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Comment les hommes médecins traitent différemment certains patients (femmes), parfois avec des conséquences fatales…
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

H/F

On ne le sait pas suffisamment, et ça pèse sur la santé des femmes : elles réagissent différemment aux maladies, notamment cardiovasculaires.

Les maladies cardio-vasculaires sont la deuxième cause de mortalité en France, la première aux Etats-Unis. Généralement, on les associe aux hommes parce que ce sont eux qui sont les plus touchés par les maladies coronariennes – la forme la plus commune de crise cardiaque. Et pourtant, quand les femmes subissent une crise cardiaque, une étude a montré qu’elles courent un risque deux fois plus grand d’en mourir.

Comment cela se fait-il ? Y a-t-il des raisons physiologiques ? Peut-être. Ce qui est certain, c’est que des raisons sociales entrent en jeu. Des chercheurs de Yale se sont intéressés à des femmes de moins de 55 ans ayant déjà été hospitalisées pour une crise cardiaque. Ils ont constaté que les patientes ont souvent ignoré ou minoré leurs symptômes, retardant la consultation d’un médecin.

Cela nous laisse avec plus de questions que de réponses. Faut-il en croire que ce serait "de la faute" des femmes, qui récoltent les fruits de leur inattention ?

Les signes que présentent les femmes sont différents de ceux que présentent les hommes

En recourant au cas par cas, les chercheurs de Yale ont constaté que les femmes sous-estimaient leur mal parce qu’elles avaient une idée très précise, et véhiculée par l’imaginaire collectif, de ce qu’est une crise cardiaque : un danger d’hommes âgés, qui se manifeste soudainement par une douleur à la poitrine et au bras gauche, accompagnée d’un sentiment de lourdeur. Par conséquent, quand les femmes expérimentent des symptômes proches d’une douleur à la mâchoire, derrière les omoplates, d’une sensation d’indigestion, des nausées et une soudaine fatigue (qui sont les signes dits "atypiques" que les femmes sont les plus susceptibles de ressentir), elles les attribuent généralement à d’autres problèmes de santé.

La communauté médicale n’est pas vraiment au courant de cet écart

Ce qui est alarmant, c’est que leur ignorance est simplement le miroir de celle de la communauté médicale au sujet des maladies cardio-vasculaires chez les femmes. Depuis 1984, aux Etats-Unis, un plus grand nombre de femmes que d’hommes en meurt chaque année. Et pourtant, d’après un sondage de 2005 réalisé sur 500 médecins américains (généralistes, obstétriciens et cardiologues), moins d’un sur cinq étaient au courant de cet écart. Par conséquent, il est probable qu’ils sous-estiment le risque personnel couru par les femmes, et qu’ils leur recommandent moins naturellement des mesures préventives.

Cette ignorance pèse sur la validité de la recherche médicale

Or, on pourrait s’en douter : le fait que les crises cardiaques des femmes ne correspondent pas aux cas d’écoles n’est pas vraiment un hasard. Jusqu’en 1993, aux Etats-Unis, une majorité d’essais cliniques cardiovasculaires n’étaient pratiqués que sur des hommes. Plus récemment, un recensement des essais, menée par l’American Heart Association en 2007, estime que les femmes ne composent en moyenne que 30% des patients analysés, et qu’un tiers seulement des essais donnaient lieu à une publication de résultats différents pour les deux sexes.

Cette ignorance pèse aussi sur les diagnostics

Cela ne s’arrête pas là : les médecins posent parfois des diagnostics fondés sur des conceptions stéréotypées. Une étude, par exemple, a observé que dans le cas d’une intense douleur abdominale, toutes choses égales par ailleurs, les femmes étaient moins susceptibles de recevoir un antalgique opioïde que les hommes (entre 13% et 25% de moins) ; l’écart se comblait dans le cas d’un antalgique non opiacé. Est-ce parce que les médecins croient que les femmes exagèrent ?

Une autre série d’études a été conduite par la psychologue Gabrielle Chiaramonte en 2008. Dans la première, elle demanda à 230 médecins généralistes et internes d’évaluer deux patients hypothétiques : un homme de 47 ans et une femme de 56 ans, avec des facteurs de risque identiques et des symptômes typiques d’une crise cardiaque (douleur à la poitrine, souffle court, irrégularité des battements du cœur, etc.). La moitié des vignettes incluaient une note selon laquelle le patient avait récemment vécu un épisode stressant, et semblait anxieux ; l’autre moitié ne l’incluait pas. Dans cette moitié-là, sans indication, les recommandations des docteurs furent identiques, que le patient soit homme ou femme.

Mais dans les autres vignettes, où le stress était ajouté en tant que symptôme, un profond écart se creusa. Seulement 15% des médecins diagnostiquèrent la maladie cardio-vasculaire chez la femme, contre 56% chez l’homme ; 30% envoyèrent la femme chez un cardiologue, et 62% y envoyèrent l’homme.

Dans une seconde étude, Chiaramonte soumit à nouveau deux patients hypothétiques qui présentaient cette fois des symptômes atypiques, proches de ceux expérimentés généralement par les femmes. Dans la vignette sans stress, l’homme et la femme furent rarement diagnostiqués correctement ; dans la vignette avec stress, l’un et l’autre furent bien plus fréquemment l’objet d’un diagnostic de problème gastro-intestinal.

Cela tend bien à suggérer que les femmes sont correctement diagnostiquées moins souvent qu’il ne le faudrait. Et les conséquences, notamment en cas d'attaque cardiaque, peuvent être graves.

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