements imprévisibles sur la scène européenne ou internationale ?

Tout est possible et tout peut advenir. Y compris la victoire d’un Donald Trump à la présidentielle américaine de novembre 2016 et une crise internationale majeure dès le mois de février 2017 du fait de l’arrivée de ce fou furieux à la tête de la première puissance mondiale. Une succession d’événements géostratégiques peut se produire, mettant en cause (directement ou par effet de cascade dû au jeu des alliances) la souveraineté nationale. Nous savons désormais que les frontières du "sanctuaire national" sont poreuses et fragiles. Les événements passés, y compris la tragédie de Montauban et Toulouse en mars 2012, un mois presque jour pour jour avant le dimanche du premier tour de la dernière présidentielle, n’ont pas impacté le résultat final. Parce qu’ils étaient trop éloignés de l’élection. Parce qu’ils ont concerné des victimes que les Français dans leur grande lâcheté collective et dans ce vieux jus antimilitariste et antisémite qui remonte des égouts, ne considèrent pas vraiment comme des "victimes "(des militaires et des enfants juifs). Mais si un événement de type 11 septembre 2001 se produisait à Paris (un attentat de masse contre une tour de la Défense par exemple), alors là, bien évidemment, le sort de l’élection pourrait être totalement impacté par ce traumatisme, tout comme il y eut un "avant" et un "après" 11 septembre aux USA.

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