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Quand des écrivains inventent une élection présidentielle 2017 qu'aucun candidat véritable pourrait nous offrir
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Campagnes imaginaires

Dans un livre paru le 4 mai, onze écrivains se proposent d'imaginer la campagne qui aboutira maintenant dans un an. Entre meurtres, situations cocasses et farfelues, la fiction politique semble montrer du doigt un monde politique trop peu imaginatif et ou, paradoxalement, la réalité semble parfois tout droit tiré de cerveaux romanesques.

Arnaud Viviant

Arnaud Viviant

Arnaud Viviant  est un journaliste, critique littéraire, écrivain et éditeur français. Il est le fondateur et directeur de la rédaction de la revue Charles.

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Atlantico : Pourquoi demander à des écrivains d'imaginer la prochaine campagne présidentielle ?

Arnaud Viviant : Cette publication fait suite à une initiative lancée  il y a deux ans, qui consistait à demander à des écrivains d'imaginer la présidentielle de 2017. Nous en avons déjà publié huit pour le moment, et fort de cette expérience, nous avons décidé de sortir un livre, un an avant la présidentielle. Ce livre, 2017, l'élection improbable, comprend les huit premières nouvelles auxquelles s'ajoutent trois inédites, que nous publierons plus tard. Le livre est d'ailleurs en librairie depuis le 4 mai.

Le but de cet ouvrage répond à la situation actuelle. La présidentielle est absolument improbable si l'on regarde bien. On ne sait pas qui va être candidat, nombreux sont ceux qui prétendent à l'Elysée via les primaires ou autre. Une incertitude plane sur ce scrutin comme sur aucun autre de la Ve République.

Cette improbabilité, nous la vivons dans notre chair (si j'ose dire) depuis 2011 avec l'éviction de Dominique Strauss-Kahn. Lui qui était le candidat que tout le monde attendait a été bloqué dans son ascension dans les conditions que tout le monde connait. Cet événement avait déjà stupéfait le monde entier. L'improbabilité est depuis constitutive du scrutin à cause de cette affaire, qui a changé une donnée dans l'esprit de tous. Depuis, on sait que tout peut arriver. On le voit d'ailleurs avec les élections actuelles du Président américain. Qui donnait Donald Trump comme candidat des Républicains il y a cinq ans ? Personne ! Il y a un dysfonctionnement démocratique maintenant – et pas uniquement en France, mais dans toutes les démocraties du monde – qui fait que l'improbable est probable. Que la réalité dépasse la fiction. D'où l'intérêt de demander à des écrivains, qui sont des spécialistes de la fiction, d'imaginer la présidentielle de 2017 .

Quels sont les scénarios auxquels nous devons (ou pas) nous attendre selon ces écrivains ? 

Chacun des onze écrivains a pris l'affaire à sa façon avec talent, démontrant quelque chose de personnelle. Ce qui ressort, c'est cependant une unité de ton, comique bien plus que tragique, comme s'ils n'avaient pas pu penser ce sujet autrement. Ce comique peut être enrobé de tragique comme souvent.

Marie Desplechin imagine que tous les grands candidats (Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, François Hollande etc. ) trouvent la mort dans des catastrophes naturelles avant le scrutin. C'est en fait une parabole sur l'écologie, qui montre aussi que l'on ne veut plus des candidats que l'on avait déjà précédemment. Or on va se retrouver avec les mêmes qu'en 2012 très certainement.

Thomas Legrand, éditorialiste à France Inter, imagine lui, dans des circonstances extrêmement drôles, que Nicolas Sarkozy est dans le coma et qu'il ne peut plus communiquer verbalement, mais uniquement avec les paupières, pour dire oui ou non. C'est Isabelle Balkany qui vient raconter à l'ancien Président comment se passe l'élection. Cette nouvelle, écrite il y a un an, imaginait que Manuel Valls et Thomas Piketty étaient les candidats du second tour. Un scrutin intéressant qui donc voyait s'affronter les deux idées de la gauche.

Jérôme Leroy, qui écrit des romans policiers très politisés, se met lui dans la peau d'Alain Juppé qui a été battu au premier tour à cause de la présence d'un candidat populiste qui sort de nulle part. On voit là une grande théorie, un grand fantasme que relai d'ailleurs Jacques Attali dans ses chroniques, selon lequel un candidat émergerait d'Internet. Cette idée est très présente.

Quant à moi, j'imagine que Marine Le Pen se retrouve au second tour contre François Hollande ; son père s'est aussi présenté et n'a obtenu que 4% des voix. Il se trouve qu'entre les deux tours, il disparait, et on le retrouve noyé dans 50 cm d'eau comme Robert Boulin. Du coup, cela déstabilise complètement le débat du second tour. Je vous laisse deviner la fin …

La politique fiction à le vent en poupe aujourd'hui, que ce soit sur le petit et le grand écran ou dans la littérature : pourquoi cet intérêt pour ce genre ?

Ce qui est intéressant, avec la politique fiction, c'est de métaphoriser le réel, mais en même temps d'être dans un réalisme signifiant. Parce que le réel n'est pas très signifiant en ce moment. On donne un sens à des situations qui ont le goût et la couleur du réel.

Le pessimisme est de plus en plus marquant dans notre société : comment y réagissent ces écrivains ? Par le rire ?

Le comique employé majoritairement traduit plusieurs choses. Tout d'abord, on peut y diagnostiquer un profond dysfonctionnement démocratique. On pourrait en parler pendant des heures, mais le fait est qu'on en a ici la preuve, si le sujet Donald Trump en tant que tel n'était pas déjà assez suffisant. Il y a donc là sujet à rigolade. Mais ce rire est forcément un peu teinté non pas de désespoir, mais de critique.

Mais en même temps, le fait que les écrivains écrivent sur la politique montre qu'ils ont un peu d'espoir. Un de mes combats en tant que rédacteur de Charles, où la littérature est une composante de l'ADN de la revue, est de maintenir le lien entre politique et littérature. J'ai interviewé ainsi Houellebecq ou Sollers. Le premier numéro était sur un gouvernement des écrivains, où chaque écrivain était ministre et rédigeait son programme… c'est donc une chose importante à mon sens.

Autant au XIXe siècle et dans la prmeière partie du XXe siècle, les écrivains étaient très impliqués dans la politique – Victor Hugo, Camus etc. – autant on a vu à partir des années 70 une désertion de ce champ politique dans notre littérature. Depuis peu de temps, la littérature est de retour, avec des écrivains comme Houellebecq, Despentes etc.

Il me semble important d'opérer cette réconciliation. C'est l'objet de ce recueil, de rappeler que la littérature a son rôle à jouer dans le champ politique car toute littérature est politique !

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