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Le Conseil d’administration de Renault a finalement voté le salaire de Carlos Ghosn que Bercy avait refusé (alors que le patron de Renault n’est pas le mieux payé)
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Atlantico Business

Les représentants de l'Etat avaient refusé d'entériner le projet de salaire de Carlos Ghosn, mais ils étaient incapables d'expliquer pourquoi.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Que les gros salaires lèvent le doigt. La relation que nous entretenons avec l'argent est tellement malsaine que pour les politiques, la chasse aux gros salaires est devenue un sport national. Au fur et à mesure qu'on va approcher de la présidentielle, les gros salaires vont avoir intérêt à lever le doigt s'ils ne veulent pas être lynchés par les militants des partis politiques en mal de bouc-émissaire.

François Hollande avait ciblé la finance comme adversaire de la France, on est bien parti pour placer les PDG dans le collimateur des discours électoraux.

Aussi curieux que cela puisse paraître, c'est le ministère de l'Economie, que dirige Emmanuel Macron, qui a lancé les premières bombes en dénonçant publiquement la rémunération du PDG de Renault, puis quelques mois plus tard celui de Carlos Tavares, le PDG du groupe PSA (Peugeot-Citroën).

En général, les choses se calment assez vite, sauf que là, on entre en pleine saison des assemblées générales d'actionnaires et qu'on peut poser la question publiquement. Les responsables politiques ne vont pas hésiter à s'offrir quelques succès d'estrade à défaut de communiquer un programme. C'est plus facile et plus utile politiquement. 

Du coup, les représentants de l'Etat ne manquent pas de s'opposer aux augmentations de salaires des PDG... ce qui n'a, en général, que peu d'effets. Le comité de rémunération revient sur cette opposition et entérine le projet. C'est exactement ce qu'il vient de se passer chez Renault.

En attendant, les responsables politiques ont pu montrer à l'opinion qu'ils surveillaient les dérives. Ils ont assez peu de pouvoir pour changer l'ordre des choses et l'effet de leurs diatribes sera de ternir un peu l'image du groupe.

L'impact de ce type d'attitude provient moins des montants qui sont révélés que du silence coupable sur les raisons de la remontrance.

Les représentants de l'Etat sont en général incapables de donner les raisons qu'ils avancent pour revendiquer la liberté de réguler les salaires dans le secteur concurrentiel.

Que les salaires en question soient fixés par les administrateurs, qu'ils correspondent en gros aux prix du marché international, ou mieux, que ces rémunérations se composent d'une partie fixe et d'une partie variable, que cette partie variable soit ajustée sur la performance globale de l'entreprise, toutes ces raisons objectives qui servent à calculer la rémunération ne sont jamais prises en compte par les représentants de l'Etat.

Ce qui obsède les représentants de l'Etat, c'est l'impact que peuvent avoir ces chiffres sur l'opinion publique.

La seule liste des dix plus grosses rémunérations des PDG français est pourtant lourde d'enseignements.

1.     Olivier Brandicourt, le PDG de Sanofi (laboratoire pharmaceutique) arriverait en tête de ce hit parade avec 16,80 millions d'euros l'année dernière. Dont, 4,4 millions en salaire fixe et 12,3 millions en salaire variable avec le cours de bourse. La plus grosse partie provient de la revalorisation boursière.

2.     Bernard Arnault serait, d'après les études faites par les cabinets d'expert comptables, le deuxième plus gros salaire avec 9,40 millions d'euros dont 3,35 millions pour la partie fixe et 6,05 millions pour la partie variable en fonction de la valeur boursière.

3.     Jean-Paul Agon, le PDG de l'Oréal, serait logé à la même enseigne avec 4 millions d'euros pour la partie fixe et 5 millions d'euros pour la partie variable.

4.     Carlos Ghosn, le PDG de Renault, pointe donc à la 4e place avec 7,25 millions dont la moitié en fixe, la moitié en variable. Le CA vient d'accepter ces chiffres qui étaient refusés par Bercy.

