La ruée vers l’or noir de l’Arctique ne suffira pas à éviter la pénurie de pétrole<!-- --> | Atlantico.fr
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Le norvégien Statoil a découvert une réserve de 200 à 300 millions de barils dans la mer des Barents.
Le norvégien Statoil a découvert une réserve de 200 à 300 millions de barils dans la mer des Barents.
©Reuters

Faux espoirs

Le groupe norvégien Statoil vient de mettre la main sur un nouveau gisement de pétrole dans la mer de Barents. Mais si l'Arctique est un nouvel eldorado pour l'or noir, la ruée est freinée par des barrières environnementales, politiques, juridiques, technologique enfin.

Atlantico : Bonne nouvelle pour le norvégien Statoil qui a découvert une réserve de 200 à 300 millions de barils dans la mer des Barents. Le groupe annonce un "eldorado" pétrolier. Y a-t-il encore beaucoup de ces eldorados cachés dans le monde ?

Jean-Michel Gauthier : Il faut rester prudent sur la notion d’eldorado. Nous n’allons pas retrouver un nouveau Moyen-Orient demain. Par contre, nous pouvons peut-être trouver une nouvelle Mer du Nord. Et encore ! L’Arctique est clairement l’un de ces nouveaux « eldorados ». Il pourrait également y avoir la Mer de Chine méridionale et peut-être l’offshore brésilien.

200 à 300 millions de barils, c’est beaucoup pour un seul champ mais ce n’est qu’une petite partie des réserves estimées de l’Arctique. C’ est une grosse découverte pour Statoil.  On ne trouve pas tous les jours des champs de cette taille.

Nous savions déjà que l’Arctique regorgeait de réserves d’hydrocarbures considérables. Des rapports de l’US Geological Survey et de l’Agence internationale pour l’énergie (AIE) évoquent 300 à 350 milliards de barils dans cette région. Selon les études, les experts évoquent des chiffres qui peuvent aller de 10 à 15 % des réserves conventionnelles mondiales de pétrole , selon les normes utilisées,  pour ces analyses. 

On ne peut en dire autant du gaz. Il y aurait dans l’Arctique des réserves de l’ordre de 50 000 milliards de mètres cubes de gaz.  Ce serait quelque chose comme un quart des réserves mondiales.

Atlantico : Pourquoi ne se précipite-t-on pas sur ces réserves ?

Jean-Michel Gauthier : En ce qui concerne l’Arctique, il y a trois principales barrières : environnementale, politique et juridique; technologique enfin.

Sur le plan environnemental, les raisons sont évidentes. L’Arctique et l’Antarctique sont les ultimes réserves d’eau potable non salée dans le monde. Ces régions sont devenues des sanctuaires de l’eau potable. Il y a donc une restriction forte et naturelle quant à la mise en exploitation industrielle des  ressources énergétiques dans cette zone.

L’exploitation de l’Arctique est aussi conditionnée à la levée des revendications territoriales et autres disputes sur les limites des eaux territoriales entre les Nations concernées : les Etats-Unis, le Canada, le Danemark, la Norvège et la Russie. Sans parler de l’’Islande qui, bien qu’absente à la table des négociations, aimerait avoir son mot à dire. Et puis  Il y a également Les Groenlandais, très attachés à la reconnaissance du sol pour les Inuits, mais qui dépendent encore du Danemark. Tous ont des disputes territoriales. En particulier les deux alliés nord-américains, les Etats-Unis et le Canada, qui vont vers une dispute frontale. Pour l’instant, seules la Norvège et la Russie ont réussi à trouver un consensus en partageant la zone disputée dans leurs eaux territoriales.

L’exploitation du pétrole et du gaz ne peut aller sans un cadre juridique reconnu par toutes les parties concernées. La Convention de Montego (1982)  sur le  droit de la mer définit la notion de droits territoriaux sur l’espace maritime.. Mais celle-ci  a été ratifiée par tous les pays concernés sauf les Etats-Unis qui restent hors-jeu depuis le début et refusent de reconnaître ces accords. Pour le moment, nous ne savons donc pas quelles ressources appartiennent à qui ni qui peut forer où. Les pétroliers raisonnent simplement : ils  ne peuvent pas engager  des investissements dans des périmètres sur lesquels ils n’ont pas de droits et où leur présence pourrait être remise en cause par la suite.

 D’un point de vue technique, nous avons ici un besoin d’infrastructures qui sont confrontées à des zones climatiques extrêmes. C’est une spécialité qui ne peut pas être improvisée par n’importe quelle compagnie de forage ou d’exploitation pétrolière. De plus, nous sommes dans de l’offshore  profond : plusieurs milliers de mètres d’eau et plusieurs milliers de mètres de plus à creuser dans le sol. Le tout dans un environnement particulièrement difficile. Les dernières estimations de l’AIE penchaient pour un rapport allant du simple à un facteur dix en termes de coûts de production dans cette région.

Atlantico : Ces réserves remettent-elles en cause le besoin de trouver rapidement d’autres sources d’énergie ?

Jean-Michel Gauthier : Ce n’est pas parce que l’on découvre un nouvel eldorado pétrolier que le pétrole devient inépuisable et infini. Mais aujourd’hui, même sans l’Arctique, nous pouvons dire qu’il reste des réserves tout à fait considérables. La difficulté n’est pas là.

Aujourd’hui, le problème, c’est l’envolée des coûts de production du fait de structures géologiques de plus en plus complexes. Le pétrole, ressource limitée, est aujourd’hui  largement disponible … à des coûts croissants.

D’un point de vue géopolitique et géoéconomique, les décideurs financiers et les économistes ont un horizon à 25 ans. Il serait intéressant de savoir quand Statoil prévoit de tirer les premiers barils de cette dernière réserve qu’ils ont découverte. Les premières productions en provenance de l’Arctique sont attendues pour dans une vingtaine d’années. Elles ne remettent donc pas du tout en cause les équilibres entre pays producteurs et consommateurs. Au cours des 20 prochaines années, le Moyen-Orient restera la région avec les réserves les plus abondantes et les plus disponibles à un coût de production le plus bas . 

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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