Taper sur la France, l’arme imparable des Républicains américains<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Taper sur la France, l’arme imparable des Républicains américains
©

French-bashing

Mitt Romney, candidat à l'élection à l'investiture républicaine aux États-Unis, s'est fait accuser par certains de ses opposants de... parler français. A croire que la francophobie a de beaux restes aux États-Unis depuis la guerre du Golfe.

Atlantico : Dans un spot publicitaire anti-Mitt Romney, candidat à la primaire républicaine, une voix annonce : "Et, tout comme John Kerry, il parle français !" Comment expliquer que le fait d’être relié à la France soit un aspect négatif pour un candidat outre-Atlantique ?

Anne Deysine : Historiquement, c’est une longue relation d’amour/haine entre la France et les Etats-Unis. De la même manière que la France admire les Etats-Unis elle manifeste aussi un certain anti-américanisme. C’est la même chose aux Etats-Unis, ils apprécient notre histoire, notre culture et notre gastronomie mais ils n’approuvent pas notre système. On assiste ainsi à un certain"French bashing" (qui peut se traduire par "chambrer les Français") et plus généralement à un "European bashing".

La "French connection" peut être mal perçue aux Etats-Unis, en particulier dans les milieux conservateurs, où certains n'ont toujours pas digéré l'opposition de la France à la guerre en Irak : les Français sont souvent perçus comme des intellectuels de gauche.

Mitt Romney se garde ainsi de parler français. Dans les années 1960, alors âgé d'une vingtaine d'années, il a pourtant habité Paris et Bordeaux où, comme cela est la coutume pour les jeunes mormons, il était parti prêcher. Or, sur les sites de campagnes de Mitt Romney, on ne retrouve aucune trace de son passage en France dans les portraits officiels. Les candidats gomment assurément leurs côtés français.

Est-ce que cela a toujours été le cas ?

Non, pendant très longtemps nous n’existions même pas ! C’est principalement la guerre en Irak qui a suscité cette cristallisation "anti-française". Le veto français, concernant le conflit irakien en 2003, a fourni un prétexte parfait pour montrer que nous ne sommes pas reconnaissant de leur aide concernant les deux conflits mondiaux précédents.

Dominique De Villepin a été très critiqué par les médias outre-Atlantique, ces derniers le qualifiant de "dandy efféminé". En 2004 déjà, le "french bashing" avait été utilisé dans la campagne : le démocrate John Kerry, autre candidat francophile à la présidentielle américaine, avait été moqué pour son "look trop français" et souvent comparé à Dominique De Villepin.

Désormais ce dénigrement est récupéré plus globalement dans une critique envers l’Europe entière. La France étant l'un des pays de l’Europe, qui sert de contre-modèle aux candidats républicains.

Pourquoi ce «french bashing » ?

La France est un prototype de l’Etat providence ce que rejettent complétement les républicains. Ces derniers pratiquent un certain "european bashing" face à une montée en puissance de l’Etat, les républicains rétorquent "Nous ne souhaitons pas être des assistés". Dans leur inconscient politique, l’Etat c’est toujours l’ennemi pour les américains. La liberté prime sur le reste.

A partir du moment où Barack Obama a été élu, et ce dans un contexte de crise, il a pris en main l’industrie, mis en place des plans de relance et réformé la santé. Pour les conservateurs sa politique est d’inspiration socialiste. C’est le spectre d’une Europe socialiste qui a été réveillé, d’où les attaques extrêmement sévères de tous les républicains. Barack Obama est en train de transformer l’Amérique en un état contraire aux valeurs profondes de l’Amérique : la liberté.

Mitt Romney lui-même est accusé de socialisme, dans la mesure où les réformes mises en place par Barack Obama s’inspirent des mesures établies par Mitt Romney en tant que gouverneur du Massachussetts. Il tente de se dédouaner, vis-à-vis de ses camarades et de l’électorat.

Cependant, nous assistons à un changement, lorsque nous observons les statistiques de la mobilité aux Etats-Unis. Ce qui tenait le système, c’était la croyance dans le rêve américain, or les faits, montrent qu’il n’existe plus de mobilité aux Etats-Unis désormais il y en a moins qu’en Angleterre et au Danemark. De surcroît, ils se sont targués durant des années de leur capacité à créer des emplois, (En France dix ans auparavant nous regardions béat d’admiration leur taux de chômage) or, les statistiques dévoilent que les seuls emplois crées sont les emplois bas salaires.

Le modèle économique américain dans lequel les républicains prétendent croire n’existe plus. Par ailleurs, la vision capitaliste est mise à mal. Soit lors des primaires, soit à l’élection générale, la question du modèle économique à adopter sera primordiale au sein du débat.

Est-ce que ce type de communication "anti-français" fonctionne auprès de l’opinion publique ?

Oui. Cette publicité négative est largement diffusée. Elle est martelée environ 15 fois par jours à la radio, à la télé, sur des panneaux...etc. Lorsque vous êtes républicain, vous allez sur des blogs où ce clip est repris de manière constante ; vous allez également cliquer sur des sites de même connotation politique qui diffusent le même genre d’idées et d’attaques de l’Europe et du socialisme.

Est-ce un écho à l’anti-américanisme français dont on parle souvent ?

Non. La France est une toute petite chose sur la planète américaine. Leur principale considération reste l’emploi. Le fait que l’on rentre en récession les contrarie, car cela aura incontestablement un impact sur leur économie. Cependant lorsqu’ils parlent des Français et de l’Europe, c’est pour dénigrer le système. "Ils sont 17 mais ils ne s’entendent pas, leur système ne fonctionne pas".

Ils comparent l’Europe aux articles de confédération, au système précédant la constitution actuelle. C’est une manière condescendante de qualifier les vieux mécanismes européens.

L’évolution de l’image de la France, lorsqu’on songe au fait que les lumières ont inspiré les américains ?

D’un point de vue géostratégique les américains ne se soucient plus de la France. Ils sont tournés vers le Pacifique et plus vers la "vieille Europe" considérée comme obsolète. Seul les Américains francophiles s’intéressent à la France. De manière caricaturale, une grande majorité des Américains ne sait pas où se situe la France. De cet héritage, seules les figures de Montesquieu et Tocqueville restent vaguement présentes.

Propos recueillis par Caroline Long

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !