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Les afters chahutés de la Nuit Debout
©REUTERS/Philippe Wojazer

Noctambules noyautés

Le noyautage de la Nuit Debout par les mouvements gauchistes, à l'approche du 1er mai, a-t-il signé la fin d'une première phase pour les happenings de la République ? Le gouvernement s'apprête-t-il à reprendre le contrôle des opérations ? Les évolutions des dernières heures le laissent penser.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La Nuit Debout noyautée en bonne et due forme

Depuis plusieurs semaines, la Nuit Debout se perd en palabres interminables dont les débouchés politiques sont nuls. Cette vacuité correspond d'ailleurs au désir d'une majorité : les participants considèrent que leur mobilisation doit d'abord produire du sens plutôt que de l'action.

Cet attentisme exaspère tous ceux qui rêvent d'un mouvement social à la mode marxiste-léniniste, annonciateur d'un Grand Soir, de la grève générale accompagnée d'une expropriation de la propriété privée des moyens de production. Des orateurs comme Frédéric Lordon n'ont jamais caché que leur objectif était celui-là.

Depuis plusieurs jours, François Ruffin, réalisateur de Merci patron !, multiplie les manoeuvres grossières pour attirer la foule des Nuits Debout dans le piège de la "convergence des luttes". Cette formule alambiquée ne cache rien d'autre que la récupération du mouvement par les marxistes-léninistes orthodoxes. Les ficelles qu'il a utilisées étaient tellement burlesques qu'elles ont été contre-productives.

Jeudi soir, toutefois, il a convaincu plusieurs syndicalistes de prendre la parole sur la place, dont Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, qui a appelé à la grève générale. Voilà ce qui s'appelle du noyautage en bonne et due forme, bien loin des décisions collégiales prises en assemblée délibérante.

Comment Martinez instrumentalise la Nuit Debout

Pour Philippe Martinez, ce rapprochement tardif avec la Nuit Debout ressemble beaucoup à une manoeuvre de la dernière chance. Le secrétaire général sort d'un congrès, à Marseille, où son bilan a fait l'objet d'un vrai désaveu de la part de la base. La radicalisation de Philippe Martinez vise à maintenir son appareil sous pression, mais elle est minoritaire. Le congrès a donné lieu à de nombreux appels totalement téléguidés à un Grand Soir de conserve avec la Nuit Debout.

Son intervention place de la République, sur le principe de laquelle le flou a été maintenu durant toute la journée de jeudi, constitue une évidente fuite en avant. Après avoir défendu, à Marseille, une ligne appelant à la grève reconductible, Philippe Martinez est acculé : la mobilisation contre la loi Travail s'essouffle parmi les salariés du secteur privé, et il ne peut plus guère compter que sur les bobos de la Nuit Debout pour tenir.

Les violences compliquent le jeu

Dans ce contexte d'évidente dérive du mouvement Nuit Debout, la multiplication des séquences violentes n'est peut-être pas un hasard. Elles contribuent à entamer le capital de sympathie que le mouvement pouvait inspirer aux Français. Elles mettent en exergue la frange la plus radicale du mouvement et légitiment peu à peu une interdiction des occupations.

Ces violences constituent donc une aubaine pour le Gouvernement. Si Manuel Valls devait craindre un défilé unitaire le 1er mai, rassemblant les Noctambules et les syndicalistes contestataires, les affrontements réguliers avec la police lui donnent l'occasion d'intervenir officiellement pour déloger la place de la République. Cette stratégie, au moins durant les premiers jours de mai, pourrait lui permettre d'épuiser le mouvement jusqu'au bout tout en apparaissant comme un garant de l'ordre républicain.

Hallali ou début d'autre chose ?

Reste à savoir si la conjugaison des forces, entre une Nuit Debout qui tourne en rond, et les gauchistes contestataires du POI sur lesquels Philippe Martinez s'appuie pour tenir la CGT, est une opportunité politique ou un hallali. Il est encore trop tôt pour le dire, et la dextérité avec laquelle Manuel Valls gèrera le maintien de l'ordre pèsera beaucoup dans la survenue ou non d'une réaction "chimique" entre les manifestants et l'opinion publique.

Selon toute vraisemblance, le ralliement d'un Martinez affaibli devrait ajouter de l'évanescence à l'évanescence et achever le mouvement.

Toutefois, il suffirait d'un dérapage policier malheureux, d'un débat à l'Assemblée Nationale sur la loi Travail qui tourne mal, pour que la donne change et que le mouvement reporte sur le constat d'une menace nouvelle ou d'un martyr symbolique. Ainsi en va-t-il du destin des "mouvements sociaux" : leur naissance est toujours aléatoire, et leur intensité dans le temps ne tient qu'à un fil.

Pour Manuel Valls, comme pour Philippe Martinez, le week-end sera critique.

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