5.     Thomas Enders, le PDG d'Airbus, touche au total 6,50 millions d'euros dont 3 millions de fixe.

6.     Rajeev Suri, le PDG de Nokia (ex-Alcatel) qui vient de rentrer au Cac 40, a touché 6,40 millions d'euros dont 2,5 millions de fixes, le reste en valorisation de titres cotés.

7.     Jean-Pascal Tricoire, le PDG de Schneider Electric, émarge à hauteur de 5,73 millions d'euros dont 2 millions de fixe.

8.     Henri de Castries, PDG d'Axa jusqu'au mois dernier, touchait l'année dernière 5,34 millions d'euros.

9.     Carlos Tavares, le PDG de PSA groupe, a communiqué sur la base d'une rémunération globale de 5,25 millions d'euros. Ce qui a crée une belle émotion compte tenu de la hausse. Cette hausse était prévue en fonction des résultats et du redressement. L'essentiel de la rémunération provient donc des actions de performance valorisées plus de 2 millions d'euros alors qu'il n'en avait pas au titre de l'exercice 2014.

10.   Lakshmi Mittal, le patron d'Arcelor Mittal, arrive en fin du Top 10 à 5,23 millions d'euros. 

Ces chiffres sont ceux qui sont déclarés par les entreprises elles-mêmes. Ils représentent des montants qui sont en général dans la partie basse des rémunérations versées sur le marché international des grands patrons.

Cela dit, dès qu'elles sont comparées à l'ensemble des salaires versés dans l'industrie ou les services, elles créent une émotion légitime. Même si la plupart des patrons n'ont pas été augmentés en fixe, compte tenu de la crise, tous sont, plus ou moins, indexés sur le cours de la Bourse, lequel a remonté rapidement depuis deux ans, d'où les revalorisations importantes.

Mais ce qui suscite aussi des commentaires critiques et sévères, c'est que ces chiffres (qui sont juridiquement inattaquables) sont moralement difficiles à accepter sans une explication de texte complète.

Or, l'explication n'est jamais complète parce que la rémunération d'un PDG ne s'arrête pas à la rémunération communiquée aux actionnaires et aux salariés.

D'abord, elle peut être complétée par des traitements versés par des filiales étrangères, c'est le cas de Carlos Ghosn. Ce qui énerve Bercy, c'est de savoir que Carlos Ghosn cumule deux jobs de patron. Celui de Renault et celui de Nissan. Ce qui énerve Bercy, c'est que le ministre français ne peut pas mettre le nez dans les comptes de Nissan. Mais ce qui énerve encore plus Bercy, c'est que Nissan est beaucoup plus puissant que Renault.

Ensuite, si pour les patrons-managers qui ne sont pas propriétaires de l'entreprise, les chiffres livrés aux actionnaires correspondent à la réalité, pour les patrons actionnaires majoritaires de l'entreprise, la partie salaire (fixe et variable) est sans doute marginale par rapport au total des revenus. Le salaire de Martin Bouygues par exemple serait de 1 million d'euros si l'on en croit les documents remis aux investisseurs. C'est évidemment dérisoire par rapport à ce que Martin Bouygues doit recevoir comme revenus du capital détenu dans le groupe (environ 30%), dérisoire par rapport à ce qu'il touche au titre des activités hors périmètre du groupe coté et logées dans la holding familiale non cotée.

Le cas de Bernard Arnault est plus spectaculaire encore. Au-delà du groupe LVMH coté en bourse dont il est le PDG, il en est aussi le principal actionnaire avec des activités qui lui appartiennent en propre et sur lesquelles il n'a aucun compte à rendre. Ce n'est évidemment pas avec les revenus dont ont connaissance les actionnaires de LVMH que Bernard Arnault a pu accéder au club des 10 plus riches de la planète.

Même phénomène pour Mme Bettencourt, la femme la plus riche du monde qui ne doit recevoir aucun salaire, mais dont les revenus doivent dépasser et de loin, les salaires fixes et variables du premier des PDG français. 

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